jeudi 11 décembre 2014

L'année 2014 en affiches

2014 se termine. Quels ont été les meilleurs films politiques de l'année ? Réponse avec un petit top 5.


5ème : Dent pour dent...





Comédie romantique trash, qui emprunte autant à Feydeau qu'à Mr & Mrs Smith, centré sur le destin d'un homme, séducteur malgré lui, autour duquel plusieurs femmes se déchirent. Portés par des comédiens époustouflants (mention spéciale à Ségolène Royal, formidable en ex devenue bonne copine), et des dialogues qui font mouche à chaque fois (la réplique du héros sur l'absence de dents de certains pauvres qui donne son titre au film est immédiatement devenue culte), Dent pour dent... réinvente la screwball comedy en lui donnant un doux parfum de jeu de massacre. Incontournable.



4ème : Jeux de mains




Porté par un scénario ultra acclamé, Jeux de mains combine astucieusement le film de mafia façon Parrain, le film d'arnaque à la Ocean's eleven et la série B versant revenge movie (Old Boy, Kill Bill). Porté par une distribution éclatante et des secondes rôles tous plus truculents les uns que les autres (on citera Jérôme Lavrilleux et Bruno Le Maire, deux révélations dont on entendra certainement beaucoup parler ces prochaines années), Jeux de mains impressionne. Le succès a été tel qu'une suite est déjà annoncée pour 2015, sous le titre sans surprise de Jeux de vilains. On a hâte de voir ça, même si Jean-François Copé a déjà annoncé qu'il ne serait pas de la partie.



3ème : Gencive World




La comédie familiale à la française était moribonde ces dernières années, à tel point que l'on a cru le genre mort et enterré. Et Gencive World est arrivé. Ne pas se fier à son titre façon ciné indé américain, on a là affaire à un pur produit du terroir, bien de chez nous, français de souche. L'originalité du scénario est de miser sur les particularités physique des acteurs, tous issus de la même famille (les Le Pen, d'ordinaire abonnés aux rôles de méchants). Entre répliques provocatrices (la tirade dite de la fournée) ou moments de pur burlesque (cette scène mémorable où le doberman du grand-père dévore le chat de la tante), l'inventivité est constante, pour notre plus grand plaisir.



2ème : Seul et mouillé



Beaucoup de termes ont été évoqués pour tenter de définir le genre cinématographique auquel Seul et mouillé pourrait appartenir, et parmi eux, celui de road movie statique retient notre attention. Comment décrire autrement la prouesse narrative d'un film à ce point immobile et passionnant, tourné entièrement en décors naturels et dans des conditions climatiques parfois dantesques ? Le talent de l'interprête principal, dans son énième rôle de type dépassé par les évènements mais qui reste stoïque, éclate une nouvelle fois et permet de totalement occulter l'absence de scénario. A voir et à revoir.



1er : Le Double



Les thrillers schizophréno-paranoïaques ont la côte, ces temps-ci, et Le Double en offre un nouvel exemple. Qui est qui ? Un homme peut-il posséder plusieurs incarnations ? A moins qu'il ne s'agisse que d'un seul corps, aux identités multiples ? A chaque plan de ce Double très librement inspiré de Dostoïevski, le vertige croît. Paul Bismuth, totalement inconnu avant ce film, est une révélation marquante : outre sa facilité à passer d'un personnage à l'autre, on retiendra chez lui un don pour le trouble, pour l'ambiguïté. On ne dira rien du dénouement bluffant de ce petit chef d'oeuvre, ni des multiples rebondissements qui le précèdent. Un mot, un seul : magistral.


vendredi 17 octobre 2014

Onze moments mythiques de la Coupe du Monde - 1 : La main de Suarez


Cet article est le dernier d'une série de onze textes consacrés aux moments les plus cultes que nous a offerts la Coupe de Monde de football. Le reste du dossier est consultable sur cette page.


L'Uruguay monte au filet.
L'Histoire du football est émaillée de mains célèbres : on se souvient de celle de Maradona contre l'Angleterre, de celle de Vata contre Marseille ou encore de celles de Thierry Henry contre l'Irlande. Toutes ces mains ont deux points comuns : elles sont restées impunies et ont permis un but. C'est en cela que la main qui nous intéresse cette fois-ci, oeuvre de l'Uruguayen Luis Suarez, se différencie.

Nous sommes en 2010, la Coupe du Monde se dispute cette année en Afrique du Sud. Le monde entier découvre le vuvuzela, sorte de trompette en plastique qui produit une sorte de vrombissement dont le bruit, étouffant, sera la bande sonore de tout le Mondial. Cette édition, la 19ème, est surtout la première à se dérouler en Afrique. Les représentants du continent, pourtant surmotivés, se sont presque tous effondré dès le premier tour : Afrique du Sud, Nigeria, Algérie, Cameroun et Côte d’Ivoire ont été éliminés, laissant le Ghana seul représentant du continent noir aux huitièmes de finale. Opposés aux Etats-Unis, les Black Stars s’imposent après prolongation.

Soutenus par tout un continent, les Ghanéens voient maintenant se dresser face à eux l’Uruguay. En cas de victoire, ils deviendraient la première équipe africaine à atteindre le dernier carré d’un Mondial, dépassant du même coup de Cameroun et le Sénégal, tous deux éliminés en quarts de finale (respectivement en 1990 et en 2002). L’Uruguay, après avoir été l’équipe phare de la première moitié du vingtième siècle (vainqueur de la Coupe du Monde en 1930 et 1950, double champion olympique en 1924 et 1928), est progressivement rentré dans le rang, à tel point que sa dernière demi-finale remonte à 1970. Sur le papier, il n’y a pas véritablement de favori, même si toute la planète espère secrètement que le Ghana se qualifiera.

Suarez, quelques minutes avant d'entrer dans la légende.

Le match est animé. Juste avant la mi-temps, Muntari ouvre le score pour le Ghana. Forlan lui répond en deuxième période. Chaque équipe vit des temps forts, obtient des occasions, mais sans réussir à marquer un second but. Commencent les prolongations, et le Ghana se met à pousser de plus en plus fort. Dans les ultimes secondes de la partie, la défense uruguayenne ne parvient plus à dégager le ballon, et les Ghanéens frappent plusieurs fois au but. Quand ce n’est pas le gardien, Muslera, qui s’interpose, ce sont des joueurs uruguayens postés sur la ligne de but qui sauvent leur camp. Jusqu’au coup de sifflet de l’arbitre : sur une dernière tête qui avait trompé Muslera, le jeune attaquant Luis Suarez avait arrêté le ballon sur la ligne en s’aidant de la main. La double sanction est immédiate : carton rouge pour Suarez, et penalty pour le Ghana.

L’arbitre a appliqué le règlement à la lettre, et la Ghana obtient une occasion en or : le penalty sera la dernière action de la rencontre, c’est une balle de match pour les Black Stars. Si Gyan Asamoah le marque, l’équipe sera qualifiée. Gyan s’élance, frappe… et le ballon heurte la barre. L’arbitre siffle la fin du match. Un partout, il faudra donc en passer par les tirs au but, et malgré le courage de Gyan, qui, quelques instants après son raté si lourd de conséquence, trouvera la force de réussir son nouveau tir et de mettre son équipe sur la bonne voie, l’Uruguay, dopé par ce final chanceux, s’imposera et se qualifiera en demi-finales.

Suarez, lui, devint un héros et un paria à la fois. S’il n’avait pas mis la main, le Ghana aurait marqué et aurait été qualifié. Il a préféré se sacrifier et sauver les siens de façon irrégulière, en se disant qu’il valait mieux un carton rouge et un penalty qu’un but à la dernière seconde. L’arbitre l’a sanctionné, et si Gyan avait réussi son tir, tout le monde aurait vite oublié l’incident. Mais Gyan a raté, et l’Uruguay s’est qualifié, et si l’Histoire a donné raison à Suarez, la morale l’a largement accablé – toute la bien-pensance footballistique se rejoignant pour fustiger, sur les plateaux de télévision, les images d’un Suarez tout juste expulsé mais déjà exultant au bord du terrain après l’échec de Gyan. On trouva même des directeurs de consciences assez hardis pour avancer que plutôt qu’un penalty, le Ghana aurait dû bénéficier d’un but – alors même que le ballon n’avait pas franchi la ligne. Il y eut aussi des exégètes assez inspirés pour comparer l’interdit de la main au football à celui de la masturbation dans la religion. Le résultat ne changea pas : le Ghana était éliminé, à la déception générale, et l’Uruguay, parfait dans le costume du méchant, se qualifia pour une demi-finale où il perdit contre les Pays-Bas.

Le triomphe du héros.

L’issue de ce coup de sort (que Suarez lui-même qualifia de « plus bel arrêt de la Coupe du Monde ») est un pied de nez formidable au règlement et aux avantages que sont supposées apporter diverses situations. On imaginait mal, avant ce match, qu’une équipe sanctionnée d’un penalty et d’un carton rouge à la dernière minute de prolongations, puisse réussir à renverser le cours des évènements et s’imposer au finish.

Plus encore, cette action, et la controverse sans fin qu'elle engendra, montra une fois de plus que le football était un immense réceptacle à fantasmes et un vaste prétexte à débat. Ne croyez pas les amateurs de football quand ils vous disent que ce qu'ils recherchent, c'est le beau jeu. Le beau jeu, ils l'aiment, oui, mais ce n'est pas ce qu'ils préfèrent. Ce que veulent vraiment les spectateurs de football, c'est la dramaturgie, et son incroyable richesse. Qu'il ait fallu attendre 2010 pour assister à une situation telle que le final de cet Uruguay - Ghana montre bien que les situations potentielles que peut offrir un match de football sont sans fin, amplifiées et multipliées par la circonstance exceptionnelle que constitue une Coupe du Monde.

Le délit et sa sanction :



Onze moments mythiques de la Coupe du Monde - 2 : Le coup de boule de Zidane

Cet article fait partie d'un dossier consacré à onze moments mythiques de l'histoire récente de la Coupe du Monde de football. Retrouvez les autres textes sur cette page.


L'Acte.

Plus d’un milliard de téléspectateurs en direct, des ralentis qui ont tourné en boucle sur tous les écrans du monde pendant plusieurs jours, des milliers de vidéos parodiques sur youtube, une statue exposée devant Beaubourg… On estime que les images du coup de tête de Zidane, asséné à l’Italien Marco Materazzi en finale de la coupe du monde 2006, sont les plus vues de l’histoire de l’humanité, devant celles des attentats du Word Trade Center. Pourtant, sur le moment, personne n’a rien vu.

A l’image de Thierry Gilardi, le commentateur de TF1 qui a d’abord cru que Trezeguet était l’auteur du mauvais geste, tout le monde a d’abord baigné dans le flou. Les images télé montraient alors l’action en cours, une contre-attaque italienne, en début de deuxième mi-temps de prolongations. Puis le jeu a été arrêté, et on s’est aperçu qu’il y avait un attroupement, à l’autre bout du terrain. Un Italien était au sol – Materazzi. D’autres vitupéraient, très virulents, essayant de dire quelque chose à l’arbitre. Quoi ? On ne le sait pas encore. Enfin, au bout d'un temps incroyable, le ralenti finit par arriver, implacable : Zinedine Zidane, le meneur de jeu de l’équipe de France, avait mis un coup de boule à Materazzi.

Mais cela, l’arbitre ne l’avait pas vu. Il interrogea ses assistants, qui n’avaient rien vu non plus. C’est finalement le quatrième arbitre, ce type qui en général ne sert qu’à porter le panneau qui annonce les numéros des joueurs quand on procède aux changements, qui lui apporte la précieuse information. Problème : les écrans  vidéo de l’Olympiastadion passent en boucle, depuis une bonne minute, les images du scandale, et le règlement de football interdit l’utilisation de la vidéo à des fins d’arbitrage durant un match. Personne ne saura jamais si le quatrième arbitre avait vu l’action en direct, ou si ce sont les ralentis qui l’ont alerté. L’arbitre principal, l’Argentin Horacio Elizondo, va jusqu’à Zidane, et lui adresse un carton rouge.


Dehors !

Les faits, en soi, sont relativement exceptionnels. Mais le contexte les rendait encore plus singuliers : il s’agissait du dernier match de la carrière de Zinedine Zidane, qui venait d’être le personnage central de la coupe du monde. Le meneur de jeu français, déjà vainqueur du Mondial en 1998 (ainsi que d’un Euro, en 2000, et d’une Ligue des Champions, en 2002), avait annoncé, avant la compétition, qu’il prendrait sa retraite à l’issue de celle-ci. Assez transparent durant les premiers matches de son équipe, il était monté, comme elle, en régime au fur et à mesure du tournoi. En huitièmes de finale, face à une Espagne qui avait annoncé vouloir le mettre à la retraite, il avait marqué le troisième but des Bleus (score final : 3 – 1). En quarts, contre le Brésil, il avait livré un véritable récital, écœurant toute l’équipe brésilienne et délivrant à Thierry Henry une précieuse passe décisive (score final : 1 -0). Enfin, en demies, c’est lui qui avait marqué, sur penalty, le seul but du match remporté face au Portugal.

Le matin de la finale, contre l’Italie, Zidane avait réussi son pari : partir sur une finale de Coupe du Monde, chose que n’avaient réalisé ni Pelé, ni Maradona, ni Cruijff, ni aucun de ses principaux rivaux dans la course au titre honorifique de « meilleur joueur de tous les temps ». Avec les succès des Bleus, la Zidanemania, phénomène français et mondial, avait atteint des proportions délirantes, les chansons qui lui étaient consacrées passaient en boucle à la radio, un film sur lui avait été sélectionné à Cannes et même le New York Times, quotidien très sérieux d’un pays qui ne comprend rien au football, le jour de la finale, avait fait figurer en Une un portrait du Français, qualifié de « type le plus cool de la planète ».

Au bout d’à peine dix minutes de jeu, le pari était encore un peu plus près d'être gagné : Zidane avait ouvert le score, sur penalty, en réalisant une Panenka, culot que l’on croyait impensable à ce niveau. L’Italie avait rapidement égalisé, et le score n’avait plus bougé. Sur un contact aérien, Zidane avait paru se blesser à l’épaule, on l’avait même vu demander un changement, mais il avait été remis sur pied, et avait pu continuer à jouer. Un peu plus tard, durant la prolongation, Zidane, encore lui, avait failli inscrire un second but, d’une tête détournée in extremis par Buffon, le gardien Italien.

Et quelques instants plus tard, le drame était arrivé. Materazzi avait dit quelque chose qui n’avait pas plu au Français (quoi ? on n’a jamais su, même il était visiblement question de la sœur de Zidane, ou de sa mère, à moins qu'il ne s'agisse de sa femme), celui-ci s’était retourné, l’avait fixé un instant avant de l’exécuter d’un coup de tête en pleine poitrine. Et l’arbitre, aidé ou pas par la vidéo, l’avait expulsé. Et la France avait fini par perdre la finale, aux tirs au but.


The Artist.

Jamais on n’a vu un coupable se faire absoudre et pardonner aussi rapidement que Zidane, le phénomène confinant presque à l’hypnose collective. Cas unique, la FIFA infligera même une suspension à Materazzi. Les Français éliront Zidane comme leur personnalité préférée quelques semaines plus tard. Sur les plateaux télés, les commentateurs rivaliseront de sévérité à l’encontre de joueurs comme Materazzi, considéré comme « la lie du football et l’emblème de ces joueurs méchants, provocateurs » - l’Italien sera même soupçonné, à tort, de racisme.

Il n’en reste pas moins que le vrai vainqueur de la Coupe du monde 2006, c’est lui. Simple remplaçant au début du tournoi, il profite de la blessure de Nesta pour intégrer le onze de la Squaddra Azzura. En finale, c’est lui qui égalise pour l’Italie, avant de faire expulser Zidane et de réussir son tir au but. Mais l’histoire le retiendra comme le méchant. D’ailleurs, l’histoire a presque déjà oublié que l’Italie avait gagné, en 2006 – le match s’est terminé avec l’expulsion de Zidane.

L'un des moments les plus tristes de mon adolescence : 



Onze moments mythiques de la Coupe du Monde - 3 : Le chef d'oeuvre de Bergkamp

Cet article fait partie d'une série consacrée à onze moments mythiques de l'histoire récente de la Coupe du Monde de football. Le reste du dossier se trouve sur cette page.

Carlos Roa, Roberto Ayala et Dennis Bergkamp exécutent la dernière chorégraphie de Pina Bausch

On se souvient de buts mythiques comme autant d’instants de grâce ayant pris place lors de moments où la tension était exacerbée. Ainsi, les reprises de volée de Zidane en finale de Ligue des Champions ou de Van Basten en finale de l’Euro, ou la chevauchée de Maradona contre l’Angleterre, en quarts de finale du Mondial 1986. Parmi ces réalisations, celle qui nous importe ici est l’œuvre du Hollandais Dennis Bergkamp, et a lieu dans les derniers instants d’un quart de finale de la Coupe du Monde.

On est au Stade Vélodrome de Marseille, en 1998, et l’Argentine affronte les Pays-Bas pour une place en demi-finale. Depuis le début de la compétition, les deux équipes ont impressionné, et même parfois déroulé, remportant chacune un match 5 – 0 (contre la Jamaïque pour l’Albiceleste, et contre la Corée du Sud pour les Oranje). En huitièmes de finales, elles sont venues à bout de deux équipes solides, l’Angleterre et la Yougoslavie, et, depuis le début du match, elles se tiennent la dragée haute.

Patrick Kluivert a rapidement ouvert le score pour les Pays-Bas, mais Claudio Lopez lui a répondu cinq  minutes plus tard. Le match, intense, crispant, a pris une tournure dramatique quand le meneur de jeu argentin, Ariel Ortega, a été expulsé après un coup donné au gardien hollandais, Van Der Sar. A la quatre-vingt-neuvième minute, alors que le score est toujours d’un partout, Frank De Boer adresse une longue transversale à destination de Dennis Bergkamp, la star offensive de la formation batave. Celui-ci réalise un contrôle en pleine extension, puis se débarrasse de son défenseur, Roberto Ayala, en inventant un splendide crochet aérien pour se retrouver seul face au gardien argentin, Roa, qu’il crucifie d’un missile sous la barre.


Bergkamp jubile.

Bergkamp, déjà célèbre pour sa phobie de l’avion (qui lui vaudra le surnom de non-flying Dutchman – le Hollandais qui ne vole pas), fit, avec ce but, son entrée au panthéon de ceux que l’on surnommera, par analogie avec les peintres du XVIIème siècle, les Grands Maîtres Hollandais. La lignée, entamée dans les années 70 avec Cruijff et Rensenbrink, se poursuivra durant la décennie suivante avec la génération dorée de Van Basten et Gullit, vainqueurs de l’Euro 1988. Durant les années 90, Bergkamp reprendra un flambeau aujourd’hui porté par le joueur de Manchester United Robin Van Persie. Ce qui distingue les Grands Maîtres Hollandais du commun des footballeurs, outre leur propenstion à inscrire des buts hors normes, c’est la grâce. C’est ce port de tête aristocratique. C’est cette vision du jeu d’une précision redoutable. C’est ce sens de l’équilibre qui leur donne des airs de danseurs ou de funambules. C’est cette propreté absolue du touché de balle. C’est cette aptitude à réaliser des contrôles extrêmement difficile avec une élégance impeccable. C’est ce perpétuel temps d’avance sur l’adversaire qui permet de ne jamais donner l’impression qu’on se presse. C’est cette majesté tranquille dans l’exécution de chacun des gestes. C’est ce souci permanent de l’esthétique.

Bergkamp l’a souvent répété en interview : plus que de marquer des buts, ce qui l’intéressait, c’était d’en marquer des jolis. Le catalogue de ses prouesses regorge de chefs d'oeuvre, de ballons piqués, de frappes limpides, d’ouvertures lumineuses. Passé par l’Ajax Amsterdam, l’Inter Milan et Arsenal, Bergkamp fut, avec l’Italien Baggio, le plus grand meneur de jeu des années 90, le plus beau, le plus classe. Ce but, inscrit au bout du bout d’un quart de finale épique, alors que la pression qui reposait sur ses épaules était immense, est l’illustration parfaite de son génie : alors que l’ensemble des joueurs encore présents sur le terrain est éreinté, le meneur de jeu Oranje a encore la lucidité de réussir son contrôle, puis celle d’éliminer son vis-à-vis d’un dribble sorti de nulle part. Une fois face à Roa, la frappe de l’extérieur est sèche, puissante, à bout portant, elle conclue l’action d’une façon imparable. D’un bout à l’autre de l’action, Bergkamp donne l’impression d’évoluer dans une autre dimension que ses adversaires. Ils courent ? Lui vole, danse, et le ballon épouse chacun de ses désirs. La défense argentine est mystifiée, et les Pays-Bas sont en demi-finale.

Bergkamp, un vrai joueur en carton.

Comme d’habitude, et alors qu’ils avaient jusqu’à présent dominé la compétition de la tête et des épaules, ils se feront éliminer. Euro 1988 mis à part, c’est une constance : les Pays-Bas finissent toujours par se faire éliminer. Souvent aux tirs au but (ce sera le cas cette fois-ci, face au Brésil, comme cela l’avait déjà été à l’Euro 96 face à la France et comme ce le serait encore à l’Euro 2000 contre l’Italie), parfois en finale (lors des Coupes du Monde 1974, 1978 et 2010), les Pays-Bas finissent toujours par perdre après avoir donné le sentiment qu’ils étaient invulnérables. Mais l’important n’est pas là. L’important est dans l’élégance, et sur ce terrain, personne ne peut rivaliser avec les Grands Maîtres Hollandais.


Le geste :




mercredi 11 juin 2014

Onze moments mythiques de la Coupe du Monde - 4 : Le malaise de Ronaldo

Cet article fait partie d'une série de textes consacrés à onze moments mythiques de l'histoire récente de la Coupe du Monde de football. Les autres sont accessibles sur cette page.

L'homme qui rétrécit

La Coupe du Monde 1998, organisée en France, s’est déroulée, à la surprise générale, selon un scénario très prévisible : match clin d'oeil (USA - Iran), équipes surprise (Croatie, Danemark), grosses déceptions (Espagne), vedettes aux destins opposés (Bergkamp, Del Piero, Owen, Batistuta), duels acharnés (France - Italie, Pays-Bas - Argentine). Surtout, s’est tenue, en finale, l’affiche idéale, celle dont tout le monde rêvait : le Brésil, alors quadruple vainqueur du tournoi et tenant du titre, face à la France, le pays organisateur. La rencontre permettait aussi l’opposition de deux hommes : le Brésilien Ronaldo et le Français Zidane, c’est-à-dire le meilleur joueur du monde et son dauphin officiel. Si, un peu plus tôt dans l'année, Zidane avait remporté un premier succès en étant sacré champion d’Italie, avec le Juventus, au détriment de l’Inter de Ronaldo, le vrai rendez-vous, tout le monde le savait, était prévu pour la finale du Mondial, où l’on allait enfin voir si vraiment le Français était en mesure de contester la suprématie du Brésilien.

Ronaldo, alors âgé de vingt-deux ans et déjà considéré comme l’un des plus grands joueurs de l’histoire, avait fanfaronné avant le tournoi, s’estimant capable de battre le mythique record de Just Fontaine (treize buts en une seule Coupe du Monde, en 1958). La réalité avait été plus rude, mais le Fenomeno n’avait pas démérité en étant l’auteur de quatre buts et de trois passes décisives - il avait également répondu présent en réussissant son penalty lors de la séance de tirs aux buts de l'intense demi-finale face aux pays-Bas. La finale allait lui permettre de mettre les choses au point - du moins le croyait-on.

Mais une heure avant le début du match, la rumeur se répand comme une traînée de poudre parmi les journalistes et s’étend vite à l’ensemble de la planète : Ronaldo ne jouera pas la finale, il ne sera que remplaçant, et Edmundo le suppléera à la pointe de l’attaque brésilienne. Panique mondiale pendant un quart d'heure, puis circule une seconde feuille de match, où Ronaldo est annoncé comme aligné à la pointe de l'attaque brésilienne. Bluff ? Couac ? Personne ne sait trop, et très vite, trop vite arrive l'heure du match. Ronaldo est bel et bien là, titulaire aux côtés de Bebeto et Rivaldo. Lors des hymnes nationaux, il arbore un air légèrement absent. Lorsque le match commence, il lui faut presque un quart d'heure avant de toucher pour la première fois le ballon. Muselé par la défense française, impuissant face à Barthez qui le mettra même littéralement KO après une sortie aérienne autoritaire, il traverse tout le match comme un fantôme, observant de loin son rival Zidane marquer deux buts et offrir la Coupe du Monde à la France.

Footballeurs à la sortie de l'hibernation.

Dès le lendemain, le bruit commencera à courir et le scandale à enfler : Ronaldo aurait été victime d’un malaise quelques heures seulement avant la finale, alors qu’il jouait aux jeux vidéos avec Roberto Carlos. Celui-ci serait sorti de leur chambre en criant « Il est en train de mourir ! » et tous les Brésiliens se seraient précipité auprès de Ronaldo, l’empêchant de s’étouffer avec sa langue avant de le conduire  l’hôpital où les examens ne révèleront rien. Diverses théories ont surgi, parlant de crise d’épilepsie, de malaise vagal ou de dystonie neurovégétative. Certains, même, évoqueront les effets secondaires du dopage, s’appuyant sur l’impressionnante augmentation de la musculature de Ronaldo durant les deux années qui avaient précédé et sur les bruits de couloirs qui faisaient du championnat italien l’antichambre de la recherche pharmaceutique et de l’optimisation de performance. On dira également qu’il n’était pas en état de jouer la finale, mais que c’est Nike, sponsor du joueur et de l’équipe du Brésil, qui avait insisté pour qu’il soit aligné.

Les versions contradictoires se succèderont, allant jusqu’à provoquer une large enquête au sein de la Fédération brésilienne de football, minée par la corruption et les pots-de-vin. Aujourd’hui encore, personne n’est en mesure de dire ce qui s’est vraiment passé dans la chambre de Ronaldo, quelques heures avant la finale contre la France. Ce qui s’est passé ensuite, en revanche, est connu. Après la défaite, Ronaldo connaîtra quatre ans de galère, quatre ans durant lesquels il ne jouera qu’une poignée de matches, enchaînant blessure sur blessure, étant même déclaré mort pour le football après une rechute de son genou, en 2000, six minutes seulement après avoir fait son retour sur un terrain. Depuis ses différents lits d’hôpital, réduit à l’impuissance, il regardera Zidane le déposséder de son titre honorifique de meilleur joueur du monde et remporter la Coupe du Monde, le Championnat d’Europe, la Ligue des Champions.

Quatre ans plus tard, Ronaldo réalise le plus grand retour de l'histoire du football, et, surtout,
dévoile au monde la coupe de cheveux dite de la "vulvette".


Et puis viendra la renaissance, en 2002, lors du Mondial asiatique. Ronaldo n’a quasiment pas joué depuis la précédente Coupe du Monde. S’il figure dans la sélection brésilienne, c’est presque une surprise. Son état de forme est incertain, et personne ne s’attend à grand-chose de sa part – après tout ce qu’il a traversé, c’est déjà bien qu’il soit là, se dit-on. Un mois et huit buts plus tard, Ronaldo, meilleur buteur du tournoi avec huit buts et vainqueur de la compétition, signera sa résurrection et refermera la parenthèse de ces quatre années de galère. Le malaise de 1998 était oublié, définitivement, et le Fenomeno était de retour, signature ultra-médiatique au Real Galactique à la clé. Mieux, encore : en 2006, un Ronaldo désormais trentenaire et largement bedonnant insrivait trois nouveaux buts, améliorant d'une unité le total de buts inscrits en Coupe du Monde (le précédent record, détenu par l'Allemand Gerd Müller, était de quatorze réalisations).

Le record : (qui sera peut-être battu par l'Allemand Klose dans les prochains jours...)



Onze moments mythiques de la Coupe du Monde - 5 : Le fiasco de Knysna

Cet article fait partie d'un dossier consacré à onze moments mythiques de l'histoire récente de la Coupe du Monde de football. Les autres sont accessibles sur cette page.


Sans commentaire.

En 2010, tout était très mal parti, dès le début, pour l’équipe de France. 

La qualification avait été laborieuse : deuxième de leur groupe derrière la Serbie, les Bleus avaient dû passer par les barrages pour rejoindre l’Afrique du Sud, et ils n’avaient alors dû leur salut qu’à un but de William Gallas entaché d’une main grossière de Thierry Henry vue par tout le monde sauf l'arbitre, au cours de la prolongation du match retour face à l’Irlande. Le sélectionneur, Raymond Domenech, devenu la risée du pays après sa demande en mariage à Estelle Denis à l’issue de l’élimination de l’Euro 2008, disputait à Sarkozy le titre d’homme le plus détesté de France, le jeu pratiqué était médiocre, l’un des meilleurs joueurs de l’équipe, Lassana Diarra, devait déclarer forfait pour le Mondial (pour cause de coliques à répétitions), et quelques semaines avant le début de la compétition avait éclaté l’affaire Zahia : une call girl avait révélé avoir eu des relations tarifées avec plusieurs joueurs cadres des Bleus, dont Ribéry et Benzema, et ce alors qu’elle était encore mineure. Pour ne rien arranger, la campagne de matches amicaux qui avait servi à préparer l'épreuve durant les semaines qui avaient précédé la Coupe du Monde s'était achevée sur une défaîte honteuse concédée contre... la Chine, même pas qualifiée pour le Mondial sud-africain.


Je vous ai compris.

C’est donc dans un climat déjà très lourd que les Français étaient partis en Afrique du Sud, pour disputer le Mondial - sans Lassana Diarra, forfait, donc, mais également sans Karim Benzema, ni Samir Nasri, jugés fauteurs de troubles en puissance, et donc écartés par Raymond Domenech. Les attendaient Knysna, où ils avaient décidé d’établir leur camp de base, et six semaine de huis clos et de réclusion, avec pour seul contact avec l’extérieur la présence, massive et sauvage, de hordes de journalistes prêts à tout pour mettre à feu et à sang le groupe et vendre leur papier.

Le premier match s’était soldé par un nul, zéro zéro, face à l’Uruguay, et la presse avait fait ses choux gras de l’absence de jeu des Tricolores. La seconde rencontre, face au Mexique, avait vu la défaite des Bleus, 2 – 0. La faillite collective avait été encore plus criante : les joueurs ne jouaient pas bien, pas ensemble, voire pas du tout. Alors que les médias commençaient à se faire l’écho des dissensions au sein du groupe (Ribéry, Gallas, Anelka et quelques autres auraient fait de Gourcuff leur bouc émissaire), L’Equipe frappe un grand coup, en titrant « Va te faire enculer, sale fils de pute », propos attribués à Nicolas Anelka à l’encontre de Domenech. L’affaire provoquera un tollé en France, et la Fédération décidera, à la suite de cette révélation, d’exclure Anelka de l’équipe.

L'objet du délit.
La suite a fait le tour du monde : après des piteuses explications de Domenech et Ribéry (en tongs) sur le plateau de Téléfoot, dans une séquence à la tension palpable, les Bleus refuseront de descendre du bus pour s’entraîner, pour protester contre l’exclusion de leur coéquipier, forçant leur sélectionneur à lire lui-même à la presse le communiqué expliquant que les joueurs de l'équipe de France étaient grévistes. Le scandale deviendra national, les ministres présents sur place, Roselyne Bachelot et Rama Yade, condamneront l’évènement, et l’Assemblée Nationale consacrera un débat animé à la gestion du « fiasco de Knysna ».

Pour ne rien arranger, la France perdra son dernier match, contre l’Afrique du Sud et sera éliminée. Thierry Henry sera personnellement convoqué à l’Elysée par un Sarkozy avide d'explications, et tous les joueurs présents dans le bus seront sanctionné d’un match de suspension, voire plus pour certains d’entre eux (Evra, Anelka, Toulalan, Gallas). Tout touriste français parti à l’étranger durant l’été 2010 s’en souvient : il a fallu, cette année-là, affronter nombre de "so you're French ? what happened in this bus ?", il a fallu assumer cet évènement catastrophique face à l’incompréhension du monde entier. Et la question reste entière. What happened in this bus ? Quatre ans plus tard, on ne sait toujours pas.

Jean-Pierre Escalettes, le président de la Fédé, et Patrice Evra, visiblement pas
sur la même longueur d'onde.

On sait que les tensions dans le groupe étaient exacerbées, qu’une guerre des clans faisait rage. On sait que Ribéry était jaloux de Gourcuff et le traitait en souffre-douleur. On sait que Gallas était vexé qu’Evra lui ait été préféré pour le poste de capitaine. On sait que Thierry Henry, devenu remplaçant, s’était mis en retrait du groupe. On sait que Toulalan, traumatisé, ne révèlera jamais ce qu’il a vu à Knysna. On sait que Robert Duverne, le préparateur physique, excédé, faillit en venir aux mains avec Patrice Evra et, de rage, lança son chronomètre au loin. On sait que Domenech ne contrôlait plus rien depuis longtemps mais faisait semblant du contraire. On sait qu’Evra, devenu paranoïaque, était persuadé qu’une taupe sévissait dans le vestiaire des Bleus. On sait que la phrase exacte d’Anelka, de laquelle tout était parti, était en fait « Va te faire enculer avec ton système de merde ». On sait que des vingt-trois français, aucun ne descendit du bus pour s’entraîner, et que c’est Domenech qui dût lire le communiqué rédigé par l’agent de Toulalan et qui expliquait que les joueurs refusaient de s’entraîner.

"Voici la liste des prochains morts de Game of Thrones. Si vous commencez à m'emmerder, je balance tout."

Pourquoi, donc ? Parce que l’autarcie dans laquelle vivait le groupe, retranché dans un hôtel de luxe et cerné par les journalistes, avait transformé les Bleus en Lofteurs, et qu’il était insupportable, pour eux, de voir les faits secrets d’un vestiaire étalés à la Une de la presse. Parce qu’il y avait effectivement une Cabbale contre l’équipe, à ce moment-là, orchestrée par la presse. Parce que personne, à part Domenech, n’était en droit de demander l’exclusion d’Anelka, et que la Fédération, lâchant son équipe, avait outrepassé ses droits sous la pression populaire. Parce que tout était déjà vérolé, depuis le début.





Onze moments mythiques de la Coupe du Monde - 6 : Le bijou de l'Albiceleste

Cet article fait partie d'un dossier consacré à onze moments mythiques de l'histoire récente de la Coupe du Monde de football. Vous pouvez découvrir les autres textes sur cette page.

Crespo, Tevez, Riquelme et Messi. Une sacrée ligne d'attaque, quand même.


Au début, il y en a une. Puis une deuxième. Une troisième, une quatrième. Une cinquième, une sixième, une septième, une huitième… Une dixième, une quinzième. Vingt-cinq, au total, vingt-cinq passes, ponctuées par un but, splendide, d’Esteban Cambiasso, lors du match de poules Argentine – Serbie-Monténégro de la Coupe du Monde 2006, dans ce qui restera comme la plus impressionnante séquence collective vue en Mondial depuis le Brésil de 1982.

C’est une habitude, chez l’Argentine, de se présenter au début d’une coupe du monde avec le statut de grand favori, généralement dû à d’impressionnants empilages de stars offensives (de 1994 avec Maradona, Batistuta, Caniggia et Redondo, à 2010 avec Messi, Tevez, Aguëro et Di Maria). C’est également une habitude que de se faire éliminer en quarts de finale : en 1998, par les Pays-Bas, en 2006 et 2010 par l’Allemagne.

En 2006, l’Albiceleste est moins crainte qu’en d’autres occasions. Son buteur, Crespo, est vieillissant, et ses suppléants, les jeunes Messi et Tevez, encore peu connus du grand public, sont remplaçants. Appelés pour compléter le nombre, Saviola ou Maxi Rodriguez n’ont rien de terreurs. Mais, à la baguette, il y a un génie méconnu, un vrai de vrai : Juan Roman Riquelme, le joueur le plus incroyable et mésestimé des années 2000. Idole à Boca Juniors où il est même préféré à Maradona, il a connu, au cours de ses épisodiques aventures européennes, des fortunes diverses. Recruté en grande pompe par le Barça certain de tenir la grande star de demain, en 2002, il s’y effondre littéralement, ne convainc personne, et est finalement refourgué à Villareal, club de milieu de classement du championnat d’Espagne. Durant quatre saisons, Riquelme va s’y imposer comme un des meilleurs joueurs d’Espagne et mener le club jusqu’en demi-finale de Ligue des Champions, en 2006 (il ratera le penalty décisif face à Arsenal, dans les arrêts de jeu du match retour), promenant avec brio sa carcasse nonchalante sur tous les terrains d'Europe. Alors qu’il n’avait pas été sélectionné en 2002, il est pour cette Coupe du Monde intronisé meneur de jeu par son entraîneur, José Pekerman, qui en fait l’homme de base de son système.

Juan Roman Riquelme. Synonyme : Dieu.

Avec Riquelme à la baguette, l’Argentine impressionne dès le premier tour. Placée pour la deuxième édition consécutive dans le traditionnel « groupe de la mort » avec la Serbie-Monténégro, la Côte d’Ivoire et surtout les Pays-Bas (en 2002, c'était l'Angleterre, le Nigéria et la Suède, et les Argentins avaient été éliminés dès la phase de groupes), l’Albiceleste a marqué son territoire d’entrée de jeu en dominant les Ivoiriens 2 – 1, grâce à des buts de Crespo et Saviola. Le second match, contre la Serbie, peut permettre, en cas de victoire suffisamment nette, de valider la qualification pour les huitièmes de finale avant même la dernière affiche face aux Hollandais, et d'effacer l'échec de 2002. En face, les Serbes ont perdu leur premier match, contre les Pays-Bas, et seront éliminés en cas de second revers : l'enjeu est maximum.

C’est un festival. Maxi Rodriguez ouvre le score dès la sixième minute, mettant les siens sur de bons rails dès l’entame du match. La Serbie-Monténégro tente bien de faire illusion, mais à la trente-et-unième minute, lorsque la défense argentine récupère un ballon, au niveau de ses trente mètres, les malheureux Serbes ne peuvent plus que regarder, regarder Mascherano, Saviola, Sorin, Cambiasso, Maxi Rodriguez et leurs coéquipiers faire tourner le ballon, sous la houlette de Riquelme, jusqu’à ce qu’une faille apparaisse. La séquence est limpide : Riquelme étire le bloc serbe, les milieux font tourner jusqu’à ce que Sorin accélère sur son côté gauche, avant de remettre à Saviola, une-deux avec Riquelme, centre pour Cambiasso qui donne à Crespo, lequel lui remet en pleine course, d’une talonnade. Seul devant le but, Cambiasso n’a plus qu’à parachever l’œuvre de son équipe, d’un missile en pleine lucarne. Pendant longtemps, on a eu l’impression que la séquence ne présente aucun danger, que les Argentins faisait tourner le ballon par manque d’inspiration, et puis tout d’un coup, tout s’est accélèré, en deux appels de balles et trois remises, et alors que personne ne s’était encore rendu compte le rien, la balle s'est retrouvée dans le but.

Cambiasso à la conclusion.

Au final, et face à une équipe Serbe techniquement dépassée et très vite démoralisée, l’Argentine l’emportera 6 – 0, avec un autre but de Maxi Rodriguez, un de Crespo, un de Tevez et un de Messi, et gagnera le statut de grand favori de la compétition. Un nul contre les Pays-Bas en troisième match de poules et une victoire contre le Mexque en huitièmes de finale plus tard, l’Albiceleste butera finalement sur l'Allemagne, le pays organisateur, en quarts de finales et après une séance de tirs au but épique. Pour son chef d’orchestre, Riquelme, la fin sera également amère : alors que son entraîneur avait encore déclaré, la veille, qu’il était le joueur le plus important de son dispositif, il le fera remplacer, inexplicablement, au bout de soixante-dix minutes seulement lors du quart de finale perdu contre l’Allemagne. Au moment où Riquelme sortit du terrain, l’Argentine menait un à zéro ; l’Allemagne égalisa huit minutes plus tard. Juan Roman Riquelme ne gagnera jamais la Coupe du Monde.

Le but de Cambiasso contre la Serbie (la vidéo annonce 26 passes et non 25, mais comme vous pourrez le constater, elle comptabilise le but comme une passe, alors qu'il s'agit évidemment d'un tir) :