jeudi 8 janvier 2015

7 Janvier 2015

                                             

Quelle journée. Quelle journée.


Après une nuit déjà fort mouvementée, je pensais que le moment fort de ce mercredi résiderait dans ma visite à une librairie du XIIIème arrondissement, vers onze heures et demie, ce matin, pour y faire l'acquisition du dernier ouvrage de Michel Houellebecq, Soumission, qui faisait tant parler depuis quelques jours (sans que personne ne l'ait pourtant lu, la sortie nationale n'ayant eu lieu qu'ajourd'hui) en raison de son pitch a priori provocateur : en 2022, l'élection présidentielle française verrait la victoire de Mohammed Ben Abbes, candidat musulman, face à Marine Le Pen. Comme tout le monde, j'ignorais qu'au même moment, à quelques kilomètres de là, dans le onzième arrondissement, se déroulait une tuerie sans précédent : dans les locaux de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, des hommes armés pénétraient et assassinaient, froidement, les principaux membres de la rédaction, dont les dessinateurs Charb, Wolinski et Cabu, ainsi que plusieurs policiers, avant de prendre la fuite.

Ma journée a donc été marquée du double sceau du dernier Houellebecq, que les évènements ne m'ont pas empêché de finir, et de l'actualisation frénétique du live du site du journal Le Monde, pour y suivre minute après minute le déroulé des opérations, pour y apprendre, cadavre après cadavre, les décès de ces dessinateurs qui faisaient presque partie de notre famille, à nous qui vivons dans ce pays, qui en lisons la presse, qui sommes habitués à leurs caricatures.

Il n'est pas question de re-raconter ce qui s'est passé aujourd'hui, tout le monde ne le sait que trop, les plaies sont vives. Du Houellebecq non plus, je n'ai pas trop envie de parler, compte tenu de l'infamie qui s'est déroulé dans Paris cet après-midi. Je l'ai quand même lu, et je n'en dirai rien de plus que ces mots : c'est un bon roman, excellent, même, dans toute sa première moitié, et nettement plus inégal (bancal ?) ensuite, et qui ne justifie en rien le scandale qui a précédé sa sortie. Si je le mentionne, c'est juste pour souligner le télescopage malheureux de la date de sa sortie avec celle de l'horreur de Charlie Hebdo, et pour rappeler que face à la terreur et à ceux qui veulent l'imposer, je ne cèderai jamais : j'avais décidé de lire ce livre dans la journée, je l'ai fait, ce qui ne m'a pas empêché d'être bouleversé comme jamais par les meurtres ignobles perpétrés par de modernes barbares du côté de Richard-Lenoir. Ce sera tout. On pourra juste sourire avec lassitude (et ce sera bien la seule fois de la journée) en imaginant ce qu'un Zemmour pas viré d'i-Télé aurait pu dire à propos de ce livre, invité à débattre avec Domenach quelques minutes après l'attaque : "ce qui est très intéressant, c'est que les récents évènements nous montrent que même Houellebecq, que l'on croyait incorruptible, a basculé dans la représentation fantasmée d'un angélisme bien pensant en nous peignant un califat bisounours là où la lutte a déjà commencé blablabla blablabla".

Sur Charlie Hebdo, maintenant. Ce qui s'est passé aujourd'hui ne sera jamais oublié, et jamais pardonné. Pour paraphraser le discours du Bourget de l'actuel Président : à ceux qui ont pu croire qu'ils pourraient impunément faire régner la terreur, nous vous le disons, la République vous rattrapera. Jusque dans les chiottes s'il le faut, aurait aujouté un autre chef d'état en exercice.

Les coupables seront capturés et jugés, avec la plus extrême sévérité. Car à travers Charlie Hebdo (déjà menacé par le passé pour avoir publié des caricatures représentant le prophète Mahomet), c'est l'inaliénable droit à l'humour et à la dérision, c'est la liberté de la presse qu'on attaque, c'est la liberté d'expression, c'est la République. Nous ne nous laisserons pas faire par ceux qui s'en prennent à ce que nous avons de plus cher, nous ne cèderons pas, nous ne leur donnerons pas raison. Dans la dignité, nous nous relèverons, avec des plaies douloureuses et le sentiment d'avoir perdu quelque chose que rien ni personne ne nous rendra jamais. Ce quelque chose, c'est évidemment le talent des dessinateurs et rédacteurs de l'hebdomadaire satirique. C'est aussi leur présence, qui manquera en premier lieu à leurs familles, à leurs proches. C'est enfin notre innocence.

J'étais trop jeune pour avoir connu les attentats de Saint-Michel. J'ai vu le 11 septembre, mais c'était à New York. Le 11 mars 2004, pareil, c'était Madrid, ça restait loin. Aujourd'hui, c'est Paris, c'est chez nous. Et quand ils frappent chez nous, on a la Rage. Je n'ai pas participé aux rassemblements place de la République ce soir, car, trop conscient que seul le poison de la haine coulait dans mes veines, j'aurais pu y tenir des propos que j'aurais ensuite regrettés - appel au meurtre, à la loi du talion, l'émotion et l'euphorie de la foule peut nous permettre beaucoup de choses. J'ai préféré me calmer tranquillement.

Quelques heures plus tard, que dire ? A part présenter mes condoléances à tous ceux qui ont connu et aimé les victimes de la tragédie. A part condamner fermement les auteurs de ce qui n'est même plus un attentat, mais un assassinat en bonne et dûe forme, car ce n'est pas une bombe aveugle qui a frappé la foule, mais des coups de fusils prémédités, balle après balle, destinés à honorer un contrat signé depuis longtemps sur la tête de la bande à Charlie. A part attendre que la police, puis la justice, fassent leur travail. 

Nous avons été frappés durement, au coeur. Loin de tout nationalisme imbécile, rappelons-nous les paroles du chant révolutionnaire dont nous avons fait notre hymne. Entendez-vous, dans nos campagnes, mugir ces féroces soldats qui viennent jusque dans nos bras égorger nos fils et nos compagnes ? La République les rattrapera.

mardi 6 janvier 2015

Personnalité de l'année 2014 : les candidats (2/2)

Deuxième moitié des candidats au titre de personnalité de l'année 2014...



6 : Peter Piot

Qui c'est ?
Un scientifique belge spécialiste de la microbiologie, jusqu'à présent célèbre pour avoir dirigé pendant treize ans le programme de l'ONU destiné à coordonner la lutte contre le SIDA.

Quel est son principal fait d'armes en 2014 ?
En réalité, pas grand chose, puisqu'il est nommé cette année pour un acte remontant à 1976 : c'est en effet à cette date qu'il a, le premier, identifié le virus Ebola, revenu sur le devant de la scène ces derniers mois et coupable de déjà plus de 8000 morts.

Quels sont ses atouts ?
La gravité de la situation. Depuis des décennies, déjà, on nous annonce régulièrement de nouvelles épidémies: on se souvient ainsi d'H1N1, de la vache folle, de SRAS, de la grippe aviaire... Mais Ebola, maladie ancienne, semble d'un autre trempe, en témoignent les dégats, d'ores et déjà considérables, réalisés par le virus en Afrique de l'Ouest. Dans ces conditions, le chercheur qui a, le premier, identifié l'ennemi (et qui ne cesse aujourd'hui de plaider pour l'usage de traitements expérimentaux pour endiguer la pandémie), semble un candidat idéal au titre de personnalité de l'année 2014.

Qu'est-ce qui pourrait le faire perdre ?
La jurisprudence Peter Higgs. Il y a deux ans, le physicien anglais avait été nommé au titre de personnalité de l'année. Il n'avait rien fait de particulier en 2012 (attention, nul doute qu'il s'était livré à des travaux d'importance qui nous dépassent totalement, je veux juste dire que 2012 n'avait pas été si différente, pour lui, de 2011 ou de 2010), mais le monde s'était chargé de le remettre sur le devant de la scène : c'est cette année-là qu'avait été mis en évidence le célèbre boson de Higgs, dont le savant avait prédit l'existence dès les années 60. Un temps en lice pour la victoire, Higgs s'était finalement incliné en finale contre Barack Obama, souffrant de n'avoir rien fait "lui-même" en 2012. il pourrait arriver la même chose au belge Peter Piot : être élu homme de l'année 2014 pour une découverte datant de 1976 n'aurait objectivement pas grand sens.





7 : Matteo Renzi

Qui c'est ?
Un homme politique italien, de sensibilité de centre-gauche, ancien scout et ancien maire de la ville de Florence.

Quel est son principal fait d'arme en 2014 ?
Le 17 février, il est convoqué par le Président italien, Giorgio Napolitano, qui le charge de former un gouvernement : cinq jours plus tard, il prête serment et devient le plus jeune président du Conseil de l'histoire de la péninsule, et ce dans un contexte économique et politique extrêmement difficile.

Quels sont ses atouts ?
Sa jeunesse, comme mentionné plus haut, et surtout son énergie, qui lui a valu, quelques semaines à peine après son arrivée au pouvoir, d'être considéré comme le principal leader de la social-démocratie européenne (au nez et à la barbe de François Hollande et Manuel Valls, pourtant à la tête du pays "socialiste" le plus riche et le plus peuplé) et comme le chef de file des opposants à la politique d'austérité imposée par Bruxelles et Angela Merkel aux pays du Sud de l'Europe.

Qu'est-ce qui pourrait le faire perdre ?
L'émergence d'une vraie gauche européenne. Quelques mois après sa prise de fonction, l'euphorie est déjà retombée : Matteo Renzi, à la tête d'un pays marqué par l'interminable règne de Silvio Berlusconi, la gestion technocrate de Mario Monti et la montée d'un populisme incarné par Beppe Grillo, n'est pas le héraut d'une gauche radicale, et fait finalement même figure de centriste. La contestation de gauche est désormais incarnée par le parti Syriza, au porte du pouvoir en Grèce, et par le mouvement Podemos, en tête des intentions de votes en Espagne.





8 : Dilma Rousseff


Qui c'est ?
Une ancienne activiste de la résistance brésilenne, du temps de la dictature, qui a rejoint le Parti des travailleurs en 2001, et a succédé à Lula à la présidence du Brésil en 2010.

Quel est son principal fait d'armes en 2014 ?
Sa réélection à la tête du pays, malgré une campagne difficile marquée par l'émergence de plusieurs figures d'opposition, et par un mouvement populaire important lié au coût de l'organisation de la Coupe du monde de football au Brésil l'été dernier.

Quels sont ces atouts ?
Sa résistance. Dans les années 1970, elle avait été torturée pendant vingt-deux jours sans dénoncer ses camarades de lutte, alors tout combat relève désormais pour elle de la gnognotte. Le mouvement contestataire contre l'organisation du Mondial ? Il n'a pas empêché la tenue de la compétition, ni n'empêchera celle des prochains Jeux Olympiques en 2016 à Rio. Les sifflets dont elle a été victime à chaque apparition publique ? Ils se sont avérés insuffisants pour lui faire perdre l'élection présidentielle. Autant dire qu'il faudra se lever de bonne heure pour empêcher Dilma Rousseff de faire ce qu'elle veut quand elle le veut.

Qu'est-ce qui pourrait la faire perdre ?
Le Mineirazo. Le 8 juillet dernier, dans l'Estadio Mineirao de Belo Horizonte, devant 58000 spectateurs et plusieurs centaines de millions de télespectateurs, le Brésil affronte l'Allemagne en demi-finale de son Mondial. Malgré le mouvement de contestation dont a été l'objet la compétition, tout un peuple veut y croire. Le retour à la réalité aura le goût d'une baffe : à la mi-temps, les Allemands mène 5 à 0, et s'imposent finalement 7 - 1, dans ce qui restera dans les annales comme la plus grosse défaîte de l'histoire de l'équipe brésilienne en Coupe du Monde, et assurément la plus grande humiliation jamais subie par une équipe à ce stade de la compétition, qui plus est à domicile. Dans ces conditions, difficile pour Dilma Rousseff d'apparaître comme une gagnant.





9 : Luis Suarez

Qui c'est ?
Un footballeur uruguayen aussi génial que fantasque, fer de lance de l'attaque de son pays et auteur de nombreux buts tous plus beaux les uns que les autres.

Quel est son principal fait d'armes en 2014 ?
D'abord, en mai, il est sacré meilleur buteur européen de la saison 2013-2014 à égalité avec la star portugaise Cristiano Ronaldo. Ensuite, en juin, pendant la Coupe du Monde, il se distingue en mordant jusqu'au sang l'un de ses adversaires, l'italien Giorgio Chiellini, ce qui lui vaudra une exclusion du Mondial et une suspension de quatre mois. Enfin, en juillet, il signe au FC Barcelone pour la modique somme de 81 millions d'euros, ce qui fait de lui le joueur le plus cher de l'année.

Quels sont ses atouts ?
Incontestablement sa folie. L'une de ses inspirations, une main géniale, avait, il y a quelque temps, déjà fait l'objet d'un article sur l'Obvisper, mais c'est loin d'être tout : coupable de propos racistes il y a quelques années à l'encontre du français Patrice Evra, cannibale récidiviste (Chiellini, qu'il a mordu l'été dernier au Mondial, est le troisième adversaire à être victime des canines voraces de Suarez), buteur inspiré (de multiples compilations de ses buts géniaux sont visibles sur youtube) mais surtout, amant éperdu. En effet, et c'est là le plus incroyable, Suarez est le seul footballeur a avoir embrassé cette vocation... par amour. Quand il a treize ans, son amoureuse lui fait ses adieux : elle quitte l'Uruguay pour l'Europe avec ses parents, ce qui rend leur histoire impossible. Qu'à cela ne tienne : le petit Luis décide de tout mettre en oeuvre pour la rejoindre, et pour lui, le moyen le plus simple est encore de réussir dans le football, c'est-à-dire d'y devenir suffisamment fort pour être appelé dans une équipe du vieux continent. Et c'est ainsi qu'à dix-neuf ans, en 2006, il traverse l'Atlantique pour rejoindre l'équipe de Groningue, aux Pays Pas. La fin de l'histoire ? Il retrouve l'amour de son adolescence et l'épouse. Evidemment.

Qu'est-ce qui peut le faire perdre ? 
Son début de saison. Depuis qu'il est arrivé à Barcelone, et surtout depuis qu'il est autorisé à jouer, Suarez peine à retrouver le niveau qui était le sien à Liverpool ou en équipe d'Uruguay. La faute à une trop longue période d'inactivité du fait de sa suspension, mais surtout au système de jeu de son nouveau club, qui lui impose de se sacrifier continuellement au profit de l'argentin Messi, la star de l'équipe, au lieu de chercher à marquer, ce qui était sa spécialité. Du coup, les statistiques sont sans appel : depuis ses débuts au Barça, il n'a marqué que trois buts, bien loin des trente-et-un de sa saison passée.






10 : Conchita Wurst


Qui c'est ?
Une drag-queen autrichienne, de son vrai nom Thomas Neuwirth, connue pour son personnage de diva barbue.

Quel est son principal fait d'armes en 2014 ?
Sa victoire mêlée de scandale lors du concours de l'Eurovision, qui n'avait jamais été aussi médiatisé que cette année. Les conservateurs de tout poil se sont élevés contre sa participation, les télés de certains pays allant même jusqu'à boycotter ce rendez-vous traditionnel de la chanson européenne, lui offrant par là une notoriété inédite : la drag-queen se retrouve invitée à défiler pour Jean-Paul Gaultier puis à chanter devant le Parlement européen.

Quels sont ses atouts ?
Elle est devenue un symbole. Par son triomphe autant que par les réactions contrastées qui l'ont accompagné, Conchita Wurst est devenue, du jour au lendemain, un nouvel étendard pour la communauté LGBT, en des temps où la question de droits des minorités sexuelles est particulièrement sensible : elle n'est pas seulement une drag-queen, mais aussi (et surtout) une drag-queen barbue, suprême audace et pied de nez (pour le meilleur et pour le pire) aux tenants d'un certain ordre reposant sur la norme. Du coup, elle a cristallisé autour de sa personne un certain nombre de critiques, notamment des nationalistes d'Europe de l'Est ou de Christine Boutin, jamais avare de gloriole bon marché, et, en contre-coup, a été défendue bec et ongle par tous ceux qui ont vu en elle l'expression d'une jolie liberté en matière de moeurs.

Qu'est-ce qui peut la faire perdre ?
L'amour de l'art. Avant l'avènement de Conchita Wurst, les musiciens autrichiens les plus illustres de l'histoire s'appelaient Johann Strauss, Joseph Haydn, Gustav Mahler ou Franz Schubert, sans même évoquer un certain Wolfgang Amadeus M. Et c'est là que la comparaison est terrible : sans démériter dans un genre terriblement mineur, la lauréate de l'Eurovision 2014 se situe à des années lumières de ses glorieux prédécesseurs. Et comme son statut d'icône gay ne doit pas non plus nous faire fermer les yeux (ni, surtout, les oreilles) sur tout, on est obligé de reconnaître que musicalement, Rise like phoenix, ça ne vole pas très haut...

lundi 5 janvier 2015

Personnalité de l'année 2014 : les candidats (1/2)

Première moitié des candidats au titre de personnalité de l'année 2014...



1 : Abou Bakr al-Baghdadi

Qui c'est ?
Un djihadiste originaire d'Irak, capturé en 2005 par les Etats-Unis, relâché en 2009, anciennement proche d'Al-Qaïda. En 2011, la prime pour sa capture s'élevait à 10 millions de dollars. Sans doute bien plus aujourd'hui. 

Quel est son principal fait d'armes en 2014 ?
Il s'est proclamé calife, règne sur le désormais célèbre Etat Islamique en Irak et au Levant dont il a étendu le néfaste pouvoir sur une bonne partie du territoire syrien, et fait face à des frappes aériennes depuis août dernier.

Quels sont ses atouts ?
C'est de loin le candidat le plus méchant de la liste. Il a réussi la prouesse de faire passer Bachar al-Assad pour un affable bambin aux yeux de la presse occidentale (oui, le même Bachar qui faisait figure d'épouvantail dans nos listes de 2012 et 2013), fait décapiter journaliste sur journaliste, et a restauré le califat, pourtant abandonné depuis quatre-vingt-dix ans. Même Al-Qaïda se ferait dans le froc en pensant à l'Etat-Islamique.

Qu'est-ce qui pourrait le faire perdre ?
Sa Rolex. Lors de sa seule apparition publique, en juillet dernier à Mossoul, le Calife avait au poignet une montre de luxe. Pas très sérieux, quand on prêche un islam radical et qu'on s'élève contre le mode de vie occidental. Et si on remonte un peu plus loin, on s'aperçoit qu'une bonne partie des finances de l'Etat islamique provient de la vente de pétrole aux Américains, ceux-là même qui leur balancent des bombes sur la gueule. Et si on remonte encore plus, on s'aperçoit que les conditions de sa libération du camp de Bucca, en 2009, sont extrêmement obscures... Alors, Abou Bakr al-Baghdadi, génie du mal ou pantin à la solde du grand capital ?





2 : Amal Alamuddin-Clooney

Qui c'est ?
Une avocate libano-britannique de trente-six ans, célèbre pour avoir notamment défendu Julian Assange (notre lauréat 2010) et Ioulia Timochenko, l'ancienne première ministre ukrainienne.

Quel est son principal fait d'armes en 2014 ?
Parmi les finalistes des British Fashion Awards (personnalités les mieux lookées d'Angleterre), élue Femme la plus influente de Londres par le tabloïd Evening Standard, sacrée Personnalité la plus fascinante de l'année par la chaîne de télévision ABC... Tout ça, ce n'est rien. En 2014, Amal Alamuddin a réussi l'exploit de passer la bague au doigt du célibataire le plus mythique de notre époque : le Cary Grant du XXIème siècle, George Clooney en personne, alias Danny Ocean ou Dr Ross pour les intimes, celui qui avait juré que jamais il ne se marierait. What else ?

Quels sont ses atouts ?
Sa plastique, évidemment. Amal Alamuddin, désormais madame Clooney, affiche une ligne impeccable, des formes enviables, une superbe chevelure, bref, elle fait rêver les petites filles et fantasmer les grands garçons. Ce qu'elle incarne, également : si, côté people, l'année 2014 a été marquée par le déferlement de haine de Valérie Trierweiler, ce serait un joli pied de nez de récompenser l'amour. Mais plus encore, c'est son réseau qui pourrait s'avérer redoutable : il se murmure parmi les langues de vipère que c'est son carnet d'adresse (elle serait proche de Kofi Annan, du monde des affaires comme de celui de la presse) qui a convaincu un George Clooney avide de se lancer en politique de l'épouser.

Qu'est-ce qui pourrait la faire perdre ?
Sa famille. Certes, sa mère est l'éditrice d'Al-Hayat, l'un des principaux quotidiens généralistes arabophones. Certes, son père a enseigné les sciences commerciales à l'université américaine de Beyrouth. Mais là où le bât blesse, c'est du côté de son oncle. En effet, Amal Alamuddin n'est autre que la nièce de... Ziad Takieddine, l'homme qui invitait Jean-François Copé dans sa piscine et qui menace les journalites.






3 : François


Qui c'est ?
Le pape, tout simplement. Né Jorge Bergoglio, en Argentine, et devenu François, 266ème souverain pontife, en 2013.

Quel est son principal fait de gloire en 2014 ?
Ne pas se décourager devant la tâche titanesque qui lui a échu : dé-ringardiser l'Eglise catholique. Et ça passe par des discours au Parlement Européen dans lesquels il fustige l'argent-roi, par des sermons à ses cardinaux au cours desquels il les remet vertement à leur place, par une rencontre avec le Patriarche de Constantinople ou encore par une acceptation de la théorie du Big Bang.

Quel sont ses atouts ?
Il est proche du peuple, ce qui est crucial dans n'importe quelle campagne. Ayant renoncé à toute la pompe papale à laquelle ses prédecesseurs s'étaient habitués, s'avouant parfois "anticlérical", il préfère la compagnie des petites gens à celles des huiles de l'Eglise. Ainsi, fin décembre, après avoir dénoncé "l'Alzheimer spirituel", la "fossilisation mentale", la "schizophrénie existentielle" et le "narcissisme faux" de la Curie, il a tranquillement laissé en plan tous ses cardinaux pour aller festoyer avec le petit personnel du Vatican.

Qu'est-ce qui pourrait le faire perdre ?
La poisseHonnêtement, l'année 2014 de François est belle, mais moins que 2013. L'année dernière, il était le premier pape sud-américain de l'Histoire, le premier à parler des homosexuels en témoignant une certain acceptation à leur égard, le premier à se revendiquer ouvertement de Saint-François d'Assise et à se définir comme de gauche, il était allé laver les pieds de jeunes prisonniers dans le geôle et avait embrassé des lépreux à pleine bouche, et ça n'avait pas suffi pour gagner : Kim Jung-un avait déboulé comme une balle de fusil dans les derniers mètres et l'avait sauté sur la ligne d'arrivée. A ce rythme là, on se demande s'il pourra un jour gagner.






4 : Michel Houellebecq


Qui c'est ?
Un romancier français, de son vrai nom Michel Thomas, né en 1956 ou 1958, auteur notamment d'Extension du domaine de la lutte, des Particules élémentaires, de la Carte et le Territoire (pris Goncourt 2010) ou encore du recueil de poèmes Le Sens du combat.

Quel est son principal fait de gloire en 2014 ?
Il a fait ses grands débuts au cinéma. S'il avait déjà réalisé lui-même l'adaptation de son roman La Possibilité d'une île (commettant par là l'un des nanars français les plus marquants de la dernière décennie), c'est en tant qu'acteur, dans L'Enlèvement de Michel Houellebecq (Guillaume Nicloux) et dans Near Death Experience (Gustave Kervern et Benoît Delépine) qu'il s'est révélé cette année.

Quels sont ses atouts ?
En premier lieu, le chauvinisme du corps électoral : en effet, Michel Houellebecq est le seul Français figurant parmi la liste des candidats. Ensuite, et surtout, sa polyvalence. Car non content de s'être révélé un acteur comique inattendu, 2014 a également été pour lui l'occasion de voir sortir un disque de Jean-Louis Aubert mettant en musique certains ses poèmes, mais aussi d'organiser une exposition de ses photos et de publier sa propre anthologie poétique. De surcroît, un essai de Bernard Maris l'a consacré économiste de premier plan, et Houellebecq lui-même a avoué plancher sur un projet de nouvelle constitution pour notre pays.

Qu'est-ce qui pourrait le faire perdre ?
Sa suffisance, hélas. Sûrement trop sûr de gagner, Michel Houellebecq ne publie son nouveau roman, Soumission, que le 7 janvier 2015, soit une semaine trop tard pour qu'il soit pris en compte lors de l'élection. Dommage, car le scandale annoncé de l'ouvrage (qui met en scène un Hexagone dirigé par le Parti Musulman de France) aurait été une raison supplémentaire de sacrer un écrivain pour la première fois depuis plus de trente ans.





5 : Viktor Ianoukovytch


Qui c'est ?
Un ancien premier ministre et ancien président ukrainien, caniche de Vladimir Poutine et corrompu notoire.

Quel est son principal fait d'armes en 2014 ?
Après avoir voulu jouer au plus malin en jouant l'Union Européenne contre la Russie, il s'est attiré les foudres de son peuple, a voulu utiliser la force contre le lui mais a fini par se faire renverser, conduisant ainsi l'Ukraine à la crise actuelle. Sûrement penaud, il a pris la fuite et personne ne sait à l'heure actuelle où il est - en revanche, ses nombreuses et somptueuses baraques ont été l'objet de multiples photographies.

Quels sont ses atouts ?
Son côté vintage avant tout. Un président d'Europe de l'Est qui tente de réprimer par la force des manifestations, qui se fait destituer, qui prend la fuite après avoir joué les Russes contre les occidentaux... On ne se croirait pas en 2014, non, mais plutôt dans les années 80, sur fond de chute du communisme et de fin de la guerre froide.  Et comme l'heure est à la nostalgie et au revival des eighties, Ianoukovytch est parfaitement tendance.

Qu'est-ce qui pourrait le faire perdre ?
La complexité de l'affaire ukrainienne notamment et le nombre de ses têtes d'affiches. En effet, depuis la sortie de scène, de multiples personnages se sont retrouvés se le devant de la scène : Ioulia Timochenko, sortie de prison et déjà mise au placard, Vitali Klitschko, boxeur et meneur de la contestation devenu en mai dernier maire de Kiev, Petro Porochenko, le nouveau président ukrainien, ou encore Sergueï Lavrov, le redoutable ministre russe des affaires étrangères, qui accomplit avec un immense talent la basse besogne diplomatique pour le compte de Poutine. Et Poutine, aussi, le grand bonhomme de cette histoire, inélégible car déjà Personnalité de l'année en 2007, mais qui fait de l'ombre à tous les protagonistes de la crise ukrainienne. Du coup, Ianoukovytch est certes le membre le plus comique de cette clique, mais comme personne n'a de ses nouvelles depuis le mois de mars, son étoile a eu le temps de pâlir davantage que celles de ses adversaires.

Personnalité de l'année 2014 : préambule

Les derniers vainqueurs : Kim Jung-un (2013), Obama (2012), Anders Behring Breivik (2011), Julian Assange (2010),
Usain Bolt (2009), Bernard Madoff (2008), Poutine (2007), Zidane (2006), Bill Gates (2005)


2014 s'est achevé il y a quelques jours déjà, et l'heure est au bilan. Comme chaque année, il est temps d'élire la personnalité de l'année, parmi une liste de dix candidats, mais pour la première fois, la liste se retrouve en ligne, sur ce blog, et pourra donc être consultée tout le temps que durera l'élection.

Pour rappel, ce scrutin se déroule selon un mode uninominal et majoritaire à deux tours, les cancidats sont sélectionnés de façon dictatoriale par le président du comité d'organisation de l'élection, et en application d'un règlement type Goncourt, aucun ancien lauréat du prix ne peut être récompensé une seconde fois (ce qui élimine d'office Vladimir Poutine, lequel avait pourtant une bonne tête de vainqueur).

D'autre part, le titre de personnalité de l'année ne saurait être une récompense pour une bonne action : ce n'est pas un prix de camaraderie, ni un quelconque Nobel, il s'agit au contraire de récompenser la personne ayant le plus marqué l'année civile, de quelque façon que ce soit, en bien, en mal, en nous faisant rire, peur, pleurer ou rêver, en ayant oeuvré dans le champ de la diplomatie, des sciences, du sport ou de la culture. De fait, les derniers vainqueurs ne sont pas (tous) des enfants de choeur : ainsi Kim Jung-un l'a emporté en 2013 d'un souffle et à la surprise générale devant le pape François, ainsi Anders Behring Breivik fut le lauréat 2011 après un duel acharné contre Dominique Strauss-Kahn, ainsi malgré sa remarquable carrière, c'est l'année de sa retraite et en raison de son coup de boule en mondovision que Zinédine Zidane (dernier lauréat français) l'a emporté.

Enfin, cette élection est surtout un prétexte pour passer en revue l'année qui vient de s'écouler, et s'en remémorer les moments les plus forts, pour ne pas tout oublier trop vite. Et en 2014, il s'est quand même passé certains trucs...