lundi 27 juillet 2015

Tour de France 2015 : Bilan après la troisième et dernière semaine de course.

La première semaine de ce 102ème Tour de France, avec le contre-la-montre d’Utrecht, les bordures de Zélande, les pavés du Nord et les arrivées pour puncheur à Huy, au Havre et  Mûr-de-Bretagne avait fait ici l’objet d’un précédent compte-rendu. La deuxième, qui voyait le peloton s’attaquer au Pyrénées puis traverser le Sud du Massif Central en passant par Rodez, Mende et Valence avait été détaillée . Le Tour 2015 est maintenant fini, et l’heure est à un nouveau bilan, celui de cette troisième et dernière semaine, principalement ambiancée par quatre étapes alpines.



Contador, Nibali, Quintana, Froome, Valverde et Thomas. Ouais, Thomas. La blague n'a pas duré longtemps, d'ailleurs.

1)      Le triomphe de Froome

Il était en jaune depuis le début, ou presque, et il l’est resté jusqu’au bout. En tête du classement général dès la troisième étape et l’arrivée en haut du mur de Huy, Christopher Froome n’a abandonné la précieuse tunique que le temps de quelques étapes, le temps de laisser l’Allemand Tony Martin placer une attaque saillante vers Cambrai, prendre le leadership de la course et abandonner deux jours plus tard, au Havre, une épaule en vrac. Depuis, le paletot jaune n’a plus quitté les épaules de Froome. Mieux, même : le Rhino s’est également adjugé le maillot à pois de meilleur grimpeur, pour la première fois de sa carrière, étant le premier coureur à triompher dans ces deux classements la même année depuis Carlos Sastre, en 2008 - l'Espagnol avant forgé son succès avec une attaque spectaculaire lors de la dernière étape de montagne, à l'Alpe d'Huez, soit les circonstances précises où Froome, l'espace d'un instant, à semblé en mesure de tout perdre cette année.

Impressionnant vainqueur à la Pierre-Saint-Martin pour la première arrivée en altitude de ce Tour de France, le Britannique n’a pas eu besoin de récidiver pour s’adjuger son deuxième Tour de France, après 2013, complétant de belle manière un palmarès qui commence à devenir conséquent : sa forme a même été déclinante tout au long de cette troisième semaine. En effet, celui que l’on appelait autrefois le Kenyan Blanc (natif de Nairobi, il n’a la nationalité britannique que depuis 2009) a opté pour une stratégie inattendue : alors que l’ensemble des favoris, sans doute effrayés par l’orgie de montagne de la troisième semaine, avait programmé son pic de forme le plus tard possible, Froome a lui choisi d’arriver en forme tôt, de creuser des écarts dès qu’il en aurait l’occasion et de se contenter ensuite de défendre, quitte à passer des moments difficiles en fin de course. Appliquant à la lettre l’adage ce qui est pris n’est plus à prendre, Froome a fait la course en tête très tôt, frappant un grand coup à la Pierre-Saint-Martin, tant sur le plan comptable (son premier poursuivant au général, l’Américain Van Garderen, avait alors été repoussé à presque trois minutes) que psychologique (le souvenir du Froome surpuissant de 2013 était ressurgi immédiatement, et avec lui les débats houleux que la Sky se traîne depuis les années Wiggins).

Froome, plus intéressé par le maillot jaune que par les hôtesses. A raison.

























Or, et c'est peut-être assez inattendu pour ceux qui n’ont suivi que de loin ce Tour de France, Chris Froome était largement prenable dans les Alpes. Son équipe, la Sky, qui avait brillamment cadenassé la course dans les Pyrénées, est passée à la trappe dès que la route a commencé à se cabrer (Geraint Thomas, quatrième du classement général avant l’entame des Alpes, a perdu plus de vingt minutes sur la seule étape de La Toussuire), abandonnant le maillot jaune à la merci de ses adversaires à de nombreuses reprises. Lors de l’arrivée de la Toussuire, ce dernier a craqué une première fois, concédant du temps à Nibali et surtout à Quintana, et le  lendemain, à l’Alpe d’Huez, quasiment à la dérive, il s’est retrouvé littéralement tracté jusqu’à l’arrivée ou presque par Richie Porte et Wout Poels, deux de ses coéquipiers revenus du diable vauvert, qui lui ont permis de sauver son maillot jaune pour un petit peu plus d’une minute.

Si le déchaînement médiatique de la seconde semaine avait tenté de nous vendre un Froome invulnérable, fer de lance d’une équipe indestructible, la vérité était toute autre : sa victoire, acquise en deux temps (l’étape des bordures, en Zélande, puis celle de la Pierre-Saint-Martin), n’a finalement tenu qu’à un fil, et le Britannique la doit autant à son travail, à son sang-froid et au choix stratégique de son équipe de tout miser sur la première arrivée en altitude qu’à la nullité tactique de ses adversaires, incapables de s’entendre pour l’attaquer.


2)      La Movistar, cette négation de la tactique et de l'audace

Car derrière Froome, on retrouve deux coureurs de la même équipe : le Colombien Nairo Quintana et l’Espagnol Alejandro Valverde, de la Movistar. S’il s’agit, pour cette formation, d’une splendide performance, on ne peut pas occulter le fait que durant toute cette troisième semaine, les Movistar sont passés pour des cons, voire pire : des sales cons antipathiques. Après les Pyrénées, ils s’étaient retrouvés les mieux classés des poursuivants de Christopher Froome et, pensait-on naïvement, les mieux placés pour l’attaquer. De plus, avec deux coureurs susceptibles d’inquiéter un maillot jaune qu’on commençait à soupçonner d’être faillible, l’équipe dirigée par Eusebio Unzué disposait a priori de plusieurs possibilités tactiques.


Quintana et Valverde en train de ne pas renverser le Tour.























Finalement, Quintana et Valverde ont préféré faire office d’équipiers de luxe de Christopher Froome, préférant manifestement terminer deuxième et troisième plutôt que premier et quatrième, tentant d’annihiler chacune des offensive de leurs rivaux Vicenzo Nibali et Alberto Contador sans jamais vraiment passer à l’attaque eux-mêmes - à part quelques pétards mouillés ici où, et dans lesquels il n'était visiblement pas envisageable de laisser les coudées franches à Quintana. Alors que la course aurait pu s’emballer et devenir complètement folle si les Movistar avaient collaboré avec les autres outsiders pour tenter de renverser Froome, elle s’est transformée dans les Alpes en succession de pétards mouillés, au point que ressurgisse le surnom moqueur de Vomi-star, utilisé par les amateurs de cyclisme pour critiquer les tactiques ultra-défensives des coureurs de la formation espagnol.

Pour Valverde, c’est évidemment un triomphe : à 35 ans, et après de nombreux échecs depuis dix ans, le Murcian monte enfin sur le podium d’un Tour de France. Pour Quintana également, le bilan est apparemment bon : comme en 2013, le Colombien termine dauphin de Christopher Froome, et comme 2013, il remporte le classement du meilleur jeune. Mais pour les spectateurs, les regrets sont réels : dans les Alpes, Quintana a repris une trentaine de secondes à Froome dans la montée vers La Toussuire après avoir attaqué bien trop tard, et plus d’une minute dans l’ascension de l’Alpe d’Huez, pour finalement venir échouer à soixante-douze minuscules secondes de la victoire finale, soit l’écart le plus mince entre un vainqueur et un deuxième de la Grande Boucle depuis cinq ans et le succès teinté de scandale de Contador devant Andy Schleck. Avec une stratégie moins frileuse (pourquoi a-t-il systématiquement attendu la dernière ascension de l’étape pour tenter de distancer Froome au lieu de relayer Contador et Nibali dans leurs offensives lointaines ?) et un coéquipier moins encombrant (en raison de son palmarès long comme le bras, Valverde est le véritable patron de l’équipe, et il est vraisemblable que le réel objectif de la Movistar, plus que d’aider Quintana à gagner le Tour, ait été de hisser enfin Valverde sur le podium, l'un n'attaquant jamais sans l'autre jusqu'aux dernières étapes), on peut vraisemblablement avancer que le Colombien aurait remporté hier son premier Tour de France, tant il était clairement au-dessus de tous ses adversaires, Froome compris, durant la traversée des Alpes (quatre étapes, dont trois arrivées au sommet, ça aurait dû suffire).

Pour l'heure, on se dit qu’à vingt-cinq ans, il représente l’avenir et a bien le temps d'en gagner d’autres. Qu’on se souvienne d’Andy Schleck, autre grimpeur de génie auquel on prédisait un avenir doré, qui avait stupidement perdu le Tour en 2010 derrière Alberto Contador pour à peine plus que Quintana contre Froome cette année, en s'étant montré le plus fort : ce n’est pas grave, disait-on, il a toute sa carrière devant lui. Cinq ans plus tard, le cadet des frères Schleck est déjà à la retraite et n’a jamais remporté la Grande Boucle autrement que sur tapis vert. Il ne reste plus qu’à espérer un destin plus enviable pour Quintana.

Froome isolé par les Movistar. Forcément, c'est lui qui mène dans la descente.


3)      Un top 10 de haute volée

Au départ du Tour, il y avait Froome, il y avait Quintana, mais il y avait également Contador et Nibali, les deux derniers Fantastiques. Clairement en dedans dans les Pyrénées, ils avaient promis d’attaquer dans les Alpes, pour tenter de renverser une course bien mal embarquée. Ils ont tenu parole. L’Espagnol a tenté de prendre le large lors de presque toutes les étapes, sans jamais trouver l’ouverture : à chaque fois, Valverde, craignant de perdre sa bonne place au général, venait le rechercher. Fatigué par un Tour d’Italie éreintant qu’il est le seul des quatre grands favoris à avoir disputé, Contador a de plus été victime d’une chute dans la descente du col d’Allos, qui lui a fait perdre plus de deux minutes sur les autres favoris. Il termine ce Tour à la cinquième place, exactement comme en 2011, la première fois qu’il s’était attaqué au doublé Giro-Tour – même si la déception est grande de ne pas l’avoir emporté sur cette Grande Boucle, cette performance reste le meilleur enchaînement des deux premiers Grands Tours de l’année depuis 1998 et Marco Pantani.

Nibali, lui, est monté tranquillement en régime sur ce Tour de France. Littéralement à la rue dans les Pyrénées (après l’étape de Cauterets, il ne pointait qu’à la onzième place du classement général), il a attaqué tous les jours par la suite, ne laissant aucun répit au maillot jaune (et aux Movistar, toujours prompts à bondir sur tout ce qui pourrait ressembler à un coup de panache). Au fur et à mesure des étapes, le Sicilien a réussi une splendide remontée et se classe finalement quatrième de l’épreuve, avec en prime, une prestigieuse victoire d’étape, à La Toussuire, dans ce qui était l’étape-reine de ce Tour de France. Profitant d’un incident mécanique de Christopher Froome pour attaquer le groupe maillot jaune dans les derniers kilomètres du col du Mollard (ce qui lui sera vigoureusement reproché par Froome à l’arrivée et qui donnera lieu à une explication tendue entre les deux hommes, la deuxième sur ce Tour de France après celle du Havre, suite à une chute collective les ayant impliqués tous les deux), le requin de Messine était revenu sur Pierre Rolland puis l’avait déposé pour s’adjuger l’étape, avec une avance confortable sur les autres favoris.


Le requin de Messine.

Dans le reste du classement, une surprise de taille : l’absence de Van Garderen. Le coureur américain, deuxième en juin du Dauphiné derrière Froome, paraissait dans la forme de sa vie, et à l’entame de cette dernière semaine, il pointait au troisième rang du classement, en passe de réussir le meilleur résultat de sa carrière sur le Tour. Mais dès mercredi et l’étape de Pra-Loup, il déchantait : malade, il se faisait lâcher par le peloton dès les premières pentes, avant d’abandonner rapidement - son éviction brutale laissa présager, dès mercredi midi, une fin de Tour complètement folle, promesse seulement à moitié tenue. Deux habitués du top 10 des Grands Tours ont donc profité de la disparition de l’Américain pour faire leur petit trou : les Hollandais Robert Gesink et Bauke Mollema terminent sixième et septième. Derrière eux, le Suisse Mathias Frank, huitième, réalise la meilleure prestation de sa carrière sur une course de trois semaines.

Et pas n’importe laquelle : l’une des plus difficiles de ces dernières années. En effet, entre une première semaine qui avait déjà fait un ménage considérable dans le classement, une arrivée à la Pierre-Saint-Martin qui a fait l’effet d’une bombe au niveau des écarts entre favoris, et une séquence alpine ultra-montagneuse, c’est à un véritable Tour pour costauds qu’on a assisté cette année. Au général final, et malgré le faible écart entre Froome et Quintana, l'amplitude du classement est impressionnante : seuls quinze coureurs ont terminé cette Grande Boucle à moins d’une heure de Christopher Froome (chose qu’on avait pas vue depuis des années et des années, sachant que vingt-quatre minutes séparent Pinot, seizième à trente-huit minutes, de Kreuziger, dix-septième à une heure et deux minutes), et le vingtième du général (Jan Bakelants) n’avait pas été aussi loin du maillot jaune depuis 1969 et la première victoire d'Eddy Merckx.


4)      Les Français in fine

Les lacets de Montvernier. Un lieu Français, désormais cher à l'ex-ministre Montebourg.

Au départ de ce Tour de France, deux coureurs français cristallisaient les espoirs de leurs compatriotes en vue d’obtenir un beau classement général : Romain Bardet (6ème l’année dernière) et Thibaut Pinot (3ème l’an passé). Leur jeune âge (ils concouraient tous les deux également dans la catégorie du meilleur jeune) et leurs jolis débuts de saisons respectifs (une étape de montagne sur le Tour de Romandie et une autre sur le Tour de Suisse pour Pinot, une étape sur le Dauphiné pour Bardet) semblaient autant de raisons d’espérer, surtout que ce Tour marquait exactement les trente ans du dernier triomphe français sur la Grande Boucle (c'était en 1985, et c'était évidemment l'oeuvre de Bernard Hinault).

Mais dès la première arrivée en altitude à la Pierre-Saint-Martin, il apparaissait que les deux Français, qui avaient déjà perdu beaucoup de temps bêtement en première semaine, étaient hors de forme et en crise de confiance : lâchés très tôt par le peloton, ils terminaient loin de Christopher Froome et abandonnaient leurs derniers espoirs de podium. Quelques jours plus tard, dans ce qui avait semblé être une tentative de sursaut, ils s’étaient ridiculisés à Mende : incapable de s’entendre après s’être retrouvés tous les deux seuls en tête au sommet de la montée Laurent-Jalabert, ils avaient vu le Britannique Stephen Cummings revenir sur eux et les aligner en bonne et due forme pour leur chiper la victoire d’étape – et ils étaient devenus la risée de tout ce que la planète compte d’amateurs de vélos, principalement en France, ce beau pays si disposé à moquer ses ressortissants dès qu’ils échouent dans quoi que ce soit.

Il allait donc leur falloir une sacrée force de caractère pour surmonter ces échecs et ne pas traverser les Alpes comme des fantômes. On a vu. A l’attaque quasiment tous les jours l’un comme l’autre, ils se sont employés à sauver ce qui pouvait encore l’être de leur Tour de France. Bardet a été le premier à dégainer : vainqueur en solitaire de la 18ème étape à Saint-Jean-de-Maurienne après avoir distancé tous ses poursuivants dans le col du Glandon, creusé l’écart dans la descente et résisté dans l’ascension ultra-télégénique des lacets de Montvernier, le jeune grimpeur de l’équipe AG2R a ce jour-là sauvé son Tour de France. Mieux, même : ses multiples échappées lui ont permis de se glisser, de justesse, dans le top 10 du classement final (9ème devant un autre Français, Pierre Rolland), de terminer deuxième du classement de la montagne et de récolter le prix honorifique de Coureur le plus combatif du Tour 2015.


Pinot pin up.

Pinot a eu un petit peu plus de mal à mettre la machine en route : offensif dès l’étape de Pra-Loup, une chute dans la dernière descente alors qu’il menait la chasse derrière Simon Geschke lui avait littéralement coupé les ailes, le contraignant à laisser le coureur Allemand s’envoler vers la victoire. Il avait à nouveau tenté sa chance les jours suivants, mais sans succès, et il a fallu attendre la dernière étape des Alpes pour le voir ressortir de sa boîte, et de quelle manière : pas loin derrière les favoris au sommet de la Croix-de-Fer, il avait recollé dans la descente, avant de sortir, avec un groupe de costauds, dans le replat. Accompagné du Canadien Ryder Hesjedal, il avait ensuite retrouvé son coéquipier Alexandre Geniez dans la montée de l’Alpe d’Huez, pris le large et résisté au retour désespéré de Nairo Quintana pour s’adjuger l’étape, en patron. Après les victoires de Pierre Rolland en 2011 et de Christophe Riblon en 2013, c’est la troisième fois d’affilée que les 21 lacets de l’Alpe d’Huez sourient à un coureur français. De quoi redonner le sourire à un Pinot qui termine finalement seizième du classement général.

Derrière ces deux coureurs, on retiendra des Français, sur ce Tour 2015, la belle victoire d'étape d'Alexis Vuillermoz à Mûr-de-Bretagne lors de la huitième étape, et la formidable constance de Pierre Rolland en montagne, qui accroche la dizième place du classement général en étant celui des outsiders qui a le mieux réussi à rester au contact des favoris dès que la route s'est élevée. Tony Gallopin, bien classé après les Pyrénées, s'est littéralement effondré dans les Alpes et termine finalement trente-et-unième, et le jeune Warren Barguil, un temps à la lutte pour le top 10, s'est surtout fait connaître du public français (quatorzième après s'être battu comme un beau diable et avoir provoqué le KO le plus spectaculaire de la course en envoyant Geraint Thomas dans le ravin, heureusement sans gravité). Meurtri par une chute cruelle, Jean-Christophe Péraud, qui avait créé la surprise l'année dernière en terminant second derrière Nibali, a terminé soixante-et-unième. Les jeunes pousses du sprint français ont échoué à remporter une étape, mais Bryan Coquard s'est classé deuxième sur les Champs-Elysées, frôlant de très près ce qui aurait été un exploit retentissant.


5)      André Greipel, l’autre costaud du Tour

Sur ce Tour de France, rayon sprinteurs justement, on attendait surtout Mark Cavendish, déjà vainqueur de vingt-six étapes sur la Grande Boucle depuis le début de sa carrière, et qu’on voyait bien ajouter quelques nouveaux bouquets à sa collection, surtout en l’absence du nouvel ogre Marcel Kittel, vainqueur à quatre reprises en 2013 puis à nouveau en 2014. Mais le Cav’ a dû se contenter d’une seule victoire, à Fougères, en fin de première semaine. Le reste, tout le reste, il a dû l’abandonner à l’Allemand André Greipel, archi dominateur dès que le peloton s’est présenté groupé à la flamme rouge - ce qui, parcours piégeux oblige, est arrivé de façon exceptionnellement rare. Déjà victorieux à six reprises sur les routes du Tour depuis le début de sa carrière, Greipel avait bien lancé son année 2015 en remportant entre autres une étape au Tour d’Algarve, une autre à Paris-Nice, puis encore une au Tour de Turquie, et surtout, une autre sur le Tour d’Italie.


Pour le dernier Grand Prix de l'Arc de Triomphe, il fallait préférer le Gorille aux chevaux.

Mais il faut croire qu’il n’était pas rassasié. Déjà vainqueur lors des deux premières semaines des deuxième, cinquième et quinzième étapes de la course, celui que l’on appelle le Gorille de Rostock a ajouté, prestigieux point d’orgue de ce Tour de France maîtrisé de bout en bout, une victoire lors de l’ultime étape, celle des Champs-Elysées, couramment considérée comme l’Alpe d’Huez des sprinters (Kittel avait remporté les deux dernières, interrompant une série de quatre succès consécutifs de Cavendish sur la plus belle avenue du monde), disputée cette année sous la pluie après le traditionnel défilé champagne, et qui a vu l'irruption, dans le dernier virages des pavés trempés de l'Est parisien, d'un fou suicidaire en travers de la route, heureusement évité par l'ensemble des coureurs. Ancien coéquipier de Mark Cavendish, Greipel s’est émancipé depuis plusieurs saisons, et avait pris l’habitude, depuis 2011, de remporter chaque mois de juillet au moins une étape sur la Grande Boucle. Avec ses quatre succès, dont celui sur les Champs, il vient tout simplement de livrer, à 33 ans, le meilleur Tour de France de sa carrière.

Cela n’a néanmoins pas suffi pour remporter le maillot vert du classement par point. L’irrésistible Peter Sagan, que l’on a encore vu s’échapper en tête de la course dans les Alpes, s'est adjugé le titre pour la quatrième année consécutive, sans gagner la moindre étape mais grâce à une impressionnante collection de places dans le top 5 (onze fois sans compter le contre-la-montre par équipes, et encore cinquième sur les Champs-Elysées) et à un quasi-carton plein sur les sprints intermédiaires, y compris dans les étapes de montagne. A eux deux, Sagan et Greipel ont éclipsé l’ensemble des autres sprinters présents sur le Tour : une seule victoire pour Cavendish, donc, et rien pour Alexander Kristoff, rien pour Arnaud Démare, rien pour Tyler Farrar, rien pour John Degenkolb, un abandon précoce pour Nacer Bouhanni et trois semaines passées à errer en queue de peloton pour un Michael Matthiews meurtri par les chutes. 


Au terme de ces trois semaines de courses, reste, à chaud, le sentiment d'un Tour souvent agréable en terme de spectacle, mais frustrant. Agréable, car les numéros de Rodriguez, Froome ou Sagan ont permis de vivre des émotions fortes, tout comme les barouds de Pinot ou Nibali. Frustrant, car malgré les banderilles plantées ici et là par Nibali et Contador, et, bien trop tard, par Quintana, la lutte pour la victoire finale n'a véritablement livré que 50% de son potentiel. En juillet prochain, le Tour 2016 s'élancera du Mont-Saint-Michel, pour trois nouvelles semaines irrationnelles, et ça promet d'être dur d'attendre la revanche pendant aussi longtemps. 


jeudi 23 juillet 2015

La Loi de Murphy 5 : Harley Quinn ou le chef d'oeuvre inexistant.


Le Dahlia Blond.

Pour expliquer ce qui est peut-être la plus belle contribution culturelle de Brittany Murphy, il faut emprunter des chemins détournés. Il faut d’abord expliquer ce qu’est un mème. Un mème, c’est un phénomène internet participatif qui devient massif au point d’entrer dans l’histoire culturelle du média. Ces dernières années, on a pu ainsi assister à la naissance des Chuck Norris facts, qui, au moyen d’aphorismes ou de brèves anecdotes, tentent d’ironiser sur l’invulnérabilité supposée de l’acteur de la série Walker Texas Rangers (exemple : Un jour, au restaurant, Chuck Norris a commandé un steak, et le steak a obéi, ou bien Certaines personnes dorment avec un pyjama Superman, Superman dort avec un pyjama Chuck Norris) ou bien à la propagation de montage parodiques associant le Hitler du film La Chute à divers autres images en y ajoutant des sous-titres fantaisistes pour montrer le Führer rageant contre les scénaristes de Game of Thrones ou remontant les bretelles à Dominique Strauss-Kahn.

Il faut ensuite faire un brin d’histoire de la bande dessinée américaine et expliquer qui est le personnage d’Harley Quinn. Il s’agit d’une psychanalyste blonde et avenante qui travaille dans une clinique de Gotham City, la ville fictive où se déroulent les aventures de Batman. Dans le cadre de son travail, elle fait la connaissance du Joker, l’ennemi public numéro, psychopathe, génie du mal et principal adversaire du Chevalier Noir. Tombée folle amoureuse de son patient, Harley Quinn va alors totalement péter un plomb et basculer du côté obscur de la force pour devenir une sorte de bras droit sexy du Joker, avec lequel elle entretient une histoire tumultueuse. Introduite pour la première fois dans l’univers de la saga lors de l’adaptation en série animée de 1992, elle gagne rapidement l’affection des fans, et s’impose, dès les années suivantes, comme une opposante récurrente à Batman, intégrant la bande dessinée peu de temps après.

Il faut enfin faire une petite explication des adaptations de Batman au cinéma. Après quelques essais kitchissimes dans les années 60 et 70, c’est en 1989 que sort le premier film digne de ce nom consacré à l’homme chauve-souris. Réalisé par Tim Burton, c’est un succès tant artistique que commercial. Trois ans plus tard, la Warner Bros commande une suite au réalisateur, qui en profite pour réaliser le meilleur film de superhéros de toute l’histoire du cinéma, apocalyptique, bouffon et gothique à la fois. Dans la foulée, deux autres volets voient le jour, cette fois sous la houlette de Joel Schumacher : deux abominables bouses où le kitsch le disputait au gênant, et qui manquèrent d'enterrer définitivement la saga. Mais en 2005, la décision fut prise de relancer la série depuis le début, sous la direction de Chrisopher Nolan, un jeune cinéaste qui venait de faire ses preuves en réalisant Memento, un thriller psychologique salué par la critique, et Insomnia, un polar à ambiance avec Al Pacino en flic fatigué. Le premier film de la nouvelle franchise, Batman Begins, qui présentait deux méchants emblématiques de la série (l’Epouvantail et Ra’s al Ghul), remporta un beau succès public, et, porté par quelques moments d’anthologie, fit figure d’estimable réussite artistique. Décision fut donc prise de réaliser une suite : c’est là que commence l’histoire de Brittany Murphy avec Harley Quinn.

Réalisé par une certaine Emma Died, et disponible sur deviantart.com, cette mine.
En effet, on apprend très vite, dès le casting du film, que le méchant principal de ce nouveau volet n’est autre que le Joker, sans doute l’adversaire le plus emblématique de Batman. Christopher Nolan, toujours aux manettes, annonce un peu plus tard avoir choisi le comédien Heath Ledger pour le rôle, ce qui laisse alors les fans assez sceptiques, Ledger ayant davantage une image de beau gosse qu’autre chose à l’époque, et étant de surcroît unanimement jugé trop jeune pour un rôle dans lequel il a la lourde tâche de succéder à l’immense Jack Nicholson, dont la prestation avait été unanimement acclamée au moment de la sortie du premier Tim Burton. Parmi ce qui agite également la Toile à l’époque, la question d’Harley Quinn : qui, pour épauler le Joker dans le rôle de sa maîtresse folle ? Au gré des sondages menés auprès des amateurs, deux noms se retrouvent régulièrement plébiscités : Kristen Bell, vue dans l’épatant Forgetting Sarah Marshall et les séries Veronica Mars et Heroes, et Brittany Murphy, qui semble à un tournant de sa carrière (un sale tournant, d’ailleurs : elle ne tournera pratiquement plus rien de notable par la suite). Mais Christopher Nolan coupe vite court aux rumeurs : il n’est absolument pas intéressé par le personnage d’Harley Quinn et ne la fera pas figurer dans son film. Tout aurait pu s’arrêter là.

Sauf qu’en janvier 2008, Heath Ledger meurt brutalement, succombant à une intoxication liée à une surconsommation de médicaments. L’émotion est immense à Hollywood : le jeune homme n’avait que vingt-huit ans, et semblait destiné à une jolie carrière (il avait déjà tourné, notamment, avec Ang Lee, Terry Gilliam et Todd Haynes). Quelques mois plus tard, lorsque le deuxième Batman sort au cinéma, nouvelle onde de choc : non seulement le film est sensationnel de noirceur, d’urbanité et de précision, mais en plus le défunt y réalise une performance absolument monstrueuse, méconnaissable de bout en bout, massif, inquiétant et tout simplement dingue, qui lui fait s’attirer la gratification d’un Oscar du meilleur acteur dans un second rôle, fait rarissime non seulement pour une prestation dans un blockbuster mais surtout pour un rôle posthume.

Why so serious ?
Emerveillés, les internautes immortalisent la prestation de Ledger en Joker en réalisant de nombreuses images le mettant en scène, soit par le biais de dessins, soit par celui de photos retouchées. Certains, poussant plus loin l’audace, décident de représenter le personnage aux côtés de sa muse déjantée Harley Quinn, qu’ils représentent tout naturellement sous les traits de Brittany Murphy, celle-ci ayant été leur favorite pour le rôle, retouchant juste ses photos de façon à faire apparaître sur les traits de l’actrice le maquillage traditionnellement associé au personnage. Poussant plus loin l’audace, d’autres réalisent même des montages vidéos mettant en scène le Joker de Ledger entrecoupé d’image de films de Brittany Murphy, des trucages laissant imaginer qu’il s’agit d’un seul et même film qui pourrait être la suite que Christopher Nolan pressentait lorsqu’il réalisait The Dark Knight, le deuxième volet de sa trilogie consacrée à Batman : ni plus ni moins que le procès du Joker, qui aurait vraisemblablement ouvert des pistes quant à ses réseaux et à sa vie privée, offrant ainsi une nouvelle opportunité au personnage d’Harley Quinn de se voir transposer sur le grand écran. Souvent présentés sous la forme de petits clips et principalement axés sur la romance entre les deux personnages, ces petits films sont aujourd’hui bouleversants de prémonition dramatique : on peut les regarder ici, ou encore (j'ai un faible pour ce dernier).

En effet, un peu moins de deux ans après Heath Ledger, ce fut au tour de Brittany Murphy de trouver la mort, elle aussi vraisemblablement suite à de mauvais dosages médicamenteux. Etait-ce un signe avant-coureur pour elle que de se voir associée dans l’imaginaire collectif à une étoile filante au destin aussi funeste que Ledger ? On ne saura jamais, mais sa mort marque un nouveau jalon dans l’histoire du mème Harley Quinn : désormais associés pour l’éternité dans leurs destins tragiques, les deux comédiens se figent comme les amants terribles du cinéma inexistant, les Bonnie and Clyde de Gotham City, l’un des grands couples qu’on ne verra jamais vraiment à l’écran, dans un projet qui ne verra pas le jour, celui d’un film centré sur le procès du Joker et sa passion dévorante avec sa psy, un film où, comme dans les meilleurs Batman, le justicier masqué apparaîtrait au second plan. Heath Ledger est le Joker et Brittany Murphy est Harley Quinn, c’est indiscutable et indiscuté, et les montages photos et vidéos les mettant en scène continuent à fleurir ici et là, massivement sur youtube et sur le site de détournement d’images et de partage de dessins Deviantart : le mème est à son apogée.

Des regards qui en disent long, sans vraiment le dire.
En regardant ces images et ces petits films, le regret est immense : Brittany Murphy n’aura jamais l’occasion de le jouer, mais il est évident qu’Harley Quinn est le rôle de sa vie, encore plus que Janis Joplin qu’elle aurait dû interpréter après une brillante audition dans ce qui se révèlera l’un des projets avortés les plus médiatiques du début des années 2000. Si elle avait pu jouer Harley Quinn, Brittany Murphy, qui avait profité de la tournée de promotion de Sin City pour crier son amour de la bande dessinée et particulièrement celle de Frank Miller (auteur également de 300 et d’un reboot de Batman acclamé), aurait sûrement changé de dimension, tant elle semble taillée pour le rôle : des extraits d’autres films alternés avec des images d’Heath Ledger suffisent à donner un aperçu plus qu’exhaustif de dont elle aurait été capable. Sa prédisposition à jouer les folles, les insolentes, les amoureuses et les paumées est exploitée au rythme de piochements dans sa filmographie (les films qui reviennent le plus sont Don’t Say a Word, exploité pour les scènes en hôpital, Uptown girls pour les séquences romantiques, The Dead Girl pour l’errance du personnage et Sin City pour sa sensualité provocante), et les prestations qu’elle offre dans chacune des scènes sélectionnées correspond à chaque fois parfaitement à l’ambiance créée par Heath Ledger dans les montages faits par les internautes. Mieux : l’alchimie entre les deux comédiens (qui n’ont pourtant joué ensemble dans aucun film) est évidente.

Mais la romance entre le Joker et Harley Quinn telle que rêvée par des milliers de fans ne verra jamais le jour. Ce n’est même pas un projet avorté comme le Megalopolis de Coppola ou L’Enfer de Clouzot, c’est un projet qui n’en a jamais été un, Christopher Nolan n’ayant jamais manifesté le vœu d’intégrer Harley à sa trilogie et Heath Ledger étant mort avant qu’on ait pu imaginer qu’il joue dans le troisième Batman. C’est donc une pure création fantasmatique d’internautes, ce qu’on appelle un fan-art (et qui a pu donner lieu à des fan-fictions), en même temps qu’un réel regret cinéphilie.

Comme pour conclure cette parenthèse créatrice et nostalgique, dans quelques mois sortira Suicide Squad. Ce film sera l’adaptation d’une bande dessinée de l’univers de DC Comics qui met en scène les méchants de plusieurs franchises de l’éditeur – Batman étant utilisé sur un autre projet (Batman contre Superman, tourné en même temps), il est absent de ce film. Parmi les méchants sélectionnés, le Joker et Harley Quinn, pour la première fois représentés à l’écran depuis les décès de leurs interprètes mythiques (Heath Ledger) ou présumés (Brittany Murphy), et dont le casting a été scruté à la loupe par tout ce qu’Internet compte de fans de bande dessinée : Jared Leto (vainqueur d’un Oscar pour son rôle de travesti dans Dallas Buyers Club et remarqué auparavant dans le drame Requiem for a Dream et le peplum Alexandre) et Margo Robbie (découverte par Martin Scorsese dans le Loup de Wall Street et auteur d’une entrée fracassante dans les classements machos des plus belles femmes du monde). Les premières photos qui ont filtré montrent une esthétique très éloignée des films de Christopher Nolan, et ôtent les deniers doutes à ce sujet : plutôt que de s’inscrire dans la lignée de l’univers proposé par Heath Ledger, les réalisateurs ont choisi d’éviter toute comparaison en empruntant une voie radicalement opposée. Tant mieux pour eux. Car ils ne se mesurent par à un film mais à un véritable mythe.

Le couple infernal de Gotham en train de faire feu sur les scénaristes de Suicide Squad.

Les précédents articles du dossier La Loi de Murphy


mardi 21 juillet 2015

Tour de France 2015 : Que retenir de la deuxième semaine ?

Après un bilan sur les étapes une à neuf lors de la première journée de repos, ce second jour de relâche est l’occasion d’un petit retour, à nouveau en cinq points, sur cette deuxième semaine de course. Si la première semaine, riche de nombre de pièges en tous genres, avait déjà commencé à décanter le classement général, cette suite de Tour dans les Pyrénées, avec  notamment les arrivées à la Pierre Saint-Martin ou au Plateau de Beille, mais aussi l’entre-deux massifs, à Rodez, Mende ou Gap, était censée signifier le début des choses très sérieuses. On a pu le constater. 


Nous habitons quand même un pays pas dégueu.

1)      Les héros de 2014 en souffrance

C’était l’image du Tour 2014 : deux Français sur le podium, Jean-Christophe Péraud deuxième et Thibaut Pinot troisième, alors que la dernière présence d’un représentant tricolore sur la boite à Paris remontait à Richard Virenque, deuxième derrière Ullrich en 1997. En grattant un peu plus loin, on trouvait également Romain Bardet, sixième et Pierre Rolland, onzième. C’est donc avec quelque légitimité que le public avait attendu avec attention les coureurs français cette année, évaluant fébrilement les chances qu’ils avaient de rééditer leur performance de l’an passé, voire de faire encore mieux dans le cas de Pinot que beaucoup imaginaient tenir la dragée haute aux Froome, Quintana et autres Contador.

Malheureusement pour le public français, il n’en a rien été. Pinot, malchanceux et mal épaulé, avait abandonné toutes ses chances de victoire dès la première semaine. La traversée des Pyrénées a sonné le glas de ses ambitions de top 5, et vraisemblablement même de top 10, sauf exploit retentissant dans les Alpes. Hors de forme, le grimpeur de la FDJ a constamment figuré parmi les premiers favoris lâchés dès que la route s’est élevée, et s’il est apparu en forme ascendante, il lui sera difficile, compte tenu du niveau des favoris, de jouer la gagne ne serait-ce que sur une étape, sans parler du maillot à pois. Sa chance de remporter une étape, il l’a sans doute laissée passer dans l’ascension de la Montée Laurent-Jalabert, à Mende, lorsqu’il revient sur Romain Bardet, rescapé comme lui d’une échappée, au sommet de la côte et que les deux coureurs français ne collaborent pas et laissent revenir de l'arrière le Britannique Stephen Cummings qui les coiffe au poteau.

2015, l'année de la confirmation pour les Français.
Jean-Christophe Péraud a connu le même lot de déconvenues. Si malgré sa deuxième place de l’an passé, il ne figurait pas dans le premier cercle des favoris (la faute à un début de saison en demi-teinte et à un âge déjà avancé), ses performances restaient néanmoins scrutées avec attention. Pas à son aise dans les Pyrénées, où il concède beaucoup de temps aux autres leaders, il connait les affres d’une chute lors de l’étape qui mène les coureurs à Rodez. Ensanglanté, le cuissard largement déchiré, il décide de continuer la course, s’attirant par son courage les louanges du Patron en personne, François Hollande en visite sur le Tour et désireux de faire l’éloge de ceux qui en bavent. Depuis, le coureur d’AG2R, recouvert de pansements à tel point qu’il paraît parfois momifié, traîne en queue de peloton, grimaçant. Désormais cinquantième du général, il se contentera de rallier Paris, et compte tenu de son état, ce sera aussi méritoire que sa deuxième place en 2014.

De façon plus inattendue, le vainqueur de l’an passé, le Sicilien Vicenzo Nibali, a lui aussi vécu une semaine difficile. Alors qu’on l’attendait grand gagnant de la première semaine, il avait déjà déçu, concédant du temps à ses rivaux sur un parcours que l’on pensait taillé pour lui, et abordant les Pyrénées avec un débours de déjà plus de deux minutes sur Christopher Froome. Il a totalement craqué dès la première arrivée au sommet, à la Pierre-Saint-Martin, perdant a priori toutes ses chances de podium. Mais le Requin de Messine a de la ressource, et s’est accroché les jours suivants. Mieux, même : il s’est permis d’attaquer, au Plateau de Beille et à Mende, à chaque fois sans résultat, avant de parvenir à reprendre une trentaine de secondes à ses concurrents lors de l’étape arrivant à Gap. Onzième après l’arrivée à Cauterets, il pointe désormais à la huitième place, à sept minutes et quarante-neuf secondes de Christopher Froome. C’est encore très loin, c’est vrai.


2)      Froome : haters gonna hate

Car Christopher Froome a véritablement assommé la concurrence, dès mardi après-midi, lors de l’étape qui menait le peloton de Tarbes jusqu’à la Pierre-Saint-Martin. Lors de l’ascension finale, longue de quinze kilomètres, le Britannique a fait rouler ses hommes, faisant craquer successivement Nibali et Contador. Son attaque, à un peu plus de six kilomètres de l’arrivée, lui a permis de décramponner le dernier de ses adversaires à s’être encore accroché, Nairo Quintana et de s’adjuger l’étape avec une marge plus que confortales. A l’arrivée, les écarts ont été considérables : derrière Froome, solide maillot jaune, l’Américain Tejay Van Garderen pointe à deux minutes cinquante-deux, Quintana, troisième, à environ trois minutes, Valverde et Contador à plus de quatre minutes, et Nibali encore plus loin.


Froom' froom' !
Dans son style si particulier (assis sur son vélo, avec une cadence de pédalage frénétique rappelant parfois un enfant sur son tricycle, ses grands bras de mante religieuse littéralement aggrippés au guidon, coudes sortis et sa tête baissée), Froome, qui brigue désormais le surnom de Rhino, a reproduit à la Pierre-Saint-Martin un numéro de la dimension de ce qu’il avait déjà réalisé en 2013 à Ax 3-Domaines ou au Mont Ventoux. Déjà assez peu appréciée par la majorité du public français (en raison, pêle-mêle, de ses nombreuses victoires, de sa capacité à faire éclore au plus haut niveau des coureurs sur lesquels personne n’aurait misé un kopeck ou encore du vieil l’antagonisme franco-anglais), son équipe, la  toute-puissante Sky, n’arrangeait pas son cas : en plus de la démonstration de Froome, son équipier Richie Porte se classait deuxième, coiffait Quintana dans les derniers hectomètres, et un troisième larron, Geraint Thomas, accrochait le top 10.

Dans ce petit monde très agité qu’est le Tour de France, cette performance suffit à faire grimper la température d’une dizaine de degrés. En cause, bien sûr, les soupçons de dopage pesant sur la formation britannique. L’ensemble de la presse française a fait part de son scepticisme, au lendemain du numéro de Froome à la Pierre-Saint-Martin, au point que ce dernier réplique en tançant vertement Laurent Jalabert et Cédric Vasseur, deux anciens coureurs français au passé controversé qui officient désormais en tant que commentateurs sur France Télévisions. La pression continua à monter lorsque Froome, après l’arrivée à Mende, se plaignit d’avoir été aspergé d’urine par un spectateur qui l’aurait traité de dopé puis lorsque son lieutenant Richie Porte affirma avoir été frappé par un autre supporter quelques jours plus tôt. Suffisant pour que l’équipe demande une protection policière – et on vit, au matin de la quinzième étape, un groupe de flics entourer le bus de la Sky au départ de la course. Pour ne rien arranger, la Sky annonça avoir été victime d’un piratage informatique et déplora le vol de nombreuses données confidentielles liées à plusieurs de ses coureurs, dont Froome. Sans qu’on sache qui ait dirigé le hack de l’équipe, dans la foulée, plusieurs vidéos se mirent à fleurir sur Youtube, montrant Christopher Froome, en 2013 dans le Ventoux, avec, en incrustation, toutes ses données en terme de puissance, de respiration, de fréquence cardiaque – et évidemment, l’absence de changement du rythme de son cœur, après une attaque, relança l’éternelle polémique sur l’usage de vélos électriques dans le peloton.


3)      Le trolling permanent 

Voldemort a une jolie paire de lunettes.
Mais ce n’était pas tout, et dans la canicule du mois de juillet, tout semblait concorder pour accentuer l’atmosphère peu à peu irrespirable de ce Tour de France. D’abord, il y eut le retour du seul baron de la drogue a avoir remporté sept Tours de France, l’Américain Lance Armstrong, dit le Boss, vainqueur de l’épreuve entre 1999 à 2005 et depuis déclassé pour dopage en cartel organisé. Le retraité banni avait fait part il y a de longs mois de sa volonté de disputer la course, seul, en faisait route avec une journée d’avance sur le peloton, pour récolter des fonds au profit de la lutte contre le cancer (la seule voie dont il puisse rêver pour sa réhabilitation). Les organisateurs comme la Fédération internationale s’étaient montrés très sceptiques à cette perspective, ne cachant pas leur désir de voir le Texan renoncer à son projet, tant son nom reste aujourd’hui associé aux désormais traditionnelles zeures-les-plus-sombres de la Grande Boucle.

Finalement et façon assez prévisible, se sentant assez peu en odeur de sainteté, Armstrong décida de ne parcourir que deux étapes. Mais son arrivée ne pouvait pas plus mal tomber : juste après la démonstration de Christopher Froome. Invité à se prononcer sur son lointain successeur et à détailler leurs similitudes (deux coureurs qui ont connu à la fois une maladie et une transformation profonde, deux coureurs aux équipes surpuissantes en montagne, deux coureurs à la fréquence de pédalage très importante, deux coureurs qui ont en leur temps gagné le Tour en l’écrasant), il se contenta de botter en touche, s’affirmant incapable d’émettre une opinion sur le supposé dopage de Froome et des Sky, réponse de normand qui s’avéra, aux yeux de la presse, valoir une accusation - et quoi qu'il en soit, par sa seule présence, Armstrong fait encore figure de menace réelle pour l'image médiatique de la course, surtout quand il égratigne à son tour le passé de gloires du cyclisme français (Hinault et Jalabert) au détour d'une interview donnée à la presse régionale.

Une autre légende vivante du dopage des années 2000 a également accompli un retour trollesque sur le Tour cette année : le Danois Michael Rasmussen, double vainqueur du classement de la montagne, et qui portait le maillot jaune en 2007 avant d’être mis hors course par son équipe pour infraction aux règles de localisation des coureurs durant sa préparation, alors qu'il était en passe de remporter le Tour de France (cette disqualification avait profité au jeune Contador, qui avait récupéré le maillot jaune, résisté à Evans dans le dernier contre-la-montre et remporté son tout premier Tour, un braquage). Présent cette année sur la Grande Boucle en qualité de consultant pour un journal danois, Rasmussen, qui fait aujourd’hui figure de repenti désireux de collaborer main dans la main avec les autorités, a lui aussi ravivé, par la simple évocation de son nom, le souvenir des pires années de triche de la course. Invité, comme Armstrong, à se comparer au maillot jaune Christopher Froome (avec lequel il partage, outre le fait d’être les deux seuls coureurs à avoir réellement dominé Alberto Contador sur un Grand Tour, une maigreur impressionnante), il a lui aussi botté en touche. Néanmoins, le fait qu’il se soit installé, pour donner son interview, devant le bus des Sky a une fois de plus été abondamment commenté.

Oleg Tinkoff, le Bernard Tapie russe.
Dans la foulée de ces deux revenants et sans parler de la victoire d’étape, à Gap, de Ruben Plaza Molina, ancien inculpé de la mythique affaire Puerto, c’est tout le monde qui a semblé péter un peu un plomb durant cette deuxième semaine de course. Ainsi, l’Argentin Sepulveda a sans doute été sanctionné de l’exclusion la plus ubuesque de l’histoire récente de la course : victime d’un incident mécanique lors de la quatorzième étape, il a voulu s’arrêter à hauteur de sa voiture pour être dépanné. Manque de pot, celle-ci ne le remarque pas et continue sa route. Ni une ni deux, le grimpeur monte dans la première voiture qui arrive à sa hauteur, en l’occurrence celle de l’équipe AG2R, et revient ainsi à auteur de son mécanicien, ce qui est évidemment interdit par le règlement du Tour - il est viré de la course dès l'arrivée. On a aussi pu compter sur Oleg Tinkoff pour faire le show cette semaine : le patron de l’équipe de Contador (dans laquelle un mécanicien a été suspendu après avoir balancé un bidon à un cameraman de France Télévisions, une autre histoire de grosse chaleur), adepte du trash-talking et réputé bon client en interview, a profité de chaque micro tendu pour balancer de la punchline au kilomètre, assimilant ici les entraîneurs français à des communistes, proposant là de faire payer le public qui assiste à la course ou proposant encore un boycott du Tour par les principales équipes l'an prochain, et délivrant sa prose quotidiennement sur Twitter. Mais le meilleur tweet du Tour, pour le moment, est incontestablement l’œuvre de Richie Porte. Immense troll devant l’éternel, le coéquipier de Christopher Froome s’est permis de narguer l’ensemble des sceptiques en postant au soir de sa deuxième place à la Pierre-Saint-Martin un extrait vidéo montrant Mister Bean adressant des doigts d’honneurs à la foule.


4)      Sagan le Magnifique

Malgré ses efforts, Oleg Tinkoff n’est pas le représentant de son équipe qui a eu le droit à la plus grande attention médiatique cette semaine. Ce n’est même pas le leader de sa formation, Alberto Contador, en difficulté à la Pierre-Saint-Martin mais apparu en forme ascendante depuis. C’est Peter Sagan, maître artificier surprise de ce 102ème Tour de France. Suite à la disparition de son équipe l’an passé, il avait été recruté en grande pompe par la Tinkoff pour cette saison. Son entame d’année, délicate, lui avait valu les foudres d’Oleg le fantasque, mais il s’était accroché, remportant une étape à Tirreno-Adriatico, une autre au Tour de Suisse, ainsi qu’une victoire au général du Tour de Californie. A l’entame de ce Tour de France, la question se posait de savoir comment le coureur slovaque allait pouvoir cohabiter avec Alberto Contador dans un même groupe de neuf coureurs, chacune des deux vedettes poursuivant un objectif bien distinct (le classement général pour Contador, le classement par points pour Sagan).

Bonjour vitesse.
Inférieur à André Greipel ou Mark Cavendish dans les sprints en première semaine, Sagan a changé de tactique entre les Pyrénées et les Alpes, en s’échappant trois jours de suite, faisant le plein de points aux sprints intermédiaires et réussissant de bons classement à l’arrivée, de quoi creuser un écart significatif sur ses poursuivants directs et s’adjuger, déjà et de façon quasi certaine, le maillot vert à une semaine de l’arrivée à Paris. De fait, il n’a privé Contador d’aucun équipier, et s’est rendu disponible pour travailler en troisième semaine pour son leader. Un point noir, hélas : il n’a pas gagné d’étape, accumulant les places d’honneur avec une assiduité poissarde quasiment jamais vue dans l'Histoire du Tour (en seize étapes déjà courues cette année, il s’est classé onze fois dans les cinq premiers, dont cinq fois second).

Les Français adorant les perdants, surtout quand ils ont du style, ils se sont depuis longtemps entichés du Slovaque, personnage extrêmement spontané dans la vie civile et plein d'audace sur le vélo : à ce titre, sa descente de La Rochette, authentique numéro de virtuose où il bat de vingt secondes un Nibali pourtant réputé meilleur descendeur du monde et à ce moment en train d'attaquer le groupe des favoris, est instantanément devenue un classique. Sur ce coup-là Sagan a réussi à lâcher tous ses compagnons d'échapées, comme pour les punir de ne pas avoir collaboré avec lui dans la montée, mais avait échoué à revenir sur Ruben Plaza, et finalement dû se contenter de la deuxième place. Sa seizième en quatre Tours de France, ce qui laisse songeur sur ses possibilités à améliorer ce record de l'ère moderne dans les prochaines années, surtout compte tenu de ce qu'il n'a encore que vingt-cinq ans. Trois jours plus tôt, déjà, il avait bien pensé tenir le Graal, en se détachant dans les derniers hectomètres de l'étape de Rodez en compagnie du Belge Greg Van Avermaet, considéré jusqu'alors comme le loser absolu des dix dernières années, mais contre toute attente, Van Avermaet lui avait résisté pour finalement s'imposer, au sprint et rompre ainsi sa propre spirale négative.

Le lendemain, loin d'être abattu, Sagan fait partie de l'échappée qui va au bout, à Mende. S'il ne peut jouer la victoire sur les difficiles pentes de la montée Laurent-Jalabert, s'affaçant derrière le vainqueur Cummings et les duettistes Pinot et Bardet, il termine néanmoins cinquième, devançant des coureurs présumés meilleurs grimpeurs que lui. Rebelote vers Valence, où il initie une échappée à nouveau en compagnie de Pinot et quelques autres comparses. Pas découragé quand le peloton les reprend, loin de l'arrivée mais sprint intermédiaire en poche, il se mêle ensuite à la lutte pour la victoire et se classe quatrième derrière Greipel, Degenkolb et Kristoff, et repart à l'attaque dès le lendemain, pour ces quelques vains virages de poète dans la descente de La Rochette. On a présenté, au début de la course, Froome, Contador, Nibali et Quintana comme les Quatre Fantastiques. A côté d'eux, le cyclisme de Peter Sagan semble parfois tenir du Surfeur d'Argent.

Deuxième victoire d'étape pour Purito Rodriguez, pas venu pour rien cette année.




















Dans la roue de Sagan, quelques autres coureurs se sont distingués cette semaine, au premier rang desquels le Catalan Purito Rodriguez, déjà vainqueur en haut du Mur de Huy en début de Tour, et qui a récidivé, sous une pluie battante, en haut du Plateau de Beille après une échappée au long cours. Purito se replace ainsi dans la lutte pour le maillot à pois de meilleur grimpeur, dont il avait déjà fait son objectif l’an passé, battu par Nibali et surtout par le Polonais Rafal Majka. Majka, d’ailleurs, a lui aussi remporté son étape, à Cauterets, redonnant le sourire à la formation Tinkoff au lendemain de la défaillance d’Alberto Contador dans l’ascension de la Pierre-Saint-Martin et de l'annonce du cancer d'Ivan Basso (opéré avec succès). Vainqueur au sprint à Valence, l’Allemand Greipel a confirmé son statut de meilleur sprinteur de ce Tour 2015 pendant que Stephen Cummings s’est imposé à Mende, mettant son équipe, la Sud-Africaine MTN-Qhubeka, sur le devant de la scène le jour du Mandela Day.


5)      Les Alpes arrivent

Les pavés sont passés depuis presque deux semaines, les étapes propices aux bordures depuis longtemps également, tout comme les contre-la-montre, les arrivées pour puncheurs et désormais les Pyrénées. Ne restent plus, pour les coureurs du Tour, que cinq jours de course, dont quatre dans les Alpes et la traditionnelle arrivée aux Champs-Elysées dimanche. Ces quatre étapes alpines seront autant d’occasions, pour les favoris, d’attaquer Christopher Froome. Ainsi, mercredi, l’enchaînement redouté du Col d’Allos, de sa descente extrêmement technique et de la difficile montée vers Pra-Loup (où Merckx avait perdu le Tour en 1975) offrira aux audacieux une première opportunité. Dès le lendemain, une étape ralliant Saint-Jean-de-Maurienne donnera une autre occasion d’en découdre aux leaders, avant, vendredi, l’étape reine de ce Tour qui arrivera à la Toussuire via le Glandon et le Mollard, et enfin, samedi, les cultissimes vingt-et-un lacets de l’Alpe d’Huez.

Dans l’absolu, et compte tenu de la forme affichée par Froome depuis le départ du Tour, il faudrait que ses adversaires l’attaquent très tôt et de concert pour éliminer ses équipiers, avant de poursuivre leur technique de harcèlement dans la vallée pour l’épuiser, voire dans l’idéal le mettre hors d’état de nuire avant même les dernières ascensions. Ce plan, en théorie parfait, se heurte à trois obstacles : d’abord, il n’est pas à exclure que Froome et son équipe soient suffisamment forts pour résister aux offensives de leurs adversaires. Ensuite, il nécessiterait des alliances entre équipes concurrentes, objet de fantasme récurrent des aficionados mais très rarement observées dans les faits (rien sur le Tour depuis les offensives du binôme Contador – Sanchez en 2011), en grande partie parce que les leaders, en bonnes machines à gagner qui se flairent et se reconnaissent les uns les autres, ne s’accordent, entre eux, qu’une confiance très limitée. Enfin, il faut prendre en considération que tous les coureurs qui suivent Froome au classement général ne partagent pas les mêmes objectifs.

Chris Froome and The Gang.

D’un côté, il y a les offensifs. Ce sont les coureurs qui visaient ouvertement la victoire finale sur ce Tour et auxquels Froome a asséné un véritable coup de massue mardi dernier à la Pierre-Saint-Martin : les Trois Fantastiques restant, Quintana deuxième à plus de trois minutes, Contador cinquième à près de quatre minutes et demie et Nibali, huitième à presque huit minutes. Leurs ambitions initiales et leurs statuts leur interdisant de sa satisfaire d’un accessit, ces trois coureurs sont attendus comme les grands animateurs des Alpes, où ils auront à se montrer à la hauteur de leur réputation d’infatigables attaquants. Ils ont d’ailleurs déjà commencé à titiller Froome, dans l’ascension du Plateau de Beille (tous les trois chacun à son tour), à Mende (Nibali et Quintana) ou sur la route de Gap (Contador puis Nibali). Sachant que ce que l’on attend d’eux est ni plus ni moins que de renverser un Tour qui semble déjà promis à Christopher Froome, on devrait les voir souvent à l’offensive durant cette dernière semaine de course. On peut leur adjoindre Alejandro Valverde, coéquipier de Quintana au sein de l’équipe Movistar, et actuel quatrième au général (son classement final l’an dernier), qui permet à son équipe de disposer de deux cartes quasi-maîtresses pour emballer la course.

Face à eux, les défensifs. Outre Geraint Thomas, septième du classement général et attaché, en tant que coureur de la Sky, à la protection de Froome, d’autres coureurs pourraient bien faire le jeu du maillot jaune : ceux qui sont déjà bien contents d’être là, qui effectuent le meilleur Tour de leur carrière et penseront surtout à défendre leur classement actuel plutôt qu’à attaquer Froome. Il s’agit du Hollandais Robert Gesink (sixième) et de l’Américain Tejay Van Garderen (troisième). Si Contador, Nibali ou Quintana réussissait à éliminer les lieutenants de Froome vers Saint-Jean-de-Maurienne ou la Toussuire, ces deux coureurs pourraient très bien servir de garde rapprochée de circonstance au Britannique pour empêcher les Fantastiques de prendre le large. Mais ça, on le verra à partir de mercredi.