Affichage des articles dont le libellé est affaires. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est affaires. Afficher tous les articles

samedi 2 janvier 2016

L'année 2015 en affiches

Comme l'année dernière, un petit retour sur l'année passée en quelques affiches correspondant à des temps forts du grand cinéma médiatico-politique hexagonal.


10 : Sur la pointe des pieds



Très attendu, Sur la pointe des pieds a décontenancé les fans de son interprète principal. Loin des rôles de winners forts en gueule qu'il a incarné par le passé, Nicolas Sarkozy se retrouve cette fois-ci dans la peau d'un personnage beaucoup plus pathétique, jouet d'un destin farceur qui le fait passer par tous les tourments et aide à révéler à la face du monde toute l'étendue de sa petitesse. De la même façon, ce qui s'annonçait un blockbuster tonitruand s'avère finalement plus caustique et plus décadent que ce que l'on aurait pu imaginer. Aux côtés d'un Sarkozy virevoltant d'opportunisme, de morgue et de mauvaise foi, l'ensemble de la distribution est au diapason, dans ce qui constitue assurément le film le plus vulgaire de l'année. 



9 : Arnaud et Aurélie


"Et vous, jusqu'où irez-vous par amour ?" Telle est la question mainte fois posée par les deux héros de cette belle surprise. Sorte de Bonnie and Clyde bourgeois, lettré et engagé mais aussi très ironiquement statique, ce film n'est pas avare en séquences comiques (voir la scène où Arnaud Montebourg fait son entrée au Conseil de Surveillance du groupe Habitat, grand moment d'improvisation) mais réussit toujours à tirer une petite larme émouvante à son spectateur. Aurélie Filipetti, solaire et inaccessible, est une vraie révélation.



8 : The J.K. Ruling


Après les succès, ces dernières années, de The J.K. gate, de The J.K. scandal, de The J.K. rises et de The J.K. undies, on aurait pu imaginer que le filon finirait par se tarir. C'était sous-estimer l'ingéniosité de la production, qui nous envoie, avec ce The J.K. ruling, encore une livraison de qualité. Pour la cinquième fois, Jérôme Kerviel endosse ce rôle de trader changé par les épreuves de la vie, et toujours épaulé par son excellent camarade David Koubbi (l'un des meilleurs seconds rôles actuels) ainsi qu'un casting toujours plus inventif : une apparition du Pape François, quelques extraits avec Christine Lagarde... Satire du monde de la finance, de la justice et du pouvoir menée tambour battant, The J.K. ruling réussit à tirer son épingle du jeu par sa parfaite maîtrise des codes liés au genre et à l'inventivité de son scénario. Chapeau.




7 : I Will Survive


S'inscrivant dans la lignée des grandes thématiques propres au cinéma de Brian De Palma (quête de l'image manquante, film Zapruder, matrice hitchcockienne, banalité du mal, lutte pour le pouvoir), cet hommage déguisé en thriller en milieu sportif est haletant de bout en bout. Le prétexte, une prétendue vidéo érotique que tout le monde cherchera sans jamais la voir, est vite évacué au profit d'un suspense de tous les instants. Le casting, plein de surprises, a été merveilleusement orchestré, et tout, jusqu'à la plus petite ligne de dialogue (les scènes de garde à vue de Karim Benzema, du Audiard revu sauce Jamel), retient l'attention. I Will Survive, bien qu'un peu tard, vient enfin donner ses lettres de noblesse au film sportif français.




6 : The Troll Machine


Après avoir créé la surprise l'année dernière dans une comédie familiale corrosive (Gencive World), Jean-Marie Le Pen revient dans le genre qui a fait sa gloire : le brûlot comico-nihiliste. Dans The Troll Machine, ce glorieux vétéran de la pantalonnade franchouillarde endosse une nouvelle fois ses habits fétiche d'homme seul contre tous, de croisé, trahi de tous côtés y compris par sa propre famille, mais plein de panache et tellement haineux que rien ne semble vraiment le toucher. L'acteur s'en donne à coeur joie, que ce soit dans les dialogues (absolument odieux, et qu'il aurait écrits lui-même) ou dans la pantomime (son salut face à la foule, le 1er mai, est un moment que n'aurait pas renié Blake Edwards), et en vient presque à éclipser ses partenaires dans les rares scènes où il condescend à les faire apparaître. One-man-show vitupérant, affreux, sale et méchant, The Troll Machine est aussi une oeuvre à la débauche d'énergie telle qu'on en sort littéralement épuisé. Une expérience esthétique aux confins de la gauloiserie.



5 : Ne pleure pas, Jeannette


On attendait avec une certaine crainte les premiers films de l'après-Charlie. Allait-on avoir droit l'émergence d'une vague réactionnaire et belliqueuse, ou au contraire à quelque chose de plus fin, de plus torturé ? Ne pleure pas, Jeannette prend l'heureux parti de se situer, délibérément, du côté de l'intime. Avec la rocambolesque histoire de veuvage de son héroïne, ce sont les non-dits d'une famille, et par-là de la société française toute entière que le film interroge, en plus de réaliser un splendide portrait de femme. Magnifiée comme jamais, Jeannette Bougrab offre une partition vibrante dans ce rôle de belle inconsolable, telle une Juliette survivante et persécutée par les Montaigu. En dépit du titre, on pleure beaucoup.



4 : Plus blanc que blanc


On n'a jamais vraiment su faire des films de gangsters, en France, ni de film de mafia, d'ailleurs (à part Melville). Il semblerait que les choses soient en train de changer avec Plus blanc que blanc, qui raconte la succession d'une génération à une autre à la tête d'un important gang français. Nouvelle époque, nouvelles méthodes, les anciens sont dépassés quand les jeunes volent de succès en succès. Après s'être illustrés dans des productions jusqu'ici plus marginales (ou moins ambitieuses), Marine Le Pen et Florian Philippot font leurs débuts de vedettes dans ce film de prestige, et marquent durablement les esprits. A la fois séduisants et inquiétants, épatants de cynisme et de duplicité, ils forment un couple mémorable qui ensorcelle littéralement le spectateur pour le rendre finalement complice des pires horreurs. Un vrai grand film, qui interroge durablement notre moralité.



3 : Comment je me suis retrouvé du mauvais côté du trou de balle...


Encore un film qui ne payait pas de mine, et qui aura passionné des millions de spectateurs à travers toute la France. Michel Platini, ex-jeune premier abonné aux rôles physiques dans les années 80, fait ici son grand retour dans la peau d'un politicien aux portes du pouvoir (on pense parfois à Dominique Strauss-Kahn) qui se trouve embarqué dans une lutte avec son ancien mentor (on pense parfois au Retour du Jedi) avant finalement de tout perdre : son travail, sa carrière, son honneur et sa réputation. On craint parfois que la surenchère à laquelle se livre les scénaristes n'ait raison de notre patience, mais c'est sous-estimer la finesse avec laquelle a été pensé Comment je me suis retrouvé..., qui ne déçoit jamais, et offre certains prolongements littéralement jubilatoires à ce qui aurait pu n'être qu'une banale histoire de descente aux enfers d'un ex-puissant.



2 : Imblairable


Encore une histoire de mec misanthrope et érudit qui vit dans la détestation du monde qui l'entoure ? Hé oui, encore une. Mais celle-ci, pour une fois férocement en prise avec notre époque, réussit deux petits exploits : premièrement, elle parvient à maintenit un débat d'une rare bonne tenue (et d'une relative haute volée, on n'avait plus lu ça depuis Lincoln) et deuxièmement, l'originalité du personnage (un type qui a raison mais se comporte comme s'il avait tort) génialement interprété par celui que Houellebecq qualifiait d'"indigent graphomane" en l'imaginant interpréter un Diogène dans La Possibilité d'une île, et sur lequel le film repose beaucoup. Evitant l'écueil du film bavard qui semblait lui tendre les bras (il y a ce que disent les personnages, certes fort diserts, et ce qu'ils font, souvent différent et toujours plus brutal), se terminant en beauté (le gag du mug !), et ne rechignant pas à s'inscrire de plein pied dans notre histoire contemporaine, Imblairable s'impose comme l'un des meilleurs divertissements satirico-existentiels depuis les premiers Desplechin - ou comme si Tarkovski rencontrait Poelvoorde. C'est beaucoup.




1 : Le Patron


Sorte de réponse française au Discours d'un roi britannique et multi-oscarisé sorti il y a quelques années, Le Patron est une fresque noire et tragique, mais aussi sèche, et drôle, sur les coulisses du pouvoir, et sur la façon dont un homme ordinaire, normal, endosse finalement les habits de sauveur de la nation pour devenir un véritable chef de guerre. Dans un rôle à la Tom Hanks, François Hollande, jusqu'à présent plus connu pour ses talents comiques (toujours présents, cependant, comme dans la scène du guano) domine de la tête et des épaules une distribution prestigieuse. Qu'il s'agisse de l'impressionnante adresse à un Parlement littéralement hypnotisé, des réunions de crise en pleine nuit avec Manuel Valls (formidable lui aussi, dans un rôle type "l'homme le  plus sérieux du monde"), Bernard Cazeneuve et Christiane Taubira ou de cette tendre accolade avec Angela Merkel, on est constamment dans l'édification d'une Histoire, comme si chaque plan correspondait à un alinéa d'éternité et qu'il s'agissait de figer la geste de ces hommes et ces femmes rompus à l'exercice de l'Etat, ici saisis dans toute la dimension crisique de leur quotidien. Un chef d'oeuvre.

jeudi 11 décembre 2014

L'année 2014 en affiches

2014 se termine. Quels ont été les meilleurs films politiques de l'année ? Réponse avec un petit top 5.


5ème : Dent pour dent...





Comédie romantique trash, qui emprunte autant à Feydeau qu'à Mr & Mrs Smith, centré sur le destin d'un homme, séducteur malgré lui, autour duquel plusieurs femmes se déchirent. Portés par des comédiens époustouflants (mention spéciale à Ségolène Royal, formidable en ex devenue bonne copine), et des dialogues qui font mouche à chaque fois (la réplique du héros sur l'absence de dents de certains pauvres qui donne son titre au film est immédiatement devenue culte), Dent pour dent... réinvente la screwball comedy en lui donnant un doux parfum de jeu de massacre. Incontournable.



4ème : Jeux de mains




Porté par un scénario ultra acclamé, Jeux de mains combine astucieusement le film de mafia façon Parrain, le film d'arnaque à la Ocean's eleven et la série B versant revenge movie (Old Boy, Kill Bill). Porté par une distribution éclatante et des secondes rôles tous plus truculents les uns que les autres (on citera Jérôme Lavrilleux et Bruno Le Maire, deux révélations dont on entendra certainement beaucoup parler ces prochaines années), Jeux de mains impressionne. Le succès a été tel qu'une suite est déjà annoncée pour 2015, sous le titre sans surprise de Jeux de vilains. On a hâte de voir ça, même si Jean-François Copé a déjà annoncé qu'il ne serait pas de la partie.



3ème : Gencive World




La comédie familiale à la française était moribonde ces dernières années, à tel point que l'on a cru le genre mort et enterré. Et Gencive World est arrivé. Ne pas se fier à son titre façon ciné indé américain, on a là affaire à un pur produit du terroir, bien de chez nous, français de souche. L'originalité du scénario est de miser sur les particularités physique des acteurs, tous issus de la même famille (les Le Pen, d'ordinaire abonnés aux rôles de méchants). Entre répliques provocatrices (la tirade dite de la fournée) ou moments de pur burlesque (cette scène mémorable où le doberman du grand-père dévore le chat de la tante), l'inventivité est constante, pour notre plus grand plaisir.



2ème : Seul et mouillé



Beaucoup de termes ont été évoqués pour tenter de définir le genre cinématographique auquel Seul et mouillé pourrait appartenir, et parmi eux, celui de road movie statique retient notre attention. Comment décrire autrement la prouesse narrative d'un film à ce point immobile et passionnant, tourné entièrement en décors naturels et dans des conditions climatiques parfois dantesques ? Le talent de l'interprête principal, dans son énième rôle de type dépassé par les évènements mais qui reste stoïque, éclate une nouvelle fois et permet de totalement occulter l'absence de scénario. A voir et à revoir.



1er : Le Double



Les thrillers schizophréno-paranoïaques ont la côte, ces temps-ci, et Le Double en offre un nouvel exemple. Qui est qui ? Un homme peut-il posséder plusieurs incarnations ? A moins qu'il ne s'agisse que d'un seul corps, aux identités multiples ? A chaque plan de ce Double très librement inspiré de Dostoïevski, le vertige croît. Paul Bismuth, totalement inconnu avant ce film, est une révélation marquante : outre sa facilité à passer d'un personnage à l'autre, on retiendra chez lui un don pour le trouble, pour l'ambiguïté. On ne dira rien du dénouement bluffant de ce petit chef d'oeuvre, ni des multiples rebondissements qui le précèdent. Un mot, un seul : magistral.


jeudi 29 mai 2014

La lettre C

Les mains en l'air, monsieur Copé, vous êtes cerné.


La langue française n’utilise pas, ou presque, la lettre K, onzième lettre de l’alphabet – c’est d’ailleurs là un trait partagé parmi les langues romanes. Le K est principalement dévolu aux mots d’origines étrangères, aux emprunts de notre langue au japonais (pour le karaté), au maori (pour le kiwi), à l’anglais (pour le kart) ou au danois (pour le kayak). Pour le reste, pour notre héritage latin, nous avons, pour retranscrire le phonème [k], le choix entre le Q et le C. Il y aurait beaucoup à écrire sur l’inutilité du Q, consonne compliquée qu’il est généralement impossible d’utiliser sans la faire suivre d’un U, et qui, de fait, ne se retrouve employé que dans quelques mots caricaturaux. Le C, lui, est un autre cas problématique : un coup il se prononce [s], un coup il se prononce [k], en fonction de la voyelle qui le suit – il peut même être orné d’une cédille (et ressembler à Ça) pour contrevenir aux règles précédemment évoquées. C’est pourtant lui que la langue française (à l’instar de l’italienne ou de la portugaise) a chargé de représenter à 95% la prononciation de ce fameux phonème [k].

Car il faut bien se l’avouer, le K a plus de gueule. Son nom, déjà, K (prononcer « ka »), a davantage de caractère que le pauvre C (« sé »). Sa physionomie, ensuite, ces barres qui partent dans tous les sens, tout ça lui assure un charisme évident, que le C, hélas, est loin de partager. C’est l’un des regrets que j’ai vis-à-vis de ma langue maternelle : qu’elle n’ait pas su incorporer plus efficacement le K, lettre jouissive à tracer – pas autant, certes, que le Z plus gâté par la deuxième personne du pluriel.

Ainsi, alors que les Etats-Unis, pays de langue anglaise et donc beaucoup moins complexés que nous dans l’usage du K, alors donc qu’ils ont eu JFK, nous, en France, nous avons eu JFC.

JFK, le vrai


JFK, c’est bien sûr John Fitzgerald Kennedy, trente-cinquième président des Etats-Unis (premier catholique à accéder à cette fonction), mort assassiné à Dallas, icône américaine au point que le principal aéroport de New York porte son nom, ainsi que deux porte-avions ou le théâtre de Washington.

JFC, c’est Jean-François Copé, homme politique français des années 2000 et 2010 à propos duquel il devient chaque jour un peu plus certain qu'il ne montera jamais plus haut que Ministre du Budget (fonction occupée de 2004 à 2007), ce qui est particulièrement tragique si l’on considère que, davantage qu’aucun autre homme politique en France, Copé avait clamé son désir de devenir un jour Président de la République. Personne, parmi les ambitieux de sa génération (Valls, NKM, Montebourg ou Xavier Bertrand), ne s’est épanché sur le sujet avec autant d’ardeur, ni si fréquemment, et même Nicolas Sarkozy, en son temps, avait été plus évasif. Copé, lui, affiche son ambition depuis des années et des années – depuis près de dix ans, en fait. Et la vie, souvent, est capricieuse : elle adore punir ceux qui ont ouvert trop grand leurs gueules, pour parler trivialement.

Aujourd’hui, Copé est sur le point de quitter ses fonctions à la tête de l’UMP, fonctions qu'il avait usurpées à François Fillon après le scrutin vraisemblablement truqué de novembre 2012. Alors qu’il était déjà depuis longtemps l'homme politique le moins apprécié des Français, le coup porté par l’affaire Bygmalion risque de l’abattre pour de bon : même le plus fervent militant du parti ne pourra pas empêcher une hésitation au moment de glisser dans l’urne un bulletin au nom de Jean-François Copé. C’est ce qu’on appelle être grillé.

L'homme a commis deux erreurs : la première, c’est de s’être cru plus malin que tout le monde ; la seconde, c’est de s’être fait des ennemis jurés. Au premier rang de ceux-ci, François Fillon, qui n’a toujours pas digéré l’élection volée de 2012 et qui vient d’obtenir sa vengeance, avec l’éviction de Copé. A la tête de l’UMP, désormais, on retrouve un triumvirat composé de Fillon, donc, ainsi que d’Alain Juppé et de Jean-Pierre Raffarin. On ne pouvait pas rêver mieux pour barrer la route à un retour de Sarkozy.

Les Dalton


Parce que derrière le fusible Copé, c’est bien l’ancien président qui se retrouve en ligne de mire. Il avait réussi à placer Copé à la tête du parti, c’est-à-dire à qu’il continuait, en sous-main, à piloter l’UMP, Copé étant le seul des barons à leur avoir publiquement déclaré allégeance. Désormais, il doit composer avec Fillon, qui ne cache pas son envie d’en découdre avec celui dont il fut premier ministre, Juppé, qui veut se poser en recours, et Raffarin, qui, s’il n’a sans doute pas d’ambition présidentielle, fut quand même l’un des premiers, parmi les ténors du parti de droite, à prendre ses distances avec le tournant droitier la campagne de 2012. Aucun des trois ne souhaite un retour aux affaires de Sarkozy, et à constater l’absence de pitié dont ils ont fait preuve en sacrifiant Copé, il ne fait aucun doute qu’ils se montreront aussi intraitables vis-à-vis de leur ancien patron, déjà cerné par les affaires judiciaires (affaire Tapie, affaire Karachi, affaire Buisson, affaire Kadhafi, affaire Bygmalion, affaire Bettencourt, affaire des sondages de l'Elysée…).

Copé se rêvait JFK et ne fut que JFC, sigle qu'il partage avec le Jurançon Football Club, qui, sans lui manquer de respect, n'est pas le Real Madrid, ni même l'US Quevilly. Il est fort probable que sa carrière politique soit terminée, loins des ors qu'il convoitait tout haut. La faute à la lettre C.