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samedi 1 août 2015

Onze moments mythiques de Coupe du Monde : Bonus 2014

L'Allemand Mario Götze, buteur décisif, avec sa petite amie et les enfants de son coéquipier Jérome Boateng, quelques minutes après la victoire des siens en finale contre l'Argentine.


Les instants les plus mythiques offerts par la Coupe du Monde depuis 1998 avaient fait l’objet d’un dossier, juste avant le début du Mondial 2014. Un an après le tournoi, le temps est venu de revenir sur les quelques moments de cette vingtième édition qui méritent vraiment de passer à la postérité. Un retour en trois coups.


1)      Le coup de sang de Suarez

Il arrive que certains joueurs entretiennent un rapport particulier, pour ne pas dire privilégié avec la Coupe du Monde, qu’ils la marquent de leur empreinte à chacune de leurs apparitions. Le plus illustre d’entre eux est sans doute l’Argentin Diego Maradona, non-sélectionné à peine pubère mais déjà furibard en 1978, savaté selon toutes les règles de l’art et finalement expulsé en 1982, vainqueur de la compétition quasiment à lui tout seul en 1986, héros tragique de l’opéra napolitain Italie – Argentine en 1990 et exclu pour dopage en 1994. Un peu plus de vingt ans après lui, le fantasque Uruguayen Luis Suarez semble marcher sur ses pas.

Lors du Mondial sud-africain de 2010, sa première participation à l’épreuve, il avait brillé à la pointe de l’attaque de la Celeste, associé à un Diego Forlan élu meilleur joueur du tournoi, et contribuant avec talent (trois buts et deux passes décisives) au beau parcours des siens, demi-finalistes surprise de l’épreuve. Mais c’est surtout sa main, entrée depuis dans la légende de la compétition (et première de mon top 11 des meilleurs moments récents offerts par la Coupe du Monde), qui avait été médiatisée. Quatre ans plus tard, à l’entame du Mondial brésilien, Suarez a changé de statut : de jeune avant-centre prometteur évoluant à l’Ajax Amsterdam, il s’est mué en fer de lance de l’attaque de Liverpool, a été sacré meilleur buteur européen de la saison et est attendu au tournant, pressenti pour être l’une des grandes stars de cette édition.

Suarez fou de joie après son second but face à l'Angleterre.
Néanmoins, son équipe, l’Uruguay, n’a pas été gâtée au tirage au sort et a écopé d’un groupe particulièrement relevé, avec le Costa Rica, l’Angleterre et surtout l’Italie, vice-championne d’Europe en titre. Pour ne rien arranger, Suarez, mal remis d’une blessure, ne peut prendre part au premier match des siens et assiste, impuissant, à la déroute de la Celeste face à un surprenant Costa Rica vainqueur trois buts à un. Cinq jours plus tard, les Uruguayens n’ont déjà plus le droit à l’erreur pour leur second match face à l’Angleterre, qui a été battue elle aussi pour son premier match, face à l’Italie : le perdant de la rencontre sera éliminé de la compétition. Le sélectionneur uruguayen, Oscar Tabarez, joue son va-tout et décide d’aligner Suarez d’entrée de jeu, malgré son état de forme incertain. L’histoire lui donne raison : grâce à un doublé de son buteur vedette, la Celeste s’impose 2 – 1 et revient dans la course pour la qualification. Tout se jouera lors du troisième et dernier match, face à l’Italie.

Lorsque débute la rencontre décisive, l’atmosphère est lourde d’une pression presque palpable. Plus qu’à un match de poule, c’est à un vrai seizième de finale que les deux formations participent : le vainqueur se qualifiera pour les huitièmes, le perdant sera éliminé. C’est le moment que va choisir Luis Suarez pour littéralement péter les plombs, en direct devant 40000 spectateurs et les télés du monde entier. Sur un ballon aérien apparemment anodin, en fin de deuxième mi-temps et alors que le score est toujours de zéro zéro, l’attaquent uruguayen, se désintéressant totalement du jeu, se retourne vers le défenseur chargé de le marquer, l’Italien Giorgio Chiellini, et le mord à l’épaule.

Suarez a beau faire semblant d’être tombé et de s’être fait mal à la gencive (dans ce qui est sans doute l’une des tentatives de simulation les plus pathétiques de l’histoire), la trace de morsure sur l’épaule de Chiellini est éloquente, et le ralenti, accablant, confirme l’intentionnalité du geste de l’Uruguayen. Mais l’arbitre n’a rien vu, et une minute plus tard, l’Uruguay ouvre le score, résiste jusqu’au bout, et se qualifie. Mais la seule question qui est sur toutes les lèvres est alors celle-ci : pourquoi une telle folie de la part de Suarez ? La réponse est aussi triste que drôle : parce qu’il n’a pas pu se retenir.

Chiellini tente une quenelle pendant que Suarez compte ses incisives.
En effet, rayon morsures, l’Uruguayen est un dangereux récidiviste. C’est ainsi la troisième fois, déjà, qu’il s’en prend de la sorte à un adversaire. Ses deux précédents essais, l’un alors qu’il portait la tunique de l’Ajax, l’autre pendant un Liverpool – Chelsea qui sentait le soufre, lui avaient valu auparavant, outre les tendres surnoms de Vampire et de Cannibale, une belle flopée de suspension (par ailleurs, outre ses buts totalement dingues, il s’était également fait remarquer en traitant Patrice Evra de « Noir de merde »). Juste après le match, Internet s’embrase, multipliant les détournements du geste de l’Uruguayen et appelant à une juste sanction.

Face à ce cas à peu près unique de footballeur anthropophage, la FIFA n’a pas souhaité transiger : Luis Suarez, exclu manu militari du Mondial, écope de neuf matches de suspension en sélection nationale ainsi que de quatre mois d’interdiction de toute activité liée au football (il profitera de cette période d’inactivité pour signer à Barcelone pour la modique somme de 85 millions, et un an plus tard, il a remporté le championnat et la coupe d’Espagne ainsi que la Ligue des Champions). De son côté, l’équipe d’Uruguay, orpheline de son meilleur joueur, se fait sèchement éliminer par la Colombie en huitième de finale. On les attend avec impatience pour 2018.


2)      Le coup de poker de Louis Van Gaal et Tim Krul

Nous sommes en quart-de-finale de Coupe du Monde. Plus précisément, dans les dernières minutes de la prolongation d’un quart-de-finale de Coupe du Monde. Les Pays-Bas, éternel favori malheureux, affrontent le Costa-Rica, équipe surprise de la compétition. Normalement, le suspense devrait être éventé depuis longtemps, normalement, le match devrait même être terminé depuis près d’une demi-heure : finaliste de l’édition précédente, auteur pendant les poules d’une spectaculaire démonstration face au tenant du titre espagnol (5 – 1 pour les Bataves) et alignant, sous la houlette du tacticien Louis Van Gaal, un certain nombre de joueurs aux noms aussi ronflants que Wesley Sneijder, Robin Van Persie ou Arjen Robben, la Hollande était censée ne faire qu’une bouchée du petit poucet costaricien.

Mais d’un bout à l’autre de la partie, si la défense du Costa-Rica a souvent été au supplice, elle a tenu bon, et son gardien, Keylor Navas, a réalisé de véritables prouesse pour garder son but inviolé. A la surprise générale et malgré de nombreuses tentatives de l’attaque néerlandaise, le score était toujours de 0 – 0 quand l’arbitre a sifflé la fin du temps règlementaire. Il a donc fallu passer par les prolongations pour décider d’un vainqueur. Et même là, c’est en train de ne pas suffire : les Hollandais dominent, incontestablement, mais il est toujours un pied, un genou, un torse costaricien pour stopper les offensives de Robben et de ses partenaires, et compte tenu de la vitesse à laquelle le temps se met à défiler, il semble à chaque instant plus certain que les deux équipes vont devoir se départager au moyen de la terrible épreuve des tirs au but.

Louis Van Gaal entouré par ses disciples.
Sur le banc hollandais, un homme réfléchit. C’est Louis Van Gaal. Louis Van Gaal n’est pas n’importe qui. C’est un génie tactique, vainqueur en 1995 de la Ligue des Champions avec un Ajax de gamins, au nez et à la barbe du grand Milan AC. C’est lui aussi, qui a remis sur les rails le Bayern de Munich, à la fin des années 2000. C’est encore lui qui a conduit les anonymes d’Alkmaar au sacre en championnat néerlandais. Problème : si Van Gaal est un stratège reconnu de tous, il traîne également la réputation d’être un fou ingérable. Depuis de ses deux passages sur le banc du Barça, il peut se targuer d’être l’homme qui est passé le plus près de faire littéralement imploser le club catalan. La légende raconte que lors d’un discours particulièrement incisif qu’il avait tenu à ses joueurs avant un match, emporté par sa fougue, il avait baissé son pantalon et exhibé ses parties à ses joueurs. Depuis 2012, il est sélectionneur des Pays-Bas. Après une belle phase de qualification, le début de Mondial de ses joueurs a été excellent, et largement à mettre à son actif. Il a de plus imposé un style inimitable : sa cravate est orange, assortie au maillot de la sélection, et ses adjoints, au lieu de faire ce que font leurs confrères des autres sélections (c’est-à-dire filer des bouteilles d’eau aux joueurs, donner des consignes aux remplaçants qui s’échauffent ou gueuler sur l’arbitre), passent leur temps assis à côté de lui, à prendre des notes. Car pour Louis Van Gaal, ce ne sont pas ses adjoints. Ce sont ses élèves. Nul doute qu’ils auront apprécié le dernier coup du Maître.

Car en réfléchissant, Van Gaal a bien compris ce qui allait se passer. Non, aucun but ne serait plus marqué, ses joueurs commençant à être aussi fatigués que leurs adversaires, et trop peu de temps restant à jouer. Ce serait donc les tirs au but, un exercice qui a rarement souri aux Hollandais par le passé. Et cette fois-ci, ce serait pire : déjà en plein doute, déstabilisés par la résistance inattendue de leur adversaire, les Oranjes allaient de surcroît se présenter pour tirer face à un Keylor Navas en pleine confiance, qui disposait d’un avantage psychologique sur à peu près tous les tireurs potentiels. Ce serait donc une boucherie, et une énième déception néerlandaise en Coupe du Monde.

Mais Louis Van Gaal n’a pas dit son dernier mot. Alors qu’il ne reste qu’un peu plus d’une minute, il appelle l’un des remplaçants en train de s’échauffer. Surprise : il s’agit du troisième gardien, Tim Krul, qui s’approche, et enlève son survêtement, comme s’il s’apprêtait à entrer en jeu. La surprise devient stupeur quand effectivement, le gardien hollandais, Jasper Cillessen, quitte ses partenaires et que Krul entre sur le terrain. Louis Van Gaal vient de changer de gardien juste avant la séance de tirs-aux-buts, coup  tactique parfois évoqué sur le ton de la blague, mais jamais réalisé à ce niveau. Les commentateurs de la planète entière, sous le choc, ne savent pas s’ils doivent rire ou pleurer, les joueurs sont médusés.

Quelques secondes plus tard, l’arbitre siffle la fin de la rencontre. L’heure tant redoutée est arrivée, mais cette fois-ci, la peur a changé de camp. Ce ne sont plus les Hollandais qui sont effrayés à l’idée d’affronter un gardien qui les a écœurés d’un bout à l’autre de la rencontre, ce sont les Costariciens qui, tout à coup, redoutent d’aller affronter l’inconnu qui vient de prendre place dans le but oranje. Car Tim Krul est un beau bébé : 1m93 pour 85kg, mal rasé, il évolue pendant l’année dans le club de Newcastle, c’est un habitué des bas-fonds un peu glauques du championnat anglais. Il va profiter de l’occasion pour dévoiler à la planète ses talents de showman : dès le début de la séance de tirs-aux-buts, il va intimider les joueurs costariciens, leur parle, les déconcentre, vient les toiser. Son attitude est à ce point inhabituelle que l’arbitre le sanctionne d’un carton jaune, ce qui est rarissime en de telles circonstances.

Adieu, monde Krul.
Mais le harcèlement psychologique paye : à chaque tir d’un joueur du Costa-Rica, Tim Krul plonge du bon côté. Mieux, pendant que ses partenaires Van Persie, Robben, Sneijder et Kuyt réussissent leurs penalties, il parvient à bloquer une tentative adverse. Et lorsque Michael Umaña se présente face à lui pour un tir au but qui peut être décisif, il choisit à nouveau le bon côté, et réussit à arrêter la frappe. Les Pays-Bas sont qualifiés pour la demi-finale. Tim Krul vient de connaître son quart d’heure warholien, il est le héros du match, lui qui n’est même pas réputé si bon stoppeur de penalties que ça. Mais celui dont tout le monde parle, c’est Louis Van Gaal. L’entraîneur hollandais vient officiellement de devenir le premier sélectionneur à se qualifier pour une demi-finale de Coupe du Monde au bluff, en procédant à ce qui est sans doute le remplacement le plus spectaculaire de l’histoire de la compétition.


3)      Le coup de tonnerre du Mineirazo

Le 8 juillet 2014, à Belo Horizonte, devant les 58000 spectateurs de l’Estadio Mineirão, le Brésil affrontait l’Allemagne en demi-finale de la Coupe du Monde. Entre deux des équipes les plus titrées de l’Histoire (cinq sacres mondiaux pour le Brésil, trois pour l’Allemagne), l’enjeu était simple : une place en finale. Mais pour les Brésiliens, il y avait un peu plus. En effet, c’est à domicile que la Seleçao a disputé le Mondial 2014, et ce dans un climat assez compliqué.

D’un côté, il y avait un important mouvement populaire de contestation, qui prenait principalement pour cible la présidente du pays, Dilma Rousseff, et comme prétexte la tenue même de la compétition sur le sol brésilien, l’organisation du Mondial étant unanimement trouvée beaucoup trop coûteuse pour une société auriverde encore massivement victime de la pauvreté. De l’autre côté, il y avait les fantômes du passé, et principalement de la Coupe du Monde 1950 : en effet, si le Brésil détient le record de victoires en Coupe du Monde, il n’a jamais réussi à l’emporter quand le tournoi se disputait sur ses terres, et la précédente édition brésilienne, en 1950 donc, avait vu l’Uruguay coiffer au poteau l’organisateur brésilien, dans ce que l’on a appelé le Maracanazo – une inattendue victoire par deux buts à un, devant les 200000 (record historique d’affluence pour une rencontre de football) spectateurs du mythique stade Maracana de Rio, avec  la clé un deuxième sacre mondial pour les Uruguayens et un traumatisme durable pour les Brésiliens qui s'imaginaient déjà champions du monde avant ce dernier match.

Dans les tribunes de l'Estadio Mineirão...
C’est donc avec une pression assez inimaginable que la Seleçao avait débuté sa Coupe du Monde, ce qui se traduisait par une reprise a capella par les joueurs de l’hymne brésilien avant les matches (pour faire symbiose avec leur peuple) et par de nombreuses et incessantes prières avant, pendant et après les rencontres (pour faire symbiose avec Dieu). L’état émotionnel des joueurs était tel qu’ils paraissaient toujours à deux doigts de fondre en larmes, et le parcours stressant qui avait été le leur jusqu’à cette demi-finale n’avait rien arrangé. En effet, le Brésil avait dû batailler ferme pour s’extraire d’une poule pas évidente (Cameroun, Mexique, Croatie), avait bénéficié d’un miracle pour passer le stade des huitièmes (à la dernière minute de la prolongation contre le Chili, l’attaquant chilien Pinilla avait expédié une puissante frappe sur la barre transversale et le Brésil s’était qualifié, cinq minutes plus tard, grâce aux tirs aux buts), et si le quart de finale contre la Colombie avait sans doute été le meilleur match de la Seleçao (qualification 2 – 1), ce fut une authentique victoire à la Pyrrhus, les Brésiliens y laissant deux de leurs meilleurs joueurs, le défenseur Thiago Silva, suspendu, et l’attaquant Neymar, seule véritable star offensive de l’équipe, qu’un choc avec un milieu colombien avait blessé assez sérieusement.

Neymar et Thiago Silva auraient-ils pu suffire pour inverser la donne face aux Allemands ? On ne le saura jamais. Néanmoins, on peut imaginer qu’avec eux, l’addition aurait été moins lourde. Car cette demi-finale face à l’Allemagne va rapidement tourner au jeu de massacre, avec dans le rôle de la victime, une équipe du Brésil totalement déboussolée et dans celui du bourreau, une équipe d'Allemagne fidèle à sa réputation de favorite du tournoi. Dès la onzième minute, c’est le jeune attaquant bavarois Thomas Müller qui va trouver l’ouverture et inscrire le premier but du match. Désarçonnés par ce but précoce, les Brésiliens vont alors tout faire pour revenir au score le plus rapidement possible. Mal leur en prendra : le tsunami qui va suivre n’a tout simplement aucun précédent dans l’histoire de la Coupe du Monde.

Dès la 23ème minute, les Allemands trouvent à nouveau le chemin des filets, par l’intermédiaire du vétéran Miroslav Klose. Avec deux buts de handicap, l’affaire devient sérieusement préoccupante pour les Brésiliens, sans compter que ce but est une petite humiliation en soi : il s’agit du seizième but marqué par Klose en Coupe du Monde (cinq en 2002, cinq en 2006, quatre en 2010 et deux en 2014), ce qui en fait le nouveau recordman de l’histoire de l’épreuve, au nez et à la barbe des quinze buts marqués par le Brésilien Ronaldo (quatre en 1998, huit en 2002 et trois en 2006), et offre, au bout de moins de vingt-cinq minutes, une première victoire symbolique à la Mannschaft.

Mais si l'affaire s'annonce mal engagée, personne n'imagine encore que l'impensable va se produire : les Brésiliens vont spectaculairement sombrer en l’espace d’à peine plus de cinq minutes, au point de pratiquement disparaître de la pelouse. Moins de soixante secondes après le but de Klose, profitant de l’apathie de la défense auriverde, visiblement sonnée, les Allemands vont inscrire un nouveau but, par l’intermédiaire de Toni Kroos, qui va encore doubler la mise à peine deux minutes plus tard, quelques instants avant que Sami Khedira ne marque à son tour. En à peine plus de cinq minutes, le score passe de 1 – 0 pour les Allemands, à 5 – 0, et ce alors que le match n’a commencé que depuis une demi-heure.

Le moyen le plus facile pour les Brésiliens de trouver le chemin des filets au cours de cette demi-finale.
La fébrilité des joueurs brésiliens, déjà largement perceptible depuis le début du tournoi, éclate au grand jour. Eux qui espéraient se qualifier pour la finale devant leur public se retrouvent humiliés en place publique. Même les Allemands sentent qu’ils sont en train de faire quelque chose de moche et décident de lever un peu le pied, tandis que les télés du monde entier, plutôt que de montrer le jeu, préfèrent compiler les plans des supporters brésiliens, abasourdis et en larmes dans les tribunes. En deuxième mi-temps, la Seleçao tentera bien de réagir pour, à défaut de remporter le match, récupérer un peu de l’estime de ses supporters, mais rien n’y fera, et l’Allemagne marquera encore deux nouveaux buts et il faudra attendre la dernière minute de la partie pour que le jeune Oscar, dans l’indifférence la plus totale, réussisse enfin à sauver l’honneur pour les siens.

Le score final est donc de sept buts à un pour l’Allemagne, soit l’écart le plus important jamais vu entre deux équipes en demi-finale de Coupe du Monde, mais également la défaite la plus lourde jamais subie par le Brésil, la plus large déroute pour un pays organisateur de Coupe du Monde et la première défaite des Brésiliens en match officiel à domicile depuis 1975. L’onde de choc est immense, évidemment. Les Allemands se retrouvent favoris numéro un pour la victoire finale, avant même de connaître leur adversaire (Pays-Bas et Argentine doivent s’affronter le lendemain dans l’autre demi-finale). Les Brésiliens, eux, n’ont plus que leurs yeux pour pleurer, et se répandent en excuses vis-à-vis de leurs compatriotes, à l’image d’un David Luiz, capitaine d’un soir de la Selaçao, les yeux embués et la voix remuée de sanglots, incapable de quoi que ce soit d’autre que de répéter, hagard, au micro qu’il voulait « juste donner du bonheur au peuple brésilien ».

Si la défaite de 1950 face à l’Uruguay, grand traumatisme footballistique national s’il en est, avait rapidement acquis le surnom de Maracanazo (en référence au stade du Maracana, le « zo » ou « ço » signifiant « choc »), cette nouvelle déroute ne tarde pas à se forger l'appellation de Mineirazo, signe de sa place à part dans l’histoire du football brésilien – place, vraisemblablement, très inconfortable, pour ne pas dire maudite. Après un nouveau revers sec lors du match pour la troisième place face aux Pays-Bas (3 – 0), les Brésiliens partent en vacances, la tête de basse, tandis que leur sélectionneur, Luis Felipe Scolari, est renvoyé. Il leur faudra, à tous, de longs mois avant de se remettre du traumatisme


mardi 6 janvier 2015

Personnalité de l'année 2014 : les candidats (2/2)

Deuxième moitié des candidats au titre de personnalité de l'année 2014...



6 : Peter Piot

Qui c'est ?
Un scientifique belge spécialiste de la microbiologie, jusqu'à présent célèbre pour avoir dirigé pendant treize ans le programme de l'ONU destiné à coordonner la lutte contre le SIDA.

Quel est son principal fait d'armes en 2014 ?
En réalité, pas grand chose, puisqu'il est nommé cette année pour un acte remontant à 1976 : c'est en effet à cette date qu'il a, le premier, identifié le virus Ebola, revenu sur le devant de la scène ces derniers mois et coupable de déjà plus de 8000 morts.

Quels sont ses atouts ?
La gravité de la situation. Depuis des décennies, déjà, on nous annonce régulièrement de nouvelles épidémies: on se souvient ainsi d'H1N1, de la vache folle, de SRAS, de la grippe aviaire... Mais Ebola, maladie ancienne, semble d'un autre trempe, en témoignent les dégats, d'ores et déjà considérables, réalisés par le virus en Afrique de l'Ouest. Dans ces conditions, le chercheur qui a, le premier, identifié l'ennemi (et qui ne cesse aujourd'hui de plaider pour l'usage de traitements expérimentaux pour endiguer la pandémie), semble un candidat idéal au titre de personnalité de l'année 2014.

Qu'est-ce qui pourrait le faire perdre ?
La jurisprudence Peter Higgs. Il y a deux ans, le physicien anglais avait été nommé au titre de personnalité de l'année. Il n'avait rien fait de particulier en 2012 (attention, nul doute qu'il s'était livré à des travaux d'importance qui nous dépassent totalement, je veux juste dire que 2012 n'avait pas été si différente, pour lui, de 2011 ou de 2010), mais le monde s'était chargé de le remettre sur le devant de la scène : c'est cette année-là qu'avait été mis en évidence le célèbre boson de Higgs, dont le savant avait prédit l'existence dès les années 60. Un temps en lice pour la victoire, Higgs s'était finalement incliné en finale contre Barack Obama, souffrant de n'avoir rien fait "lui-même" en 2012. il pourrait arriver la même chose au belge Peter Piot : être élu homme de l'année 2014 pour une découverte datant de 1976 n'aurait objectivement pas grand sens.





7 : Matteo Renzi

Qui c'est ?
Un homme politique italien, de sensibilité de centre-gauche, ancien scout et ancien maire de la ville de Florence.

Quel est son principal fait d'arme en 2014 ?
Le 17 février, il est convoqué par le Président italien, Giorgio Napolitano, qui le charge de former un gouvernement : cinq jours plus tard, il prête serment et devient le plus jeune président du Conseil de l'histoire de la péninsule, et ce dans un contexte économique et politique extrêmement difficile.

Quels sont ses atouts ?
Sa jeunesse, comme mentionné plus haut, et surtout son énergie, qui lui a valu, quelques semaines à peine après son arrivée au pouvoir, d'être considéré comme le principal leader de la social-démocratie européenne (au nez et à la barbe de François Hollande et Manuel Valls, pourtant à la tête du pays "socialiste" le plus riche et le plus peuplé) et comme le chef de file des opposants à la politique d'austérité imposée par Bruxelles et Angela Merkel aux pays du Sud de l'Europe.

Qu'est-ce qui pourrait le faire perdre ?
L'émergence d'une vraie gauche européenne. Quelques mois après sa prise de fonction, l'euphorie est déjà retombée : Matteo Renzi, à la tête d'un pays marqué par l'interminable règne de Silvio Berlusconi, la gestion technocrate de Mario Monti et la montée d'un populisme incarné par Beppe Grillo, n'est pas le héraut d'une gauche radicale, et fait finalement même figure de centriste. La contestation de gauche est désormais incarnée par le parti Syriza, au porte du pouvoir en Grèce, et par le mouvement Podemos, en tête des intentions de votes en Espagne.





8 : Dilma Rousseff


Qui c'est ?
Une ancienne activiste de la résistance brésilenne, du temps de la dictature, qui a rejoint le Parti des travailleurs en 2001, et a succédé à Lula à la présidence du Brésil en 2010.

Quel est son principal fait d'armes en 2014 ?
Sa réélection à la tête du pays, malgré une campagne difficile marquée par l'émergence de plusieurs figures d'opposition, et par un mouvement populaire important lié au coût de l'organisation de la Coupe du monde de football au Brésil l'été dernier.

Quels sont ces atouts ?
Sa résistance. Dans les années 1970, elle avait été torturée pendant vingt-deux jours sans dénoncer ses camarades de lutte, alors tout combat relève désormais pour elle de la gnognotte. Le mouvement contestataire contre l'organisation du Mondial ? Il n'a pas empêché la tenue de la compétition, ni n'empêchera celle des prochains Jeux Olympiques en 2016 à Rio. Les sifflets dont elle a été victime à chaque apparition publique ? Ils se sont avérés insuffisants pour lui faire perdre l'élection présidentielle. Autant dire qu'il faudra se lever de bonne heure pour empêcher Dilma Rousseff de faire ce qu'elle veut quand elle le veut.

Qu'est-ce qui pourrait la faire perdre ?
Le Mineirazo. Le 8 juillet dernier, dans l'Estadio Mineirao de Belo Horizonte, devant 58000 spectateurs et plusieurs centaines de millions de télespectateurs, le Brésil affronte l'Allemagne en demi-finale de son Mondial. Malgré le mouvement de contestation dont a été l'objet la compétition, tout un peuple veut y croire. Le retour à la réalité aura le goût d'une baffe : à la mi-temps, les Allemands mène 5 à 0, et s'imposent finalement 7 - 1, dans ce qui restera dans les annales comme la plus grosse défaîte de l'histoire de l'équipe brésilienne en Coupe du Monde, et assurément la plus grande humiliation jamais subie par une équipe à ce stade de la compétition, qui plus est à domicile. Dans ces conditions, difficile pour Dilma Rousseff d'apparaître comme une gagnant.





9 : Luis Suarez

Qui c'est ?
Un footballeur uruguayen aussi génial que fantasque, fer de lance de l'attaque de son pays et auteur de nombreux buts tous plus beaux les uns que les autres.

Quel est son principal fait d'armes en 2014 ?
D'abord, en mai, il est sacré meilleur buteur européen de la saison 2013-2014 à égalité avec la star portugaise Cristiano Ronaldo. Ensuite, en juin, pendant la Coupe du Monde, il se distingue en mordant jusqu'au sang l'un de ses adversaires, l'italien Giorgio Chiellini, ce qui lui vaudra une exclusion du Mondial et une suspension de quatre mois. Enfin, en juillet, il signe au FC Barcelone pour la modique somme de 81 millions d'euros, ce qui fait de lui le joueur le plus cher de l'année.

Quels sont ses atouts ?
Incontestablement sa folie. L'une de ses inspirations, une main géniale, avait, il y a quelque temps, déjà fait l'objet d'un article sur l'Obvisper, mais c'est loin d'être tout : coupable de propos racistes il y a quelques années à l'encontre du français Patrice Evra, cannibale récidiviste (Chiellini, qu'il a mordu l'été dernier au Mondial, est le troisième adversaire à être victime des canines voraces de Suarez), buteur inspiré (de multiples compilations de ses buts géniaux sont visibles sur youtube) mais surtout, amant éperdu. En effet, et c'est là le plus incroyable, Suarez est le seul footballeur a avoir embrassé cette vocation... par amour. Quand il a treize ans, son amoureuse lui fait ses adieux : elle quitte l'Uruguay pour l'Europe avec ses parents, ce qui rend leur histoire impossible. Qu'à cela ne tienne : le petit Luis décide de tout mettre en oeuvre pour la rejoindre, et pour lui, le moyen le plus simple est encore de réussir dans le football, c'est-à-dire d'y devenir suffisamment fort pour être appelé dans une équipe du vieux continent. Et c'est ainsi qu'à dix-neuf ans, en 2006, il traverse l'Atlantique pour rejoindre l'équipe de Groningue, aux Pays Pas. La fin de l'histoire ? Il retrouve l'amour de son adolescence et l'épouse. Evidemment.

Qu'est-ce qui peut le faire perdre ? 
Son début de saison. Depuis qu'il est arrivé à Barcelone, et surtout depuis qu'il est autorisé à jouer, Suarez peine à retrouver le niveau qui était le sien à Liverpool ou en équipe d'Uruguay. La faute à une trop longue période d'inactivité du fait de sa suspension, mais surtout au système de jeu de son nouveau club, qui lui impose de se sacrifier continuellement au profit de l'argentin Messi, la star de l'équipe, au lieu de chercher à marquer, ce qui était sa spécialité. Du coup, les statistiques sont sans appel : depuis ses débuts au Barça, il n'a marqué que trois buts, bien loin des trente-et-un de sa saison passée.






10 : Conchita Wurst


Qui c'est ?
Une drag-queen autrichienne, de son vrai nom Thomas Neuwirth, connue pour son personnage de diva barbue.

Quel est son principal fait d'armes en 2014 ?
Sa victoire mêlée de scandale lors du concours de l'Eurovision, qui n'avait jamais été aussi médiatisé que cette année. Les conservateurs de tout poil se sont élevés contre sa participation, les télés de certains pays allant même jusqu'à boycotter ce rendez-vous traditionnel de la chanson européenne, lui offrant par là une notoriété inédite : la drag-queen se retrouve invitée à défiler pour Jean-Paul Gaultier puis à chanter devant le Parlement européen.

Quels sont ses atouts ?
Elle est devenue un symbole. Par son triomphe autant que par les réactions contrastées qui l'ont accompagné, Conchita Wurst est devenue, du jour au lendemain, un nouvel étendard pour la communauté LGBT, en des temps où la question de droits des minorités sexuelles est particulièrement sensible : elle n'est pas seulement une drag-queen, mais aussi (et surtout) une drag-queen barbue, suprême audace et pied de nez (pour le meilleur et pour le pire) aux tenants d'un certain ordre reposant sur la norme. Du coup, elle a cristallisé autour de sa personne un certain nombre de critiques, notamment des nationalistes d'Europe de l'Est ou de Christine Boutin, jamais avare de gloriole bon marché, et, en contre-coup, a été défendue bec et ongle par tous ceux qui ont vu en elle l'expression d'une jolie liberté en matière de moeurs.

Qu'est-ce qui peut la faire perdre ?
L'amour de l'art. Avant l'avènement de Conchita Wurst, les musiciens autrichiens les plus illustres de l'histoire s'appelaient Johann Strauss, Joseph Haydn, Gustav Mahler ou Franz Schubert, sans même évoquer un certain Wolfgang Amadeus M. Et c'est là que la comparaison est terrible : sans démériter dans un genre terriblement mineur, la lauréate de l'Eurovision 2014 se situe à des années lumières de ses glorieux prédécesseurs. Et comme son statut d'icône gay ne doit pas non plus nous faire fermer les yeux (ni, surtout, les oreilles) sur tout, on est obligé de reconnaître que musicalement, Rise like phoenix, ça ne vole pas très haut...

mercredi 11 juin 2014

Onze moments mythiques de la Coupe du Monde - 4 : Le malaise de Ronaldo

Cet article fait partie d'une série de textes consacrés à onze moments mythiques de l'histoire récente de la Coupe du Monde de football. Les autres sont accessibles sur cette page.

L'homme qui rétrécit

La Coupe du Monde 1998, organisée en France, s’est déroulée, à la surprise générale, selon un scénario très prévisible : match clin d'oeil (USA - Iran), équipes surprise (Croatie, Danemark), grosses déceptions (Espagne), vedettes aux destins opposés (Bergkamp, Del Piero, Owen, Batistuta), duels acharnés (France - Italie, Pays-Bas - Argentine). Surtout, s’est tenue, en finale, l’affiche idéale, celle dont tout le monde rêvait : le Brésil, alors quadruple vainqueur du tournoi et tenant du titre, face à la France, le pays organisateur. La rencontre permettait aussi l’opposition de deux hommes : le Brésilien Ronaldo et le Français Zidane, c’est-à-dire le meilleur joueur du monde et son dauphin officiel. Si, un peu plus tôt dans l'année, Zidane avait remporté un premier succès en étant sacré champion d’Italie, avec le Juventus, au détriment de l’Inter de Ronaldo, le vrai rendez-vous, tout le monde le savait, était prévu pour la finale du Mondial, où l’on allait enfin voir si vraiment le Français était en mesure de contester la suprématie du Brésilien.

Ronaldo, alors âgé de vingt-deux ans et déjà considéré comme l’un des plus grands joueurs de l’histoire, avait fanfaronné avant le tournoi, s’estimant capable de battre le mythique record de Just Fontaine (treize buts en une seule Coupe du Monde, en 1958). La réalité avait été plus rude, mais le Fenomeno n’avait pas démérité en étant l’auteur de quatre buts et de trois passes décisives - il avait également répondu présent en réussissant son penalty lors de la séance de tirs aux buts de l'intense demi-finale face aux pays-Bas. La finale allait lui permettre de mettre les choses au point - du moins le croyait-on.

Mais une heure avant le début du match, la rumeur se répand comme une traînée de poudre parmi les journalistes et s’étend vite à l’ensemble de la planète : Ronaldo ne jouera pas la finale, il ne sera que remplaçant, et Edmundo le suppléera à la pointe de l’attaque brésilienne. Panique mondiale pendant un quart d'heure, puis circule une seconde feuille de match, où Ronaldo est annoncé comme aligné à la pointe de l'attaque brésilienne. Bluff ? Couac ? Personne ne sait trop, et très vite, trop vite arrive l'heure du match. Ronaldo est bel et bien là, titulaire aux côtés de Bebeto et Rivaldo. Lors des hymnes nationaux, il arbore un air légèrement absent. Lorsque le match commence, il lui faut presque un quart d'heure avant de toucher pour la première fois le ballon. Muselé par la défense française, impuissant face à Barthez qui le mettra même littéralement KO après une sortie aérienne autoritaire, il traverse tout le match comme un fantôme, observant de loin son rival Zidane marquer deux buts et offrir la Coupe du Monde à la France.

Footballeurs à la sortie de l'hibernation.

Dès le lendemain, le bruit commencera à courir et le scandale à enfler : Ronaldo aurait été victime d’un malaise quelques heures seulement avant la finale, alors qu’il jouait aux jeux vidéos avec Roberto Carlos. Celui-ci serait sorti de leur chambre en criant « Il est en train de mourir ! » et tous les Brésiliens se seraient précipité auprès de Ronaldo, l’empêchant de s’étouffer avec sa langue avant de le conduire  l’hôpital où les examens ne révèleront rien. Diverses théories ont surgi, parlant de crise d’épilepsie, de malaise vagal ou de dystonie neurovégétative. Certains, même, évoqueront les effets secondaires du dopage, s’appuyant sur l’impressionnante augmentation de la musculature de Ronaldo durant les deux années qui avaient précédé et sur les bruits de couloirs qui faisaient du championnat italien l’antichambre de la recherche pharmaceutique et de l’optimisation de performance. On dira également qu’il n’était pas en état de jouer la finale, mais que c’est Nike, sponsor du joueur et de l’équipe du Brésil, qui avait insisté pour qu’il soit aligné.

Les versions contradictoires se succèderont, allant jusqu’à provoquer une large enquête au sein de la Fédération brésilienne de football, minée par la corruption et les pots-de-vin. Aujourd’hui encore, personne n’est en mesure de dire ce qui s’est vraiment passé dans la chambre de Ronaldo, quelques heures avant la finale contre la France. Ce qui s’est passé ensuite, en revanche, est connu. Après la défaite, Ronaldo connaîtra quatre ans de galère, quatre ans durant lesquels il ne jouera qu’une poignée de matches, enchaînant blessure sur blessure, étant même déclaré mort pour le football après une rechute de son genou, en 2000, six minutes seulement après avoir fait son retour sur un terrain. Depuis ses différents lits d’hôpital, réduit à l’impuissance, il regardera Zidane le déposséder de son titre honorifique de meilleur joueur du monde et remporter la Coupe du Monde, le Championnat d’Europe, la Ligue des Champions.

Quatre ans plus tard, Ronaldo réalise le plus grand retour de l'histoire du football, et, surtout,
dévoile au monde la coupe de cheveux dite de la "vulvette".


Et puis viendra la renaissance, en 2002, lors du Mondial asiatique. Ronaldo n’a quasiment pas joué depuis la précédente Coupe du Monde. S’il figure dans la sélection brésilienne, c’est presque une surprise. Son état de forme est incertain, et personne ne s’attend à grand-chose de sa part – après tout ce qu’il a traversé, c’est déjà bien qu’il soit là, se dit-on. Un mois et huit buts plus tard, Ronaldo, meilleur buteur du tournoi avec huit buts et vainqueur de la compétition, signera sa résurrection et refermera la parenthèse de ces quatre années de galère. Le malaise de 1998 était oublié, définitivement, et le Fenomeno était de retour, signature ultra-médiatique au Real Galactique à la clé. Mieux, encore : en 2006, un Ronaldo désormais trentenaire et largement bedonnant insrivait trois nouveaux buts, améliorant d'une unité le total de buts inscrits en Coupe du Monde (le précédent record, détenu par l'Allemand Gerd Müller, était de quatorze réalisations).

Le record : (qui sera peut-être battu par l'Allemand Klose dans les prochains jours...)



dimanche 8 juin 2014

Onze moments mythiques de la Coupe du Monde - 8 : Le coup-franc de Ronaldinho

Cet article est le quatrième d'une série consacrée à onze moments mythiques de l'histoire récente de la Coupe du Monde de football. Le reste du dossier est consultable sur cette page


La solitude.


En 2002, Ronaldinho n’est pas encore le plus grand gâchis du foot mondial, qu’il est devenu suite à son départ du Barça, alors qu’il n’avait que vingt-huit ans. Ce n’est même pas encore le meilleur joueur du monde, statut qui sera le sien grosso modo entre 2004 et 2007, durant son firmament barcelonais. En 2002, Ronaldinho est un jeune Brésilien très prometteur, qui s’est déjà signalé lors de la Copa America remportée en 1999 par les Auriverde, alors qu’il n’avait que dix-neuf ans, mais qui ne joue en Europe que depuis un an, au sein d’un PSG qui n’impressionne pas grand monde, et au sein de ce PSG quatrième de D1 (derrière Lyon, Lens et Auxerre), Ronaldinho, auteur de seulement neuf buts en championnat, ne brille que par intermittence.

Titulaire au sein de l’attaque de la Seleçao pendant le mondial 2002, il n’en est pas l’atout majeur, devant s’effacer derrière ses coéquipiers Rivaldo, ballon d’or en 1999, et surtout Ronaldo, qui signera lors de la compétition son grand retour en inscrivant huit buts et en s’adjugeant le titre de meilleur buteur. Mais Ronaldinho ne démérite pas, tenant dignement sa place dans le trident offensif d’une équipe du Brésil surtout solide en défense et au milieu du terrain.

Apocalypto II.

Lors du quart de finale qui oppose la Seleçao à l’Angleterre, le Brésilien rencontre David Seaman, trente-huit ans, gardien de but de la sélection anglaise et d’Arsenal avec lequel il vient d’être champion d’Angleterre, célèbre pour sa moustache et pour un but encaissé en finale de la Coupe des coupes 1995, face à Saragosse : un lob totalement impossible, réalisé par l’Hispano-Marocain Nayim, à la dernière minute des prolongations, venant donner la victoire à Saragosse :



Lorsque le Brésil obtient un coup franc excentré, côté droit, en début de la deuxième mi-temps, Seaman ne pense à Nayim. Il est vigilant. Parmi les Brésiliens, certains sont réputés bons joueurs de tête, comme les défenseurs Lucio ou Roque Junior, montés pour l’occasion, tandis que Ronaldo, déjà auteur de cinq buts dans le tournoi, rôde, à l’affût. Pour ne rien arranger, Ronaldinho, qui se prépare à tirer le coup-franc, est réputé bon centreur – Seaman n’a pas eu beaucoup d’occasions de le constater, mais il le sait. Il est sur ses gardes, il va falloir se lancer le plus vite possible vers le ballon, voler dans les airs pour essayer de s’en saisir avant les têtes brésiliennes.

L’arbitre siffle. Ronaldinho s’élance. Seaman fait quelques pas en avant, pour anticiper le centre. Le ballon part. Dès que le Brésilien l’a frappé, il s’est passé quelque chose d’étrange : le ballon est parti fort. Fort, et haut. A priori trop haut pour que quiconque puisse l’atteindre de la tête – d’ailleurs, attaquants et défenseurs, Brésiliens et Anglais stoppent leur effort. C’est le genre de centres trop longs qui terminent en sortie de but. C’est une occasion de gâchée pour le Brésil, alors que le score est toujours d’un partout. Sauf que…

Sauf que Seaman se souvient de Nayim. Il voit le ballon passer au-dessus de lui, puis redescendre très vite. Le premier, il comprend ce qui est en train de se passer. Il recule, à la hâte, puis saute, tente du bout des doigts de claquer le cuir au-dessus de la transversale. Peine perdue. Il est lobé, et le ballon entre dans le but. L’action est improbable : tout le monde s’attendait à un centre, d’ailleurs, ça ressemblait à un centre, à un centre raté, même, et c’est devenu un but, sans que personne ne touche la balle. Tandis que Seaman, vaincu, humilié, même, se débat avec le fantôme de Nayim, tandis que le Brésil se qualifie en remportant le match, une seule question est sur toutes les lèvres : Ronaldinho l’a-t-il fait exprès ?


Seman réconforté par David Beckham après la défaîte.

Tout et son contraire sera dit à ce sujet, chacun donnera son avis, coéquipiers, adversaires, commentateurs, et le joueur lui-même donnera des versions contradictoires, affirmant tantôt avoir juste raté son centre et été chanceux, prétendant plus tard avoir remarqué la position trop avancée de Seaman. Personne ne saura vraisemblablement jamais la vérité à ce sujet. 

Le coup franc :


samedi 31 mai 2014

Onze moments mythiques de la Coupe du Monde : Préambule.


Cet article a valeur de préambule d'une série consacrée aux moments récents les plus mythiques de la Coupe du Monde de football. Retrouvez les autres sur cette page.

Franz Beckenbauer disputant, le bras en écharpe, la légendaire demi-finale Allemagne - Italie de 1970 (4-3 pour l'Italie)

Depuis le début, ou presque, la Coupe du Monde regorge d’instants de légende, de moments mythiques, ressassés à l’envi. Ainsi, qui ne connait pas l’histoire du but de l’Anglais Hurst en finale de la coupe du monde 1966, qui n’était vraisemblablement pas valable ? Qui n’a pas entendu parler du doublé de Maradona (main de Dieu et but du siècle) contre l’Angleterre en 1986 ? Du France – Allemagne de 1982 avec l’attentat de Schumacher sur Battiston ? De Baggio ratant son tir au but en 1994 et précipitant ainsi la défaite de l’Italie qu’il avait lui-même hissée en finale ? De l’Allemagne et l’Autriche s'accordant pour faire match nul, éliminant ainsi l’Algérie, en 1982 ? De Pablo Escobar, défenseur colombien qui, après avoir marqué contre son camp, fut assassiné à son retour au pays ? De Pelé, et de sa passe aveugle pour Carlos Alberto en finale de la Coupe du Monde 1970 ?

Tous ces évènements, tragiques, comiques ou magnifiques, sont entrés dans l’Histoire de la plus prestigieuse compétition sportive au monde. Dans quelques jours, au Brésil, débutera une nouvelle édition de la Coupe du Monde de football : la vingtième. Et alors, pendant un mois, de nouveaux chapitres de la légende du Mondial s’écriront. A coup sûr.

Davor Suker prenant son pouls avant de tirer un penalty.

Pour preuve, onze moments récents. Onze, comme le nombre de joueurs dans une équipe de football. Récents, pour faire taire les ronchons, ceux qui marmonnent tout le temps que c'était mieux avant, parce que ceux qui pensent que la légende appartient aux temps passés, aux images en noir et blancs et aux courses saccadés des ailiers le long de la ligne, ils se trompent : la légende est en marche, elle ne cesse jamais de s’écrire. Le curseur a été fixé en 1998. 1998 est l’année où le peuple français s’est aperçu que la football existait – tout ce qui est arrivé avant n’a pas existé, ou presque, dans l’Hexagone. 1998 est également la première année où le Mondial a réuni trente-deux équipes – quatre ans plus tôt, en 1994, il  n’y en avait que vingt-quatre. 1998, encore, est la première coupe du monde diffusée sur Internet, la première scrutée aussi mondialement, la première où rien n’a pu échapper à personne. Enfin, 1998 est surtout la première des coupes du monde que j’ai moi-même pu suivre – en 94, je n’avais que cinq ans, et je m’intéressais alors à peu près autant au football qu’à la trigonométrie.

1998, 2002, 2006 et 2010, ça ne fait que quatre éditions, quatre éditions pour onze moments. Et pourtant, il a fallu en éliminer, des beaux et des tristes, des injustes et des somptueux. La tragique agression du gendarme Nivel par des hooligans allemands (1998), la prière collective des Brésiliens après la victoire (2002), la trahison de Cristiano Ronaldo faisant expulser Wayne Rooney, son coéquipier à Manchester United (2006) ou la cocasse opposition des frères Boateng, Jérôme avec l’Allemagne et Kevin-Prince avec le Ghana (2010) n’y ont pas trouvé place. Mais l'amateur trouvera quand même de la violence, de l’amour, de la triche, des coups du destin, des inspirations lumineuses et des scandales : tout ce qui fait la Coupe du Monde. En attendant, soyons sûrs que dès les prochains jours, les terrains brésiliens nous offriront d’autres de ces instants hors du commun. Ils seront l’œuvre des plus grandes stars, Messi, Ronaldo ou Neymar, ou bien d’anonymes, d’arbitres, de journalistes ou de spectateurs, d’entraîneurs, peut-être, de n’importe qui, en fait. Mais ils seront là, comme à chaque fois, et c’est eux qui placent la Coupe du Monde au-dessus de tout – oui, tout, absolument et très exactement TOUT.