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vendredi 17 octobre 2014

Onze moments mythiques de la Coupe du Monde - 1 : La main de Suarez


Cet article est le dernier d'une série de onze textes consacrés aux moments les plus cultes que nous a offerts la Coupe de Monde de football. Le reste du dossier est consultable sur cette page.


L'Uruguay monte au filet.
L'Histoire du football est émaillée de mains célèbres : on se souvient de celle de Maradona contre l'Angleterre, de celle de Vata contre Marseille ou encore de celles de Thierry Henry contre l'Irlande. Toutes ces mains ont deux points comuns : elles sont restées impunies et ont permis un but. C'est en cela que la main qui nous intéresse cette fois-ci, oeuvre de l'Uruguayen Luis Suarez, se différencie.

Nous sommes en 2010, la Coupe du Monde se dispute cette année en Afrique du Sud. Le monde entier découvre le vuvuzela, sorte de trompette en plastique qui produit une sorte de vrombissement dont le bruit, étouffant, sera la bande sonore de tout le Mondial. Cette édition, la 19ème, est surtout la première à se dérouler en Afrique. Les représentants du continent, pourtant surmotivés, se sont presque tous effondré dès le premier tour : Afrique du Sud, Nigeria, Algérie, Cameroun et Côte d’Ivoire ont été éliminés, laissant le Ghana seul représentant du continent noir aux huitièmes de finale. Opposés aux Etats-Unis, les Black Stars s’imposent après prolongation.

Soutenus par tout un continent, les Ghanéens voient maintenant se dresser face à eux l’Uruguay. En cas de victoire, ils deviendraient la première équipe africaine à atteindre le dernier carré d’un Mondial, dépassant du même coup de Cameroun et le Sénégal, tous deux éliminés en quarts de finale (respectivement en 1990 et en 2002). L’Uruguay, après avoir été l’équipe phare de la première moitié du vingtième siècle (vainqueur de la Coupe du Monde en 1930 et 1950, double champion olympique en 1924 et 1928), est progressivement rentré dans le rang, à tel point que sa dernière demi-finale remonte à 1970. Sur le papier, il n’y a pas véritablement de favori, même si toute la planète espère secrètement que le Ghana se qualifiera.

Suarez, quelques minutes avant d'entrer dans la légende.

Le match est animé. Juste avant la mi-temps, Muntari ouvre le score pour le Ghana. Forlan lui répond en deuxième période. Chaque équipe vit des temps forts, obtient des occasions, mais sans réussir à marquer un second but. Commencent les prolongations, et le Ghana se met à pousser de plus en plus fort. Dans les ultimes secondes de la partie, la défense uruguayenne ne parvient plus à dégager le ballon, et les Ghanéens frappent plusieurs fois au but. Quand ce n’est pas le gardien, Muslera, qui s’interpose, ce sont des joueurs uruguayens postés sur la ligne de but qui sauvent leur camp. Jusqu’au coup de sifflet de l’arbitre : sur une dernière tête qui avait trompé Muslera, le jeune attaquant Luis Suarez avait arrêté le ballon sur la ligne en s’aidant de la main. La double sanction est immédiate : carton rouge pour Suarez, et penalty pour le Ghana.

L’arbitre a appliqué le règlement à la lettre, et la Ghana obtient une occasion en or : le penalty sera la dernière action de la rencontre, c’est une balle de match pour les Black Stars. Si Gyan Asamoah le marque, l’équipe sera qualifiée. Gyan s’élance, frappe… et le ballon heurte la barre. L’arbitre siffle la fin du match. Un partout, il faudra donc en passer par les tirs au but, et malgré le courage de Gyan, qui, quelques instants après son raté si lourd de conséquence, trouvera la force de réussir son nouveau tir et de mettre son équipe sur la bonne voie, l’Uruguay, dopé par ce final chanceux, s’imposera et se qualifiera en demi-finales.

Suarez, lui, devint un héros et un paria à la fois. S’il n’avait pas mis la main, le Ghana aurait marqué et aurait été qualifié. Il a préféré se sacrifier et sauver les siens de façon irrégulière, en se disant qu’il valait mieux un carton rouge et un penalty qu’un but à la dernière seconde. L’arbitre l’a sanctionné, et si Gyan avait réussi son tir, tout le monde aurait vite oublié l’incident. Mais Gyan a raté, et l’Uruguay s’est qualifié, et si l’Histoire a donné raison à Suarez, la morale l’a largement accablé – toute la bien-pensance footballistique se rejoignant pour fustiger, sur les plateaux de télévision, les images d’un Suarez tout juste expulsé mais déjà exultant au bord du terrain après l’échec de Gyan. On trouva même des directeurs de consciences assez hardis pour avancer que plutôt qu’un penalty, le Ghana aurait dû bénéficier d’un but – alors même que le ballon n’avait pas franchi la ligne. Il y eut aussi des exégètes assez inspirés pour comparer l’interdit de la main au football à celui de la masturbation dans la religion. Le résultat ne changea pas : le Ghana était éliminé, à la déception générale, et l’Uruguay, parfait dans le costume du méchant, se qualifia pour une demi-finale où il perdit contre les Pays-Bas.

Le triomphe du héros.

L’issue de ce coup de sort (que Suarez lui-même qualifia de « plus bel arrêt de la Coupe du Monde ») est un pied de nez formidable au règlement et aux avantages que sont supposées apporter diverses situations. On imaginait mal, avant ce match, qu’une équipe sanctionnée d’un penalty et d’un carton rouge à la dernière minute de prolongations, puisse réussir à renverser le cours des évènements et s’imposer au finish.

Plus encore, cette action, et la controverse sans fin qu'elle engendra, montra une fois de plus que le football était un immense réceptacle à fantasmes et un vaste prétexte à débat. Ne croyez pas les amateurs de football quand ils vous disent que ce qu'ils recherchent, c'est le beau jeu. Le beau jeu, ils l'aiment, oui, mais ce n'est pas ce qu'ils préfèrent. Ce que veulent vraiment les spectateurs de football, c'est la dramaturgie, et son incroyable richesse. Qu'il ait fallu attendre 2010 pour assister à une situation telle que le final de cet Uruguay - Ghana montre bien que les situations potentielles que peut offrir un match de football sont sans fin, amplifiées et multipliées par la circonstance exceptionnelle que constitue une Coupe du Monde.

Le délit et sa sanction :



mercredi 11 juin 2014

Onze moments mythiques de la Coupe du Monde - 5 : Le fiasco de Knysna

Cet article fait partie d'un dossier consacré à onze moments mythiques de l'histoire récente de la Coupe du Monde de football. Les autres sont accessibles sur cette page.


Sans commentaire.

En 2010, tout était très mal parti, dès le début, pour l’équipe de France. 

La qualification avait été laborieuse : deuxième de leur groupe derrière la Serbie, les Bleus avaient dû passer par les barrages pour rejoindre l’Afrique du Sud, et ils n’avaient alors dû leur salut qu’à un but de William Gallas entaché d’une main grossière de Thierry Henry vue par tout le monde sauf l'arbitre, au cours de la prolongation du match retour face à l’Irlande. Le sélectionneur, Raymond Domenech, devenu la risée du pays après sa demande en mariage à Estelle Denis à l’issue de l’élimination de l’Euro 2008, disputait à Sarkozy le titre d’homme le plus détesté de France, le jeu pratiqué était médiocre, l’un des meilleurs joueurs de l’équipe, Lassana Diarra, devait déclarer forfait pour le Mondial (pour cause de coliques à répétitions), et quelques semaines avant le début de la compétition avait éclaté l’affaire Zahia : une call girl avait révélé avoir eu des relations tarifées avec plusieurs joueurs cadres des Bleus, dont Ribéry et Benzema, et ce alors qu’elle était encore mineure. Pour ne rien arranger, la campagne de matches amicaux qui avait servi à préparer l'épreuve durant les semaines qui avaient précédé la Coupe du Monde s'était achevée sur une défaîte honteuse concédée contre... la Chine, même pas qualifiée pour le Mondial sud-africain.


Je vous ai compris.

C’est donc dans un climat déjà très lourd que les Français étaient partis en Afrique du Sud, pour disputer le Mondial - sans Lassana Diarra, forfait, donc, mais également sans Karim Benzema, ni Samir Nasri, jugés fauteurs de troubles en puissance, et donc écartés par Raymond Domenech. Les attendaient Knysna, où ils avaient décidé d’établir leur camp de base, et six semaine de huis clos et de réclusion, avec pour seul contact avec l’extérieur la présence, massive et sauvage, de hordes de journalistes prêts à tout pour mettre à feu et à sang le groupe et vendre leur papier.

Le premier match s’était soldé par un nul, zéro zéro, face à l’Uruguay, et la presse avait fait ses choux gras de l’absence de jeu des Tricolores. La seconde rencontre, face au Mexique, avait vu la défaite des Bleus, 2 – 0. La faillite collective avait été encore plus criante : les joueurs ne jouaient pas bien, pas ensemble, voire pas du tout. Alors que les médias commençaient à se faire l’écho des dissensions au sein du groupe (Ribéry, Gallas, Anelka et quelques autres auraient fait de Gourcuff leur bouc émissaire), L’Equipe frappe un grand coup, en titrant « Va te faire enculer, sale fils de pute », propos attribués à Nicolas Anelka à l’encontre de Domenech. L’affaire provoquera un tollé en France, et la Fédération décidera, à la suite de cette révélation, d’exclure Anelka de l’équipe.

L'objet du délit.
La suite a fait le tour du monde : après des piteuses explications de Domenech et Ribéry (en tongs) sur le plateau de Téléfoot, dans une séquence à la tension palpable, les Bleus refuseront de descendre du bus pour s’entraîner, pour protester contre l’exclusion de leur coéquipier, forçant leur sélectionneur à lire lui-même à la presse le communiqué expliquant que les joueurs de l'équipe de France étaient grévistes. Le scandale deviendra national, les ministres présents sur place, Roselyne Bachelot et Rama Yade, condamneront l’évènement, et l’Assemblée Nationale consacrera un débat animé à la gestion du « fiasco de Knysna ».

Pour ne rien arranger, la France perdra son dernier match, contre l’Afrique du Sud et sera éliminée. Thierry Henry sera personnellement convoqué à l’Elysée par un Sarkozy avide d'explications, et tous les joueurs présents dans le bus seront sanctionné d’un match de suspension, voire plus pour certains d’entre eux (Evra, Anelka, Toulalan, Gallas). Tout touriste français parti à l’étranger durant l’été 2010 s’en souvient : il a fallu, cette année-là, affronter nombre de "so you're French ? what happened in this bus ?", il a fallu assumer cet évènement catastrophique face à l’incompréhension du monde entier. Et la question reste entière. What happened in this bus ? Quatre ans plus tard, on ne sait toujours pas.

Jean-Pierre Escalettes, le président de la Fédé, et Patrice Evra, visiblement pas
sur la même longueur d'onde.

On sait que les tensions dans le groupe étaient exacerbées, qu’une guerre des clans faisait rage. On sait que Ribéry était jaloux de Gourcuff et le traitait en souffre-douleur. On sait que Gallas était vexé qu’Evra lui ait été préféré pour le poste de capitaine. On sait que Thierry Henry, devenu remplaçant, s’était mis en retrait du groupe. On sait que Toulalan, traumatisé, ne révèlera jamais ce qu’il a vu à Knysna. On sait que Robert Duverne, le préparateur physique, excédé, faillit en venir aux mains avec Patrice Evra et, de rage, lança son chronomètre au loin. On sait que Domenech ne contrôlait plus rien depuis longtemps mais faisait semblant du contraire. On sait qu’Evra, devenu paranoïaque, était persuadé qu’une taupe sévissait dans le vestiaire des Bleus. On sait que la phrase exacte d’Anelka, de laquelle tout était parti, était en fait « Va te faire enculer avec ton système de merde ». On sait que des vingt-trois français, aucun ne descendit du bus pour s’entraîner, et que c’est Domenech qui dût lire le communiqué rédigé par l’agent de Toulalan et qui expliquait que les joueurs refusaient de s’entraîner.

"Voici la liste des prochains morts de Game of Thrones. Si vous commencez à m'emmerder, je balance tout."

Pourquoi, donc ? Parce que l’autarcie dans laquelle vivait le groupe, retranché dans un hôtel de luxe et cerné par les journalistes, avait transformé les Bleus en Lofteurs, et qu’il était insupportable, pour eux, de voir les faits secrets d’un vestiaire étalés à la Une de la presse. Parce qu’il y avait effectivement une Cabbale contre l’équipe, à ce moment-là, orchestrée par la presse. Parce que personne, à part Domenech, n’était en droit de demander l’exclusion d’Anelka, et que la Fédération, lâchant son équipe, avait outrepassé ses droits sous la pression populaire. Parce que tout était déjà vérolé, depuis le début.





vendredi 6 juin 2014

Onze moments mythiques de la Coupe du Monde - 10 : Le baiser de San Iker et Sara Carbonero

Cet article est le deuxième d'une série consacrée au moments récents les plus mythiques de la Coupe du Monde de football. Les autres sont accessibles sur cette page.


Pyrame et Thisbé


Les polémiques nées de conflits d’intérêts entre la proximité des journalistes avec le pouvoir sont légions. On se souvient ainsi des mises en retrait de Béatrice Schönberg ou Audrey Pulvar, lorsque leurs compagnons Jean-Louis Borloo et Arnaud Montebourg ont fait leurs entrées respectives au gouvernement. C’est également le lot du sport. On se souvient, en France, de la période où Raymond Domenech était sélectionneur et où sa compagne, Estelle Denis, présentait 100% Foot, sur M6, une émission durant laquelle le coach des Bleus était souvent brocardé par les chroniqueurs, Pierre Ménès et Dominique Grimault. Si le professionnalisme d’Estelle Denis permit pendant longtemps le bon déroulement de l’émission, c’est à Raymond Domenech qu’on doit le moment le plus célèbre de cette collusion : lors de l’Euro 2008, juste après l’élimination française à l’issue du dernier match de poules perdu face à l’Italie. Au micro que lui tendant un journaliste, le sélectionneur annonça que son seul projet était « d'épouser Estelle ». On imagine la gêne d’Estelle Denis reprenant l’antenne quelques instants pus tard.

En Espagne, c’est en 2010 qu’a lieu un incident équivalent. Sara Carbonero, jeune femme de vingt-six ans, est journaliste de la chaîne Telecinco, journaliste sportive. L’année précédente, c’est elle qui a couvert la Coupe des Confédérations, et, forte de son titre de « plus belle journaliste sportive du monde » décerné par le magazine FHM en 2009, elle devient la vedette du service des sports de Telecinco. Lors de la Coupe du Monde 2010, en Afrique du Sud, elle suit tous les matches de l’Espagne depuis le bord du terrain. L’équipe espagnole, la Roja, championne d’Europe deux ans plus tôt, est l’un des principaux favoris de la compétition, avec l'Allemagne et le Brésil.

Bienvenue au pays des soeurs Cruz.
Problème, dès le premier match, l’Espagne s’incline, un à zéro et à la surprise générale, face à la Suisse. Sara Carbonero se retrouve sous le feu des critiques, accusée par certains journaux d’avoir causé la défaite espagnole : sa présence au bord du terrain aurait distrait Iker Casillas, gardien et capitaine de la Roja. Car voilà : à la ville, Sara et Casillas sont en couple, et tout le monde a beau connaître le sérieux de l’implication de Casillas, n’importe quel homme ayant posé les yeux sur Sara ne peut que constater qu’elle peut distraire n’importe qui n’importe quand.

Dans la réalité, il n’en est rien, et Casillas, qui n’avait déjà pas grand-chose à se reprocher sur ce but encaissé face à la Suisse, n’encaissera qu’un seul autre pion de toute la compétition. L’Espagne, de son côté, battra le Honduras et le Chili en poules pour se qualifier au second, où elle éliminera successivement le Portugal, le Paraguay et l’Allemagne pour se hisser jusqu’en finale, où, au bout de la compétition, elle triomphera des Pays-Bas pour s’offrir son premier sacre mondiale. La Roja, éternelle favorite jamais titrée, souvent moquée et qualifiée de « championne du monde des matches amicaux », s’installera enfin sur le toit du football mondial. Pendant longtemps, l’Euro 1964 avait été le seul trophée de la sélection espagnole. Il fallu l’éclosion de la génération de Casillas, Xavi, Iniesta, Puyol et Sergio Ramos pour enfin dépoussièrer l’armoire à trophées et empiler l’Euro 2008, le Mondial 2010 et l’Euro 2012.

Ce n’est qu’au soir de la victoire espagnole que l’on réentendit parler de Sara Carbonero. Durant la compétition, elle s’était volontairement faite discrète, pour ne plus embarrasser Casillas. Elle avait même cédé son statut de principale vedette people à un mollusque, le poulpe Paul, pensionnaire de l’aquarium d’Oberhausen en Allemagne et auteur d’un sans-faute en pronostiquant sans aucune erreur tous les matches sur lesquels ses soigneurs l’interrogèrent, même la victoire finale de l’Espagne sur les Pays-Bas.

Tiens, une scène coupée de Game of Thrones !
C’est à l’issue de ce match, de ce succès difficile et cripant (un zéro pour l'Espagne, après prolongation et au terme d'un match musclé, âpre, tendu, parfois violent, même), que Sara se retrouve face à Casillas. Entre eux, un micro. Sara n’est pas, comme des millions d’Espagnols, entre train de fêter la victoire. Elle travaille. Face à elle, ce n’est pas son compagnon, c’est le capitaine de la Roja, et elle doit l’interviewer, lui, son Iker, auteur d'un arrêt décisif dans la partie face au Hollandais Robben. Casillas, médaille d’or autour du coup, joue le jeu, répond à deux questions. Puis craque, comme Domenech, et se jette sur Sara pour l’embrasser. Contrairement à Domenech, il avait gagné, et plus personne ne voulait savoir si oui ou non la présence de Sara au bord du terrain l’avait gêné. Les vainqueurs ont toujours raison.

L'acte : 



Note : Sara et Iker sont tous les deux attendus ces prochaines semaines, au Brésil, pour de nouveaux épisodes de leur love story. Sauf que cette fois, l'Espagne ne gagnera pas...