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samedi 2 janvier 2016

L'année 2015 en affiches

Comme l'année dernière, un petit retour sur l'année passée en quelques affiches correspondant à des temps forts du grand cinéma médiatico-politique hexagonal.


10 : Sur la pointe des pieds



Très attendu, Sur la pointe des pieds a décontenancé les fans de son interprète principal. Loin des rôles de winners forts en gueule qu'il a incarné par le passé, Nicolas Sarkozy se retrouve cette fois-ci dans la peau d'un personnage beaucoup plus pathétique, jouet d'un destin farceur qui le fait passer par tous les tourments et aide à révéler à la face du monde toute l'étendue de sa petitesse. De la même façon, ce qui s'annonçait un blockbuster tonitruand s'avère finalement plus caustique et plus décadent que ce que l'on aurait pu imaginer. Aux côtés d'un Sarkozy virevoltant d'opportunisme, de morgue et de mauvaise foi, l'ensemble de la distribution est au diapason, dans ce qui constitue assurément le film le plus vulgaire de l'année. 



9 : Arnaud et Aurélie


"Et vous, jusqu'où irez-vous par amour ?" Telle est la question mainte fois posée par les deux héros de cette belle surprise. Sorte de Bonnie and Clyde bourgeois, lettré et engagé mais aussi très ironiquement statique, ce film n'est pas avare en séquences comiques (voir la scène où Arnaud Montebourg fait son entrée au Conseil de Surveillance du groupe Habitat, grand moment d'improvisation) mais réussit toujours à tirer une petite larme émouvante à son spectateur. Aurélie Filipetti, solaire et inaccessible, est une vraie révélation.



8 : The J.K. Ruling


Après les succès, ces dernières années, de The J.K. gate, de The J.K. scandal, de The J.K. rises et de The J.K. undies, on aurait pu imaginer que le filon finirait par se tarir. C'était sous-estimer l'ingéniosité de la production, qui nous envoie, avec ce The J.K. ruling, encore une livraison de qualité. Pour la cinquième fois, Jérôme Kerviel endosse ce rôle de trader changé par les épreuves de la vie, et toujours épaulé par son excellent camarade David Koubbi (l'un des meilleurs seconds rôles actuels) ainsi qu'un casting toujours plus inventif : une apparition du Pape François, quelques extraits avec Christine Lagarde... Satire du monde de la finance, de la justice et du pouvoir menée tambour battant, The J.K. ruling réussit à tirer son épingle du jeu par sa parfaite maîtrise des codes liés au genre et à l'inventivité de son scénario. Chapeau.




7 : I Will Survive


S'inscrivant dans la lignée des grandes thématiques propres au cinéma de Brian De Palma (quête de l'image manquante, film Zapruder, matrice hitchcockienne, banalité du mal, lutte pour le pouvoir), cet hommage déguisé en thriller en milieu sportif est haletant de bout en bout. Le prétexte, une prétendue vidéo érotique que tout le monde cherchera sans jamais la voir, est vite évacué au profit d'un suspense de tous les instants. Le casting, plein de surprises, a été merveilleusement orchestré, et tout, jusqu'à la plus petite ligne de dialogue (les scènes de garde à vue de Karim Benzema, du Audiard revu sauce Jamel), retient l'attention. I Will Survive, bien qu'un peu tard, vient enfin donner ses lettres de noblesse au film sportif français.




6 : The Troll Machine


Après avoir créé la surprise l'année dernière dans une comédie familiale corrosive (Gencive World), Jean-Marie Le Pen revient dans le genre qui a fait sa gloire : le brûlot comico-nihiliste. Dans The Troll Machine, ce glorieux vétéran de la pantalonnade franchouillarde endosse une nouvelle fois ses habits fétiche d'homme seul contre tous, de croisé, trahi de tous côtés y compris par sa propre famille, mais plein de panache et tellement haineux que rien ne semble vraiment le toucher. L'acteur s'en donne à coeur joie, que ce soit dans les dialogues (absolument odieux, et qu'il aurait écrits lui-même) ou dans la pantomime (son salut face à la foule, le 1er mai, est un moment que n'aurait pas renié Blake Edwards), et en vient presque à éclipser ses partenaires dans les rares scènes où il condescend à les faire apparaître. One-man-show vitupérant, affreux, sale et méchant, The Troll Machine est aussi une oeuvre à la débauche d'énergie telle qu'on en sort littéralement épuisé. Une expérience esthétique aux confins de la gauloiserie.



5 : Ne pleure pas, Jeannette


On attendait avec une certaine crainte les premiers films de l'après-Charlie. Allait-on avoir droit l'émergence d'une vague réactionnaire et belliqueuse, ou au contraire à quelque chose de plus fin, de plus torturé ? Ne pleure pas, Jeannette prend l'heureux parti de se situer, délibérément, du côté de l'intime. Avec la rocambolesque histoire de veuvage de son héroïne, ce sont les non-dits d'une famille, et par-là de la société française toute entière que le film interroge, en plus de réaliser un splendide portrait de femme. Magnifiée comme jamais, Jeannette Bougrab offre une partition vibrante dans ce rôle de belle inconsolable, telle une Juliette survivante et persécutée par les Montaigu. En dépit du titre, on pleure beaucoup.



4 : Plus blanc que blanc


On n'a jamais vraiment su faire des films de gangsters, en France, ni de film de mafia, d'ailleurs (à part Melville). Il semblerait que les choses soient en train de changer avec Plus blanc que blanc, qui raconte la succession d'une génération à une autre à la tête d'un important gang français. Nouvelle époque, nouvelles méthodes, les anciens sont dépassés quand les jeunes volent de succès en succès. Après s'être illustrés dans des productions jusqu'ici plus marginales (ou moins ambitieuses), Marine Le Pen et Florian Philippot font leurs débuts de vedettes dans ce film de prestige, et marquent durablement les esprits. A la fois séduisants et inquiétants, épatants de cynisme et de duplicité, ils forment un couple mémorable qui ensorcelle littéralement le spectateur pour le rendre finalement complice des pires horreurs. Un vrai grand film, qui interroge durablement notre moralité.



3 : Comment je me suis retrouvé du mauvais côté du trou de balle...


Encore un film qui ne payait pas de mine, et qui aura passionné des millions de spectateurs à travers toute la France. Michel Platini, ex-jeune premier abonné aux rôles physiques dans les années 80, fait ici son grand retour dans la peau d'un politicien aux portes du pouvoir (on pense parfois à Dominique Strauss-Kahn) qui se trouve embarqué dans une lutte avec son ancien mentor (on pense parfois au Retour du Jedi) avant finalement de tout perdre : son travail, sa carrière, son honneur et sa réputation. On craint parfois que la surenchère à laquelle se livre les scénaristes n'ait raison de notre patience, mais c'est sous-estimer la finesse avec laquelle a été pensé Comment je me suis retrouvé..., qui ne déçoit jamais, et offre certains prolongements littéralement jubilatoires à ce qui aurait pu n'être qu'une banale histoire de descente aux enfers d'un ex-puissant.



2 : Imblairable


Encore une histoire de mec misanthrope et érudit qui vit dans la détestation du monde qui l'entoure ? Hé oui, encore une. Mais celle-ci, pour une fois férocement en prise avec notre époque, réussit deux petits exploits : premièrement, elle parvient à maintenit un débat d'une rare bonne tenue (et d'une relative haute volée, on n'avait plus lu ça depuis Lincoln) et deuxièmement, l'originalité du personnage (un type qui a raison mais se comporte comme s'il avait tort) génialement interprété par celui que Houellebecq qualifiait d'"indigent graphomane" en l'imaginant interpréter un Diogène dans La Possibilité d'une île, et sur lequel le film repose beaucoup. Evitant l'écueil du film bavard qui semblait lui tendre les bras (il y a ce que disent les personnages, certes fort diserts, et ce qu'ils font, souvent différent et toujours plus brutal), se terminant en beauté (le gag du mug !), et ne rechignant pas à s'inscrire de plein pied dans notre histoire contemporaine, Imblairable s'impose comme l'un des meilleurs divertissements satirico-existentiels depuis les premiers Desplechin - ou comme si Tarkovski rencontrait Poelvoorde. C'est beaucoup.




1 : Le Patron


Sorte de réponse française au Discours d'un roi britannique et multi-oscarisé sorti il y a quelques années, Le Patron est une fresque noire et tragique, mais aussi sèche, et drôle, sur les coulisses du pouvoir, et sur la façon dont un homme ordinaire, normal, endosse finalement les habits de sauveur de la nation pour devenir un véritable chef de guerre. Dans un rôle à la Tom Hanks, François Hollande, jusqu'à présent plus connu pour ses talents comiques (toujours présents, cependant, comme dans la scène du guano) domine de la tête et des épaules une distribution prestigieuse. Qu'il s'agisse de l'impressionnante adresse à un Parlement littéralement hypnotisé, des réunions de crise en pleine nuit avec Manuel Valls (formidable lui aussi, dans un rôle type "l'homme le  plus sérieux du monde"), Bernard Cazeneuve et Christiane Taubira ou de cette tendre accolade avec Angela Merkel, on est constamment dans l'édification d'une Histoire, comme si chaque plan correspondait à un alinéa d'éternité et qu'il s'agissait de figer la geste de ces hommes et ces femmes rompus à l'exercice de l'Etat, ici saisis dans toute la dimension crisique de leur quotidien. Un chef d'oeuvre.

dimanche 15 novembre 2015

Vendredi 13 novembre 215 : Deuxième déflagration



Saleté de putain de bordel de merde.

De temps en temps, il faut le dire. Et parfois, même le vocabulaire le plus ordurier qui soit n'est pas suffisant pour décrire l'ignominie qui se produit en face même de chez nous.

Ils ont osé ! Ce n'était pas assez, d'être venus nous prendre Cabu, Wolinski et les autres en même temps que notre innocence en ce triste matin de janvier. Ce n'était pas assez, d'avoir fait montre de l'antisémitisme le plus rance deux jours plus tard. Ce n'était pas assez, de l'infâme Mohamed Merah, du malade du Thalys, des sinistres frères Kouachi, de Mehdi Nemmouche le dégueulasse et de cette ordure de Coulibaly.

Non, il en fallait encore aux fous de Dieu, il leur fallait plus, plus grand, plus fort. Leur "score" de ce 13 novembre 2015 restera dans les annales du terrorisme en France. Jamais nous n'avions connu cela sur notre sol, jamais personne ne l'avait osé.

Ils ont osé. Ils, qui sont-ils ? C'est la question qui va agiter le pays durant les jours qui vont venir. Car derrière les noms, prénoms, dates de naissance et autres antécédents judiciaires que les enquêteurs découvriront au fur et à mesure de leurs progrès, c'est la question de leur identification qui risque de déchirer la France, entre ceux qui y verront une religion, ceux qui y verront une couleur de peau, ceux qui y verront une toute petite minorité, ceux qui y verront une multitude grouillante et surarmée, ceux qui y verront une fatalité consternante, ceux qui y verront un complot fomenté par qui les arrangera, ceux qui y verront leur voisin et ceux qui y verront leur reflet.

La tenue des élections régionales, dans un mois, avec le résultat historique que l'ont devine pour le Front National (la victoire de Marine Le Pen en Nord-Pas-de-Calais-Picardie est l'une des conséquences les plus prévisibles de la soirée du 13 novembre, avec l'absence de Benzema à l'Euro) va permettre très vite à l'indécence de reprendre le dessus sur le recueillement, et la classe politique va férocement s'attaquer à la récupération du charnier du Bataclan. Et évidemment, ce sera l'occasion de remettre sur la table les traditionnels débats, avec les traditionnels amalgames, les traditionnels procès en sorcellerie et les traditionnels délits de sale gueule. Sauf surprise, nous n'avancerons sur rien, et les regards suspicieux vont pourtant fleurir ces prochaines semaines à l'endroit de quiconque aura la peau un peu trop mate, car on ne coupera pas au jugement public de ceux qui seront soupçonnés de ne pas être assez Charlie, comme on dit, et qui auront en permanence et ad nauseam à se justifier de leur croyance ou de leur prénom. 

La France est un pays meurtri. Elle est confrontée à une situation inédite dans son histoire : il y a, en son sein même, un petit groupe de quelques milliers de personnes, qui ont juré sa perte, par tous les moyens. Ce petit groupe est invisible, il se cache, il est armé, entraîné, endoctriné, fanatisé, mais disséminé, nébuleux, fuyant, ils sont parmi nous, nous les croisons tous les jours sans arriver à les reconnaître, et eux, ils nous haïssent. On ne peut pas défoncer une porte, et tous les trouver, toute la bande de connards, d'un coup, réunis, attablés, et tous les canarder, d'un coup, ce serait trop facile. 

Notre seul ennemi identifiable, c'est la bêtise. La bêtise qui pousse à la haine au point de croire qu'en commettant un massacre de masse, on gagne sa place au paradis, cette bêtise-là est immense, elle est infinie, et c'est ce qui la rend si difficile à combattre. A-t-on déjà eu en face de nous un ennemi aussi bête ? Même ce synonyme d'horreur absolue qu'est le Troisième Reich apparaît finalement davantage comme un cas extrême de perversion que de bêtise. Les djihadistes qui ont frappé Paris, apparemment liés à cet étron de Daesh commandé par le pou barbu Al-Baghadi, aspirent à un monde archaïque, moyen-âgeux. Leur horizon est nul. Leur vision du monde aussi étroite que limitée. Ce sont des hommes que la bêtise a vaincu. La lie de l'humanité.

C'est un combat que nous gagnerons. C'est un combat qui sera dur, qui sera âpre, qui sera long et pourra nous sembler parfois vain, mais nous le gagnerons, car la France finit toujours par triompher de l'abjection. Ce qui nous sera demandé, c'est cette même dignité dont nous avions tous fait montre lors de la marche républicaine du 11 janvier dernier, cette longue procession silencieuse et recueillie, parfois seulement agitée par une salve d'applaudissement ou une Marseillaise aux allures d'oraison funèbre. La France n'est pas une origine ni une religion, elle n'est pas une couleur de peau, ni même une langue, elle est la volonté, plus grande que tout, de vivre ensemble, et ce n'est pas eux, ces quelques petits caïds, qui parviendront à contrarier ce dessein, le plus beau et le plus ambitieux.


Quelques images resteront de cette soirée, comme autant de nuances du drame vécu par tous durant ces heures maudites. Ces images resteront comme les pointillés d'une nuit décousue, traumatisante (les paroles des premiers témoins interrogés étaient saisissantes, tous répétaient "je suis traumatisé", comme s'ils anticipaient le traumatisme à venir du pays tout entier), une nuit noire, la nuit d'un massacre. 

La première image, c'est celle du Stade de France, quand une détonation retentit, en plein match France - Allemagne. La caméra capte le regarde de Patrice Evra, interloqué, jadis capitaine conspué, aujourd'hui l'un des premiers à avoir remarqué qu'il se passait quelque chose, éternelle Cassandre, et le match qui continue dans une insouciance qui ne sait pas qu'elle vit ses derniers feux. 

Il y a ensuite celle de François Hollande, intervenant depuis l'Elysée alors que la prise d'otages était encore en cours au Bataclan. Marqué, ému, mais en même temps ferme et déterminé, il était aussi bon, calvitie mise à part, qu'un président américain. Son rôle devra être immense durant les prochains mois.

Il y a aussi celle de ces gens suspendus aux fenêtres derrière le Bataclan, cachés là parce qu'ils n'y avait pas d'autre endroit où fuir les assassins venus pour tuer Paris, terrorisés, retenus au-dessus du vide par la force de leurs bras épuisés, livrés aux peurs les plus primitives et les plus totales, infimes silhouettes ô combien vulnérables que nous suppliions à distance de parvenir à s'accrocher jusqu'au bout.

Celle des hommes du Raid dans les minutes qui précédaient leur assaut pour libérer les otages au Bataclan, dans leurs combinaisons, mitraillettes-lasers, que les écrans télés voyaient se succéder au milieu d'un décor de jungle urbaine poussé à son paroxysme par les éclairages nocturnes et le lourd silence qui baignait durant ces heures brûlantes les rues terrifiées de Paris martyrisé.

Celle de Sylvestre, arrivé en retard au match et sauvé par son portable, passé deux fois sur i-Télé, la première encore sous le choc, s'exclamant "c'est de la chair humaine" en montrant sa jambe, puis une heure plus tard, calmé et disposé à raconter son histoire, sans chichi, sans compensation, sans revendication, sans rien demander à personne, juste disposé à raconter son histoire et puis à renter chez lui, au calme, après un dernier long regard dans lequel il était possible de lire le monde entier. Je crois que tout le monde l'a bien aimé, Sylvestre, il avait la gravité et la décence qui convenait au moment, l'humilité des miraculés. Vendredi soir, il était la France.

Celles de cette procession sans fin de brancards poussés entre des formes recouvertes de draps que l'on savait être des cadavres, dans ce qui avait jadis été, il y a très longtemps, il y a une éternité, la terrasse d'un café du onzième arrondissement, et à présent envahi par la foule des morts.

Celle de cet homme chauve qui se tenait la tête entre les mains, à la sortie du Bataclan, immobile, hébété, alors que les rescapés étaient évacués à côté de lui. Il avait perdu un ami, ou sa femme, ou son frère, ou juste ses illusions et trois litres de sueur, mais à cet instant, il était comme chacun de nous devant sa télévision : il avait tout perdu.

Celles de ces innombrables messages "ça va ?", "tout va bien", "je suis en sécurité", "répondez", "où es tu" qui se sont succédés d'un bout à l'autre de la soirée sur les écrans des téléphones portables dans toute la région parisienne, avec à chaque fois cette angoisse terrible quand la réponse tardait, et, parfois, l'inimaginable au bout du fil.

Celles de cette virée en pays d'horreur, quelques heures durant, et du pénible retour à la réalité, celle d'un lendemain blessé, un lendemain où il faudra apprendre à composer sans tous ceux qui y seront restés, un lendemain qui ne chante pas, qui pleure, qui pleure sur la bassesse, l'abjection et la lâcheté de ceux qui ne sont pas en mission commandée pour le compte de Dieu mais bel et bien au service de l'ignorance et de la bêtise, du néant. Ceux que la République, tôt ou tard, rattrapera.

Saloperie de putain de bordel de merde.


jeudi 6 août 2015

Blockbusteromètre : saison 1, épisode 1 - Terminator Genisys

Alan Taylor, 2015.

Première superproduction à passer à la moulinette du Blockbusteromètre cette année. On va enfin savoir ce que les robots ont dans le bide.

To be or not to be.

1 : Originalité nanarde du pitch : 5/10
Dans ce cinquième film de la saga Terminator, le leader de la rébellion contre les machines, John Connor, envoie son bras droit dans le passé pour sauver sa mère mais évidemment, les machines ne l’entendent pas. Robots tueurs, voyages temporels, on est en plein dans l’univers créé par James Cameron en 1984. Rien de franchement nouveau sous le soleil, même si on est toujours content de retrouver ces thèmes improbables.

2 : Efficacité du placement de produits : 6/10
Avec une intrigue comme celle de Genesys, pas évident de mettre de la réclame sur la pellicule. Heureusement, les producteurs ont consciencieusement épluché les quatre volets précédents, et ont se sont aperçu que les voyages dans le temps ne pouvaient se faire qu’intégralement nu. L’occasion pour Kyle Reese, envoyé en 1984, de piquer une paire de Nike au détour d’une course-poursuite.

3 : Quotient pyrotechnique : 4/10
On ne va pas se mentir, ça castagne à tout va dans ce dernier Terminator.  Mais quitte à faire dans la franchise, autant reconnaître qu’Alan Taylor, le réalisateur, venu de la télé, n’est pas un expert dans l’art de chorégraphier des scènes à grand spectacle. Les effets spéciaux n’ont rien d’exceptionnel, et s’il y a, en termes de quantité, une dose estimable de cascades, poursuites et autres destructions, le film ne fait pas non plus exploser la jauge boum-boum, au point même de pâtir de la comparaison avec les premiers épisodes de la saga, qui datent pourtant d’il y a 31 et 24 ans. On peut même regretter que la séquence du pont ne remplisse que 20% de son potentiel, tant il y avait matière à en tirer une scène époustouflante.

4 : Taux d’américano-centrisme : 8/10
L’humanité est en danger ? Pas de souci, tout se règlera en Californie. Un acteur coréen fait bien un peu de figuration dans le premier quart du film, mais c’est évidemment dans un rôle de méchant. Pour le reste, les décors, la langue utilisée pour s’exprimer, le passeport de l’élu, les mentalités, c’est clair : on est bien aux Etats-Unis. Et sans aucune intention d’en partir.

Kyle Reese irait plus vite avec des Nike.

5 : Charisme du méchant : 4/10
Faire de John Connor, le héros historique de la saga, le méchant-surprise de ce film au gré d’une farce de l’espace-temps était sur le papier une idée prometteuse. Mais malgré ses cicatrices, son sourire machiavélique et son invulnérabilité apparente, Jason Clarke, qui interprète le rôle, ne fait pas peur à grand monde. L’autre méchant du film, le superprogramme Genisys donne carrément plutôt envie de se marrer, avec ses pixels bleus et sa voix stupide. Bref, le T-800 du premier opus et surtout le T-1000 du deuxième volet restent indétrônés.

6 : Coefficient d’incongruité scénaristique : 4/10
A partir du moment où il y a des voyages temporels, c’est bien connu, les scénaristes peuvent à peu près tout se permettre, certains qu’ils sont que les spectateurs déjà bien content de s’y retrouver n’iront pas chercher la petite bête. Rien d’apparemment trop grossier dans Terminator Genisys, même si l’effet éculé au possible de la fausse mort de Schwarzenegger à la fin du film mérite une belle mention.

7 : Respect du quota de bimbos : 5/10
Genisys a obtenu une belle prise en guerre en la personne d’Emilia Clarke, la Daenerys Targaryen de la série Game of Thrones, starlette particulièrement en vue depuis quatre ans et ici choisie pour interpréter la mythique Sarah Connor. Mais depuis ses multiples exhibitions dans le show d’HBO, la jeune femme exige de ne plus se dévoiler face caméra, et, en conséquence, apparaît cadrée à hauteur d’épaule dans la brève scène de nu qu’elle a à jouer. Endossant le rôle d’une guerrière, elle échappe également au maquillage et aux talons aiguilles, ce qui fait encore baisser un peu plus la note. Heureusement, son partenaire Jai Courtney, torse nu ou en marcel, tous muscles dehors, comble le quota des amatrices et amateurs de colosses bodybuildés.

Daenerys Targaryen brune, habillée et sans ses dragons. Incognito, quoi.

8 : Potentiel auteurisant : 2/10
Pas grand-chose à tirer de ce côté-ci non plus. Bien calibré, filmé de façon totalement impersonnelle, sans questionnement particulier ni volonté de dépasser son sujet, le film pourrait avoir été réalisé par n’importe qui. D’ailleurs, Alan Taylor et n’importe qui, n’est-ce pas au fond un peu la même chose ?

9 : Cultitude des répliques : 5/10
Au milieu d’un sacré paquet de dialogues pontifiants sur la nécessité de sauver l’humanité, Terminator Genisys réussit malgré tout à sauvegarder une certaine dérision, qui passe principalement par le personnage de Schwarzenegger, objet de multiples vannes sur son âge (Sarah Connor l’appelle « Papy ») et sa non-humanité supposée (on voit ainsi à plusieurs reprise l’acteur, qui interprète un robot T-800, s’essayer à des mimiques vaguement censées évoquer un sourire). La réplique phare du film résume bien cet état d’esprit et résonne comme un programme : « Vieux, mais pas obsolète » déclare le robot à propos de lui-même. Et derrière lui, c’est Arnold Schwarzenegger, 68 ans au compteur, qui semble s’exprimer.

10 : Capacité de mutation en franchise : 10/10
Difficile de faire plus fort que Terminator Genisys de ce point de vue. Cinquième épisode se voulant le nouveau départ d’une franchise déjà adaptée en série télé, en bande dessinée, en jeu vidéo et même en logiciel d’échecs, le film peut prétendre engendrer encore un certain nombre de petits frères avant que le filon soit épuisé. Surtout si on considère que le procédé du voyage temporel permet d’effacer tous les acquis d’un film sur l’autre, et donc, en définitive, de raconter en douce toujours la même histoire.


Score pop-corn global : 53/100

Dans la moyenne, c’est-à-dire visible, mais vraiment pas indispensable et vraisemblablement vite oublié. Le blockbuster lambda, ni plus, ni moins. Pas la peine de prendre trop de pop-corn, le rythme n'est jamais assez frénétique pour que la consommation devienne compulsive. Par contre, prévoir une boisson, de préférence gazeuse - le 7up semble parfaitement indiqué.



mardi 4 août 2015

Les blockbusters de l'été au banc d'essai : Préambule

L'été arrive, le cours du pop-corn remonte.

L’été (en acceptant que celui-ci commence début juin et non aux alentours du 21 de ce sixième mois de l’année) est traditionnellement, au cinéma, la période de sortie des principaux blockbusters. Un blockbuster, qu’est-ce que c’est ? C’est, selon la définition la plus stricte du terme, un film, généralement américain, à gros budget et gros revenus, qui ne brille pas particulièrement par la finesse de son scénario ni par la qualité de sa réalisation, mais par le nombre de ses scènes d’actions ainsi que par les moyens qui y sont déployés, par le matraquage médiatique intense qui précède sa sortie et par le nombre impressionnant d’entrées en salles effectué par ces films.

Pourquoi ces films sortent-ils principalement l’été ? Pour tout un tas de raisons mercantiles, qui peuvent toutes être résumées en une seule : parce que les gens sont en vacances. Ainsi, en vacances, les gens ont plus de temps libre et donc plus d’opportunités d’aller au cinéma. Ainsi, en vacances, les gens partent souvent loin des zones dites culturellement plus à la pointe, privilégiant le balnéaire au culturel, et, faute de cinémas d’art et d’essai, vont se rabattre plus volontiers sur un complexe multisalle. Ainsi, en vacances, les gens vont se retrouver plus facilement en groupe, et le dénominateur commun le plus bas étant souvent l’envie de « ne pas se prendre la tête », ils se tourneront plus facilement vers le film le plus bas de plafond, avec lequel tout le monde sait à quoi s’attendre. On pourrait même ajouter que le peu d’importance accordé aux dialogues dans les blockbusters rend parfaitement possible de les voir dans un pays étranger et dans une langue étrangère, tant ce qui s’y dit n’a que peu d’importance par rapport à ce qu’on y voit.

Mais est-ce à dire que les blockbusters sont tous des films débiles et décérébrés ? Les choses sont un petit peu plus compliquées que ça. Disons que comme tout genre cinématographique, le blockbuster a vu passer quelques chefs d’œuvres, y compris récemment. A titre d’exemple, le premier film vraiment considéré comme un blockbuster, à savoir Les Dents de la mer, de Steven Spielberg (1975) est inventif, bourré de qualités, et a su résister au temps, pour devenir, quarante ans après sa sortie, un véritable classique. Mais dans leur volonté de plaire au plus grand nombre (et surtout, d’être vus par le plus grand nombre), il est vrai que la plupart des blockbusters sont loin de taper aussi haut. Ce qui n’empêche pas, au milieu d’un certain marasme, d’assister à de belles surprises.

Les Dents de la mer, ou comment couper à tout le monde l'envie d'aller à la plage.
J’ai entrepris de visionner tous les blockbusters de cet été 2015. L’idée est de pouvoir ainsi les confronter, et de savoir lequel est LE blockbuster ultime de ces grandes vacances. Attention, il ne s’agit pas de définir le meilleur de ces films, non (et donc pas non plus d’en faire de vraies critiques), mais d’établir, de façon parfaitement objective, lequel correspond le mieux au stéréotype du blockbuster hollywoodien tel qu’on le connait depuis le milieu des années 70. Pour ce faire, chacun des films visionnés sera noté sur 10 critères. Ces critères, les voici. 


1 : Originalité nanarde du pitch : Un blockbuster, c’est avant tout un pitch, c’est-à-dire un argument de départ résumable en deux ou trois phrases. Evidemment, le véritable but d’un blockbuster étant d’accumuler les scènes d’action, le scénario (et donc le pitch) n’est généralement qu’un prétexte, et par conséquent, tout y semble permis, y compris les idées que toute personne sensée rejetterait d’un revers de main en s’exclamant « mais c’est complètement con ! ». Plus l’idée de départ est bête, plus le blockbuster s’annonce excitant.

Le maître en la matière : Abraham Lincoln, chasseur de vampires (Timur Bekmambekov, 2012) En termes de pitch à la con, ce film est assez difficilement prenable. Il présente même l’avantage de présenter son programme dès son titre : oui, il s’agit bien des aventures de l’ancien président américain, aux prises avec des vampires au cours de ce qui est présenté comme une aventure de jeunesse d’Abraham Lincoln.

Le contre-exemple à ne surtout pas imiter : Cloud Atlas (Andy et Lana Wachowski, 2013) Impossible à résumer, ce film choral se déroulant à six époques différentes a sans doute cru qu’on pouvait impunément prendre les spectateurs pour des gens intelligents, et forcément, massivement jugé incompréhensible, il a fait un four.



2 : Efficacité du placement de produits : Les blockbusters coûtent très cher, c’est un fait, et donc ils se doivent de rentabiliser au mieux leurs pharaoniques dépenses. Une méthode a fait ses preuves : conclure un partenariat avec différentes marques en faisant figurer, moyennement un petit geste financier, des produits dans le film, lequel prend alors des airs de publicité déguisée (un gros plan sur le sigle de la voiture du héros, un insert sur ses baskets neuves…), ce qui a le don d’exaspérer le spectateur un peu tatillon. C’est ainsi que Coca, Apple et leurs copains se sont petit à petit immiscés dans les salles obscures, jusqu’à devenir d’incontournables compagnons de pop-corn.

La scène la plus mémorable de I, Robot. Ce qui en dit long sur la qualité du film.
Le maître en la matière : I, Robot (Alex Proyas, 2004) A peu près oublié par tout le monde depuis sa sortie (il avait marqué le début de la fin pour son réalisateur Alex Proyas auquel beaucoup avaient imaginé un avenir prometteur à ses débuts), ce film a en revanche marqué une nouvelle étape dans le placement produit : Audi, JVC et surtout Converse se taillent la part du lion, au point de voler la vedette à un Will Smith qu’on a connu plus inspiré.

Le contre-exemple à ne surtout pas imiter : Pirates de Caraïbes (Gore Verbinski, 2003) Evidemment, c’est pas simple de glisser discrètement des publicités pour des produits de notre époque dans un film censé se dérouler au XVIIIème siècle. On a bien eu droit à un début de polémique à propos d’un bonnet porté par Johnny Depp et qui serait de fabrication Adidas, mais c’est tout.



3 : Quotient pyrotechnique : Un bon blockbuster, c’est avant tout une orgie de scènes d’actions. Et qui dit scène d’action dit forcément castagne à gogo, poursuites en voitures et explosions en tous genres, avec, si possible, la destruction de quelques monuments connus pour agrémenter le tout. Le but avoué est d’en mettre plein la vue au spectateur, et que celui-ci rentre chez lui en ayant l’impression d’en avoir eu pour son argent, de façon à ce qu’il ne s’interroge pas tellement sur le reste du contenu du film.

Le maître en la matière : Rock (Michael Bay, 1996) Michael Bay est notoirement connu depuis ses débuts à Hollywood pour être un dangereux pyromane jamais avare d’une explosion et déterminé à réduire en miettes le moindre élément de décor qu’on met à sa disposition. Ici, les scènes d’actions s’enchainent à une vitesse telle que si le film avait duré ne serait-ce que cinq minutes de plus, c’est vraisemblablement toute l’équipe de tournage qui y serait passée.

Le contre-exemple à ne surtout pas imiter : Spiderman (Sam Raimi, 2002) Désireux de voir grand pour la première adaptation ciné des aventures de l’homme-araignée, Sam Raimi avait concocté une scène d’action finale monumentale, où Peter Parker tissait sa toile entre les deux tours du World Trade Center. Pas de chance, le 11 septembre est passé par là, et il a fallu prévoir un plan B pour ne pas remuer le poignard dans la plaie.



4 : Taux d’américano-centrisme : Les blockbusters sont des films américains avant tout. Les Etats-Unis se doivent donc d’y être au centre du monde, quand ils ne sont pas le monde à eux tous seuls. Des extraterrestres débarquent ? Ils choisissent le Nevada ou le Wyoming, voire carrément Washington. Un fou muni d’armes surpuissantes menace la planète ? Il s’attaque au Pays de la Liberté. Et quand les étrangers y apparaissent, ils se doivent d’y être les plus caricaturaux possible : les Anglais boivent du thé, la France se résume à la Tour Eiffel et l’Amérique du Sud est une vaste zone de non-droit, sans parler de la Russie, qui malgré les branlées qu’elle se prend film après film, persiste à vouloir attaquer les Etats-Unis. Et bien sûr, tout le monde parle anglais partout.

Dans Independence Day, les Martiens ne s'en prennent pas à n'importe qui.
Le maître en la matière : The Patriot (Roland Emmerich, 2000) Tout est dans le titre, une fois de plus. Prenant pour cadre la guerre d’indépendance des Etats-Unis et pour héros le toujours très modéré Mel Gibson, ce nanar de classe mondiale dresse involontairement un grand inventaire de tous les clichés américains.

Le contre-exemple à ne surtout pas imiter : Starship troopers (Paul Verhoeven, 1998) Contrairement à beaucoup de ses collègues, Paul Verhoeven est loin d’être un imbécile et son film porte de bout en bout un regard critique sur l’extension à la planète entière du mode de vie américain. Ce qui n’empêcha pas certains esprits obtus de l’accuser de fascisme à la sortie de ce qui est sans contestation possible l'un des plus grands chefs d'oeuvres des années 90.



5 : Charisme du méchant : Scénaristiquement, un blockbuster se construit toujours autour d’un affrontement, qui est généralement celui du héros et du méchant. Prenant à la lettre le précepte d’Alfred Hitchcock (qui tel Monsieur Jourdain faisait du blockbuster sans le savoir) selon lequel plus le méchant est réussi, plus le film sera bon, les productions hollywoodiennes à grand spectacle ont toujours accordé la place du roi à l’ennemi du héros – quitte à rendre celui-ci parfois très fade en retour. Ce qui oblige à être le plus exigeant possible en ce qui concerne ce personnage-clé.

Le maître en la matière : La Guerre des étoiles (George Lucas, 1977) Oui, il y a les sabres lasers, oui, il y a la musique de John Williams, oui, il y a la création de tout un univers. Mais la pierre angulaire du succès de Star Wars, c’est Dark Vador, tout le monde le sait. C’est-à-dire le méchant le plus mythique de l’histoire du cinéma, encore plus que Nosferatu, Michael Corleone, Hal et Freddy Krueger.

Le contre-exemple à ne surtout pas imiter : Batman et Robin (1997, Joel Schumacher) Au sein d’un casting à la dérive, Arnold Schwarzenegger en Mr Freeze réussit à remporter la palme du grotesque dans ce qui est sans doute son pire rôle. Recouvert d’une impressionnante couche de peinture argentée, il cabotine en permanence. Pour ne rien arranger, il ne meurt même pas à la fin du film.

Et voilà comment on devient gouverneur de Californie.


6 : Coefficient d’incongruité scénaristique : Un blockbuster étant jugé avant tout sur ses scènes d’action, tout ce qu’on trouve immanquablement entre une poursuite et une bagarre est plus ou moins du remplissage, uniquement là pour justifier les explosions qu’on verra ensuite. Ce qui oblige généralement les scénaristiques à un paquet de contorsions pour pouvoir relier les scènes entre elles, quitte à enfiler les incohérences comme on enfile les perles. Si sur le moment, le public n’y prête pas forcément attention, ces détails se retrouvent souvent au centre de grandes controverses entre fans.

Le maître en la matière : Rambo 3 (Peter McDonald, 1988) Astuce prisée par les scénaristes pour ne pas avoir à s’embêter : faire du héros du film un semi-débile plus prompt à tirer sur tout ce qui bouge qu’à utiliser ses neurones. Ça permet de justifier des scènes d’action plus ou moins n’importe quand et ça aide aussi à trimballer le protagoniste de gauche à droite sans s’emmerder à y trouver la moindre logique. 

Le contre-exemple à ne surtout pas imiter : Mad Max Fury Road (George Miller, 2015) Pour éviter l’écueil tant redouté d’un scénario incohérent, George Miller a de son côté recours à un procédé visionnaire : il supprime le scénario. Résultat : deux heures d’orgie de mise en scène. Un coup de maître.


7 : Respect du quota de bimbos : Le public de blockbuster est beauf, ou du moins considéré comme tel par les producteurs. Pour lui envoyer du rêve à bas prix, rien de tel que de lui faire contempler des gens beaux, et si Brad Pitt, Tom Cruise ou Johnny Depp ont pu faire fureur en premier rôles, ce sont surtout les femmes dont la plastique se doit d’être impeccable et qui ont interdiction d’avoir dépassé les trente-cinq ans. Il leur faudra aussi apparaître dans plusieurs tenues différentes et porter des talons en toutes circonstances. En revanche, il leur est interdit de montrer leurs seins, toute nudité pouvant entraîner une interdiction du film aux moins de treize ans – lourd manque à gagner pour les studios.

Le genre de plans qui émaillent négligemment Fast and furious d'un bout à l'autre.
Le maître en la matière : Casino Royale (Martin Campbell, 2006) On sait ce qui a fait le succès des James Bond. Décontraction, vodka-martini, Aston Martin, scènes d’action à couper le souffle, gadgets à gogo et paysages de carte postale. Et les filles. Tellement importantes qu’elles ont acquis, avec le temps, le surnom de James Bond Girls. Rien que dans cet opus, on retrouve, dans ce qui ressemble parfois à un concours de tenues affriolantes, Eva Green, Ivana Milicevic et surtout la très visuelle Caterina Murino.

Le contre-exemple à ne surtout pas imiter : Harry Potter à l’école des sorciers (2001, Chris Columbus). Les héros sont des enfants, et la plupart des adultes présents dans le film ont dépassé la soixantaine. Dur dur d’offrir au mâle alpha sa dose d’érotisme bon marché dans cette situation. Heureusement, il y aura sept suites, ce qui permettra à Emma Watson (dix ans au début de la saga) de grandir petit à petit pour devenir le sex-symbol que l’on sait.



8 : Potentiel auteurisant : Fritz Lang, qui réalisait des superproductions dès les années vingt, avait affirmé ne se considérer que comme un artisan, et en aucun cas un artiste. Tous les réalisateurs de blockbusters n’ont pas cette humilité, et on en a vu un paquet afficher des ambitions d’auteur, tenter de montrer qu’eux aussi étaient capables de proposer une certaine vision du monde à travers leurs films à gros budgets. Leur réussite a été variable, certes, mais avec quelques succès indéniables qui ont avec le temps fait entrer certains blockbusters dans la caste très fermée des chefs d’œuvre du septième art, et ce malgré le préjugé défavorable dont ils sont généralement l’objet de la part d’une certaine branche ultra-élitiste du public.

Le maître en la matière : Mission impossible (Brian De Palma, 1996) Question blockbuster de légende, avec son Tom Cruise iconique, ses 450 millions de dollars de recette mondiale et ses quatre suites, Mission impossible se pose là. Mais derrière le succès commercial, on retrouve, à chaque plan ou presque, la patte unique et reconnaissable entre toutes de Brian De Palma, ses obsessions pour l’image et le point de vue, son entremêlement étroit du vrai et du faux et ses mouvements de caméra somptueux. 

Le contre-exemple à ne surtout pas imiter : Hulk (Ang Lee, 2003) Confier l’adaptation des aventures de l’incroyable Hulk au réalisateur taïwanais de Garçon d’honneur et de Tigre et Dragon était un pari audacieux. Ce fut surtout une grosse plantade : laminé par la critique et boudé par le public, le film figure aujourd’hui au panthéon des mauvais souvenirs hollywoodiens.



9 : Cultitude des répliques : Si un blockbuster se doit de briller par la qualité et le nombre de ses scènes d’actions, il est toujours de bon ton d’y faire figurer quelques répliques cinglantes pour permettre au spectateur d’évacuer la pression accumulée en rigolant un bon coup. Si l’humour n’y vole jamais très haut, une bonne dose de second degré y est attendue : un bon blockbuster est un blockbuster qui ne se prend pas au sérieux, d’où le fréquent recours à des acteurs de comédie pour interpréter les seconds rôles. De plus, il apparaît nécessaire de toujours se ménager une ou deux répliques qui passent vraiment à la postérité, histoire de donner un os à ronger au fan service.

Bruce Willis dans le premier Die Hard. L'exemple typique du héros qui ne se prend pas la tête.
Le maître en la matière : Last Action Hero (John McTiernan, 1993) Pur objet de jouissance cinéphile, ce petit bijou de John McTiernan offre deux heures dix de bonheur visuel. Mieux : en multipliant les clins d’œil, les références et en assumant son second degré (croisant un personnage interprété par F. Murray Abraham, le Salieri d’Amadeus, le jeune héros s’écrie à Schwarzenegger : « Méfie-toi de lui, il a tué Mozart ! »), Last Action Hero remplit également et de façon très efficace sa mission d’amusement des masses.

Le contre-exemple à ne surtout pas imiter : Interstellar (Christopher Nolan, 2014) Avec un casting ultra-prestigieux (Matthew MacImprononçable, Anne Hathaway, Matt Damon, Jessica Chastain, Michael Caine), un sujet prise de tête (traverser un trou noir pour sauver l’humanité) et un budget colossal, Interstellar avait tout pour marquer l’histoire du blockbuster. Pas de chance, il est plombé de bout en bout par un esprit de sérieux ampoulé au possible et c’est bien malgré lui qu’il parvient in extremis à arracher quelques sourires.



10 : Capacité de mutation en franchise : Le principal objectif des blockbusters reste avant tout de faire de l’argent, si possible sans trop se fouler en termes d’imagination. D’où l’existence de nombreuses suites, voire même de films dérivés qui n’ont que peu à voir avec le produit original, sinon de disposer du même label. Tout blockbuster digne de ce nom se doit de se ménager la possibilité d’un second opus, voire d’une transformation en saga. A part, bien sûr, ceux qui sont déjà des suites de films préexistants, et qui, ces dernières années, auraient presque tendance à devenir majoritaires.

Le maître en la matière : Les Aventuriers de l’Arche perdue (Steven Spielberg, 1981) Au départ, il n’y avait qu’un film, réalisé par Spielberg et produit par Lucas. Mais le succès fut au rendez-vous, le personnage interprété par Harrison Ford devint culte, tout comme la musique et le succès de cet aventurier à mi-chemin entre Tintin et un héros de western spaghetti. Résultat : trois suites, une série télé dérivée et une quinzaine de jeux vidéo inspirés par le film.

Le contre-exemple à ne surtout pas imiter : Gladiator (Ridley Scott, 2000) En plus de relancer la mode des peplums à Hollywood et de valoir l'Oscar du meilleur acteur à Russell Crowe pour son interprétation du général Maximus, le film a réussi à rapporter la bagatelle de 450 millions de dollars. De quoi aiguiser les appétits et envisager sereinement de tourner un second épisode. Problème : à la fin du film, le héros Maximus meurt. Erreur de débutant. Dans ces conditions, dur dur d'imaginer un scénario qui tienne la route pour un deuxième volet. Eternel serpent de mer des studios hollywoodiens, Gladiator 2 ne verra vraisemblablement jamais le jour...


Depuis 2008, Robert Downey Jr a joué six fois le rôle d'Iron Man. Et ça lui aurait rapporté près de 400 millions de dollars.


Score pop-corn global : C’est l’addition des notes sur dix obtenues dans chacune de ces dix catégories – c’est-à-dire une note sur cent. Histoire de ne pas gâcher trop de pop-corn.




Retrouvez tous les blockbusters comparés en cliquant sur cette page.

jeudi 8 janvier 2015

7 Janvier 2015

                                             

Quelle journée. Quelle journée.


Après une nuit déjà fort mouvementée, je pensais que le moment fort de ce mercredi résiderait dans ma visite à une librairie du XIIIème arrondissement, vers onze heures et demie, ce matin, pour y faire l'acquisition du dernier ouvrage de Michel Houellebecq, Soumission, qui faisait tant parler depuis quelques jours (sans que personne ne l'ait pourtant lu, la sortie nationale n'ayant eu lieu qu'ajourd'hui) en raison de son pitch a priori provocateur : en 2022, l'élection présidentielle française verrait la victoire de Mohammed Ben Abbes, candidat musulman, face à Marine Le Pen. Comme tout le monde, j'ignorais qu'au même moment, à quelques kilomètres de là, dans le onzième arrondissement, se déroulait une tuerie sans précédent : dans les locaux de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, des hommes armés pénétraient et assassinaient, froidement, les principaux membres de la rédaction, dont les dessinateurs Charb, Wolinski et Cabu, ainsi que plusieurs policiers, avant de prendre la fuite.

Ma journée a donc été marquée du double sceau du dernier Houellebecq, que les évènements ne m'ont pas empêché de finir, et de l'actualisation frénétique du live du site du journal Le Monde, pour y suivre minute après minute le déroulé des opérations, pour y apprendre, cadavre après cadavre, les décès de ces dessinateurs qui faisaient presque partie de notre famille, à nous qui vivons dans ce pays, qui en lisons la presse, qui sommes habitués à leurs caricatures.

Il n'est pas question de re-raconter ce qui s'est passé aujourd'hui, tout le monde ne le sait que trop, les plaies sont vives. Du Houellebecq non plus, je n'ai pas trop envie de parler, compte tenu de l'infamie qui s'est déroulé dans Paris cet après-midi. Je l'ai quand même lu, et je n'en dirai rien de plus que ces mots : c'est un bon roman, excellent, même, dans toute sa première moitié, et nettement plus inégal (bancal ?) ensuite, et qui ne justifie en rien le scandale qui a précédé sa sortie. Si je le mentionne, c'est juste pour souligner le télescopage malheureux de la date de sa sortie avec celle de l'horreur de Charlie Hebdo, et pour rappeler que face à la terreur et à ceux qui veulent l'imposer, je ne cèderai jamais : j'avais décidé de lire ce livre dans la journée, je l'ai fait, ce qui ne m'a pas empêché d'être bouleversé comme jamais par les meurtres ignobles perpétrés par de modernes barbares du côté de Richard-Lenoir. Ce sera tout. On pourra juste sourire avec lassitude (et ce sera bien la seule fois de la journée) en imaginant ce qu'un Zemmour pas viré d'i-Télé aurait pu dire à propos de ce livre, invité à débattre avec Domenach quelques minutes après l'attaque : "ce qui est très intéressant, c'est que les récents évènements nous montrent que même Houellebecq, que l'on croyait incorruptible, a basculé dans la représentation fantasmée d'un angélisme bien pensant en nous peignant un califat bisounours là où la lutte a déjà commencé blablabla blablabla".

Sur Charlie Hebdo, maintenant. Ce qui s'est passé aujourd'hui ne sera jamais oublié, et jamais pardonné. Pour paraphraser le discours du Bourget de l'actuel Président : à ceux qui ont pu croire qu'ils pourraient impunément faire régner la terreur, nous vous le disons, la République vous rattrapera. Jusque dans les chiottes s'il le faut, aurait aujouté un autre chef d'état en exercice.

Les coupables seront capturés et jugés, avec la plus extrême sévérité. Car à travers Charlie Hebdo (déjà menacé par le passé pour avoir publié des caricatures représentant le prophète Mahomet), c'est l'inaliénable droit à l'humour et à la dérision, c'est la liberté de la presse qu'on attaque, c'est la liberté d'expression, c'est la République. Nous ne nous laisserons pas faire par ceux qui s'en prennent à ce que nous avons de plus cher, nous ne cèderons pas, nous ne leur donnerons pas raison. Dans la dignité, nous nous relèverons, avec des plaies douloureuses et le sentiment d'avoir perdu quelque chose que rien ni personne ne nous rendra jamais. Ce quelque chose, c'est évidemment le talent des dessinateurs et rédacteurs de l'hebdomadaire satirique. C'est aussi leur présence, qui manquera en premier lieu à leurs familles, à leurs proches. C'est enfin notre innocence.

J'étais trop jeune pour avoir connu les attentats de Saint-Michel. J'ai vu le 11 septembre, mais c'était à New York. Le 11 mars 2004, pareil, c'était Madrid, ça restait loin. Aujourd'hui, c'est Paris, c'est chez nous. Et quand ils frappent chez nous, on a la Rage. Je n'ai pas participé aux rassemblements place de la République ce soir, car, trop conscient que seul le poison de la haine coulait dans mes veines, j'aurais pu y tenir des propos que j'aurais ensuite regrettés - appel au meurtre, à la loi du talion, l'émotion et l'euphorie de la foule peut nous permettre beaucoup de choses. J'ai préféré me calmer tranquillement.

Quelques heures plus tard, que dire ? A part présenter mes condoléances à tous ceux qui ont connu et aimé les victimes de la tragédie. A part condamner fermement les auteurs de ce qui n'est même plus un attentat, mais un assassinat en bonne et dûe forme, car ce n'est pas une bombe aveugle qui a frappé la foule, mais des coups de fusils prémédités, balle après balle, destinés à honorer un contrat signé depuis longtemps sur la tête de la bande à Charlie. A part attendre que la police, puis la justice, fassent leur travail. 

Nous avons été frappés durement, au coeur. Loin de tout nationalisme imbécile, rappelons-nous les paroles du chant révolutionnaire dont nous avons fait notre hymne. Entendez-vous, dans nos campagnes, mugir ces féroces soldats qui viennent jusque dans nos bras égorger nos fils et nos compagnes ? La République les rattrapera.