vendredi 17 octobre 2014

Onze moments mythiques de la Coupe du Monde - 2 : Le coup de boule de Zidane

Cet article fait partie d'un dossier consacré à onze moments mythiques de l'histoire récente de la Coupe du Monde de football. Retrouvez les autres textes sur cette page.


L'Acte.

Plus d’un milliard de téléspectateurs en direct, des ralentis qui ont tourné en boucle sur tous les écrans du monde pendant plusieurs jours, des milliers de vidéos parodiques sur youtube, une statue exposée devant Beaubourg… On estime que les images du coup de tête de Zidane, asséné à l’Italien Marco Materazzi en finale de la coupe du monde 2006, sont les plus vues de l’histoire de l’humanité, devant celles des attentats du Word Trade Center. Pourtant, sur le moment, personne n’a rien vu.

A l’image de Thierry Gilardi, le commentateur de TF1 qui a d’abord cru que Trezeguet était l’auteur du mauvais geste, tout le monde a d’abord baigné dans le flou. Les images télé montraient alors l’action en cours, une contre-attaque italienne, en début de deuxième mi-temps de prolongations. Puis le jeu a été arrêté, et on s’est aperçu qu’il y avait un attroupement, à l’autre bout du terrain. Un Italien était au sol – Materazzi. D’autres vitupéraient, très virulents, essayant de dire quelque chose à l’arbitre. Quoi ? On ne le sait pas encore. Enfin, au bout d'un temps incroyable, le ralenti finit par arriver, implacable : Zinedine Zidane, le meneur de jeu de l’équipe de France, avait mis un coup de boule à Materazzi.

Mais cela, l’arbitre ne l’avait pas vu. Il interrogea ses assistants, qui n’avaient rien vu non plus. C’est finalement le quatrième arbitre, ce type qui en général ne sert qu’à porter le panneau qui annonce les numéros des joueurs quand on procède aux changements, qui lui apporte la précieuse information. Problème : les écrans  vidéo de l’Olympiastadion passent en boucle, depuis une bonne minute, les images du scandale, et le règlement de football interdit l’utilisation de la vidéo à des fins d’arbitrage durant un match. Personne ne saura jamais si le quatrième arbitre avait vu l’action en direct, ou si ce sont les ralentis qui l’ont alerté. L’arbitre principal, l’Argentin Horacio Elizondo, va jusqu’à Zidane, et lui adresse un carton rouge.


Dehors !

Les faits, en soi, sont relativement exceptionnels. Mais le contexte les rendait encore plus singuliers : il s’agissait du dernier match de la carrière de Zinedine Zidane, qui venait d’être le personnage central de la coupe du monde. Le meneur de jeu français, déjà vainqueur du Mondial en 1998 (ainsi que d’un Euro, en 2000, et d’une Ligue des Champions, en 2002), avait annoncé, avant la compétition, qu’il prendrait sa retraite à l’issue de celle-ci. Assez transparent durant les premiers matches de son équipe, il était monté, comme elle, en régime au fur et à mesure du tournoi. En huitièmes de finale, face à une Espagne qui avait annoncé vouloir le mettre à la retraite, il avait marqué le troisième but des Bleus (score final : 3 – 1). En quarts, contre le Brésil, il avait livré un véritable récital, écœurant toute l’équipe brésilienne et délivrant à Thierry Henry une précieuse passe décisive (score final : 1 -0). Enfin, en demies, c’est lui qui avait marqué, sur penalty, le seul but du match remporté face au Portugal.

Le matin de la finale, contre l’Italie, Zidane avait réussi son pari : partir sur une finale de Coupe du Monde, chose que n’avaient réalisé ni Pelé, ni Maradona, ni Cruijff, ni aucun de ses principaux rivaux dans la course au titre honorifique de « meilleur joueur de tous les temps ». Avec les succès des Bleus, la Zidanemania, phénomène français et mondial, avait atteint des proportions délirantes, les chansons qui lui étaient consacrées passaient en boucle à la radio, un film sur lui avait été sélectionné à Cannes et même le New York Times, quotidien très sérieux d’un pays qui ne comprend rien au football, le jour de la finale, avait fait figurer en Une un portrait du Français, qualifié de « type le plus cool de la planète ».

Au bout d’à peine dix minutes de jeu, le pari était encore un peu plus près d'être gagné : Zidane avait ouvert le score, sur penalty, en réalisant une Panenka, culot que l’on croyait impensable à ce niveau. L’Italie avait rapidement égalisé, et le score n’avait plus bougé. Sur un contact aérien, Zidane avait paru se blesser à l’épaule, on l’avait même vu demander un changement, mais il avait été remis sur pied, et avait pu continuer à jouer. Un peu plus tard, durant la prolongation, Zidane, encore lui, avait failli inscrire un second but, d’une tête détournée in extremis par Buffon, le gardien Italien.

Et quelques instants plus tard, le drame était arrivé. Materazzi avait dit quelque chose qui n’avait pas plu au Français (quoi ? on n’a jamais su, même il était visiblement question de la sœur de Zidane, ou de sa mère, à moins qu'il ne s'agisse de sa femme), celui-ci s’était retourné, l’avait fixé un instant avant de l’exécuter d’un coup de tête en pleine poitrine. Et l’arbitre, aidé ou pas par la vidéo, l’avait expulsé. Et la France avait fini par perdre la finale, aux tirs au but.


The Artist.

Jamais on n’a vu un coupable se faire absoudre et pardonner aussi rapidement que Zidane, le phénomène confinant presque à l’hypnose collective. Cas unique, la FIFA infligera même une suspension à Materazzi. Les Français éliront Zidane comme leur personnalité préférée quelques semaines plus tard. Sur les plateaux télés, les commentateurs rivaliseront de sévérité à l’encontre de joueurs comme Materazzi, considéré comme « la lie du football et l’emblème de ces joueurs méchants, provocateurs » - l’Italien sera même soupçonné, à tort, de racisme.

Il n’en reste pas moins que le vrai vainqueur de la Coupe du monde 2006, c’est lui. Simple remplaçant au début du tournoi, il profite de la blessure de Nesta pour intégrer le onze de la Squaddra Azzura. En finale, c’est lui qui égalise pour l’Italie, avant de faire expulser Zidane et de réussir son tir au but. Mais l’histoire le retiendra comme le méchant. D’ailleurs, l’histoire a presque déjà oublié que l’Italie avait gagné, en 2006 – le match s’est terminé avec l’expulsion de Zidane.

L'un des moments les plus tristes de mon adolescence : 



1 commentaire:

  1. "L'un des moments les plus tristes de mon adolescence", tu m'étonnes...
    De mon côté c'était la gueule de bois post France-Bulgarie le matin de mes 17 ans...avec ceux qui ne s'intéressent pas au foot et qui te souhaitent un bon anniversaire toute la journée, alors que la veille au soir t'as vécu le pire scénario possible et que tu n'avais pas envie de te lever tellement t'es down. N'empêche que j'ai coupé du foot pendant presque quatre ans après ça ^^ (j'ai fait l'effort pour quelques matches de la CM aux USA - et là encore, l'horreur, Baggio qui baisse la tête, non pas lui - , mais l'Euro 96 je n'ai vu que les Allemands sauter sur la pelouse après remise du trophée, c'est léger niveau implication).

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