Brittany Murphy, pas certaine que la vie en vaille la peine. |
Le corps de Brittany Murphy a été retrouvé inanimé par sa
mère dans sa salle de bain, au matin du 20 décembre 2009. Conduite
immédiatement aux urgences, l’actrice y est morte deux heures plus tard, sans
qu’il ait été possible de la ranimer. Si la nouvelle de son décès, rapidement
rendue publique, a provoqué une émotion sincère à Hollywood, elle n’a pas surpris
outre-mesure les commentateurs, tant d’une part l’actrice semblait
artistiquement morte depuis plusieurs années, et tant, d’autre part, les
rumeurs d’addiction à la cocaïne, de dépression et d’anorexie allaient bon
train depuis plusieurs années déjà.
Brittany Murphy vivait avec sa mère et son époux dans une
luxueuse propriété de Los Angeles qu’elle avait rachetée à Britney Spears
quelques années auparavant. C’est là, dans un ménage à trois forcément malsain,
qu’elle a passé ses derniers mois. D’un côté, Sharon Murphy, sa mère, qui l’a élevée seule (le
papa, Angelo Bertolotti, ayant passé l’entièreté de l’enfance de sa fille
derrière les barreaux), qui a tout accepté pour que sa fille puisse faire carrière,
quittant avec elle New York pour Los Angeles au début des années 90 pour
favoriser son éclosion. De l’autre,
Simon Monjack, son mari, escroc à la petite semaine et scénariste raté, dans
lequel Brittany, en bonne sous-Marilyn qu’elle était, a sûrement vu le parfait sous-Arthur Miller pour lui écrire, guidé par l'amour, ses plus grands rôles.
Car s’il y a un soupçon de Norma Jean Baker dans la
carrière de Brittany Murphy (son talent comique, son hypersensualité), il
y a des tonnes et des tonnes de Marilyn Monroe dans sa mort. Cinq ans et demi
plus tard, les causes n’en sont toujours pas claires, et petit à petit, on se
résigne à ce qu’elles ne le soient jamais. Le rapport d’autopsie, publié deux
jours après le décès, évoque une pneumonie, une anémie et un abus de
médicaments, coupant court aux rumeurs d’overdose. Il se murmure également que
si elle avait été conduite ne serait-ce que vingt-quatre heures plus tôt à
l’hôpital, elle aurait pu être sauvée, mais sa peur des paparazzis (par
lesquels elle s’estimait harcelée) et la volonté de son entourage (en
l’occurrence sa mère) de ne pas la contrarier, auraient empêché ce salutaire
transfert d’avoir lieu.
Toutes les spéculations restaient donc ouvertes jusqu’à ce
que, six mois plus tard, éclate un nouveau coup de théâtre : le veuf de
Brittany, Simon Monjack, était à son tour retrouvé mort, dans la même salle de
bain, et apparemment des mêmes causes (pneumonie, anémie, surconsommation de
médicaments). Une nouvelle enquête permit alors d’ajouter une hypothèse supplémentaire
à ces décès : la forte présence de moisissures (eh oui...) dans la maison
des Murphy-Monjack, qui auraient intoxiqué le couple jusqu’à s’avérer fatales.
La stèle de la défunte. |
D’autres possibilités, plus farfelues (quoique…) circulent,
et parmi elles, celles d’un double assassinat politique. Bien qu’on ne lui ait connu, contrairement à Marilyn, aucune accointance avec le pouvoir, ni qu’elle se soit jamais publiquement livrée à des activités de
dissidences, Brittany et son mari vivaient depuis de longs mois, semble-t-il,
dans la peur constante d’être surveillés par les services secrets américains.
En cause : le soutien qu’ils avaient affiché aux lanceurs d’alertes
(Wikileaks en était alors à ses balbutiements).
En 2013, nouveau rebondissement : le père de Brittany,
Angelo Bertolotti, rend publics les résultats d’une enquête indépendante qu’il a
lui-même commandée après avoir dû batailler pour obtenir des cheveux, des
tissus et du sang de sa fille. Les conclusions du laboratoire (auquel il a été
demandé de rechercher également les métaux lourds et les toxines, ce que
n’avaient pas fait les services de médecine légale de Los Angeles) sont
lourdes : exposition à des métaux lourds à des niveaux largement
supérieurs à ceux recommandés par l’OMS, vraisemblablement administrée par un
tiers et avec une intention criminelle probable. En d’autres termes,
empoisonnement à la mort-aux-rats ou à l’insecticide, ce que semblent
accréditer les symptômes ressentis par l’actrice et son mari durant les mois
qui ont précédé sa mort, à savoir étourdissements, crampes, toux, pneumonie,
tachycardie, tremblements, problèmes intestinaux, cutanés, neurologiques et
respiratoires.
Sans la désigner ouvertement, Angelo Bertolotti met ainsi en cause
son ex-femme, Sharon Murphy. Qui d’autre vivait aux côtés du couple ? Qui
d’autre aurait pu les empoisonner doucement, à petit feu ? Evidemment,
celle-ci fait tout pour discréditer les conclusions de l’enquête, et de façon
tout aussi prévisible, l’affaire tourne à un écharpement des parents par médias interposés, spectacle aussi inévitable que pathétique, le père accusant la mère
d’avoir vendu au prix fort tous les biens de sa fille, jusqu’à son passeport,
et celle-ci répliquant en pointant du doigt la place toute relative que
Bertolotti occupait dans la vie de Brittany et suspectant à haute voix une
envie de gloriole facile chez son ancien compagnon.
L'affiche de Deadline, l'un de ses derniers films. |
Mais derrière la possible solution criminelle, il y a les
derniers jours de l’actrice, recluse dans sa maison qu’elle venait de faire
équiper du même système de sécurité que les agences bancaires américaines,
virée quelques semaines plus tôt du tournage d’un film car apparemment devenue
ingérable, bannie de la pharmacie la plus proche de chez elle car y achetant
parfois jusqu’à trente-deux médicaments différents, évincée du film Happy Feet 2 alors que sa prestation
dans le premier avait été justement saluée… Il y a aussi ses derniers films, tristement
prémonitoires. En 2007, The Dead Girl
(en français : La Morte), dans
lequel elle interprète évidemment le rôle-titre, celui de Krista, une jeune
femme retrouvée morte et dont il faut attendre la fin du film pour connaître
les circonstances du décès. En 2009, quelques mois avant sa mort, Deadline (Dernier délai), dont l’affiche la présente, hébétée, dans une
baignoire, comme une vision de sa triste fin - même si, contrairement à ce qu'ont annoncé plusieurs médias français de façon erronée, c'est dans sa salle de bain et non dans sa baignoire que Brittany a été retrouvée, une erreur de traduction étant vraisemblablement en cause, bathroom ayant été confondu avec bathtub.
Une autre prémonition, plus ancienne, fait elle aussi
surface : le choix de l’actrice, dès le début des années 90, de faire
carrière sous le nom de sa mère, Murphy, plutôt que sous son véritable nom à
elle, Brittany Anne Bertolotti. Murphy, comme la célèbre loi de Murphy qui
stipule que « tout ce qui est susceptible de mal tourner tournera
nécessairement mal », ou, en d’autres termes, que « s’il existe au
moins deux façons de faire quelque chose, et qu’au moins l’une de ceux deux
façons peut entraîner une catastrophe, il se trouvera forcément quelqu’un pour
emprunter cette voie ». Cette loi,
que l’on doit à l’ingénieur en aérospatiale Edward Aloysius Murphy Jr (aucun lien), a
entraîné un dérivé célèbre, celui de la tartine beurrée, qui stipule qu’une
tartine beurrée chutant à terre tombera systématiquement du côté beurré. En
choisissant de s’appeler Brittany Murphy, l’apprentie comédienne prenait un
risque inconsidéré : s’il y a au moins deux façons de conduire sa carrière
et qu’au moins l’une de ces deux façons peut entraîner une catastrophe, il se
trouvera forcément quelqu’un pour emprunter cette voie, c’est-à-dire que tout
ce qui est susceptible de faire rater une carrière avant d’entraîner la mort
fera rater la carrière et entraînera la mort. Se placer délibérément sous cette épée de Damoclès n'était pas forcément l'idée la plus brillante que puisse avoir une actrice débutante.
Encore vivante et déjà la corde au cou... |
Encore derrière ces signes avant-coureurs et autres
superstitions, il y a surtout le gigantesque suicide professionnel qu’a
constitué sa carrière post-2006 (c’est-à-dire, curieusement, depuis sa
rencontre avec Simon Monjack, qui l’aurait beaucoup entretenue dans un repli sur elle-même et une crainte du monde extérieur injustifiés). Et il y a son
naturel, de fille drôle, blagueuse, souvent légère et un peu dilettante, de
fille qui ne se prenait pas au sérieux, de fille qui n’avait finalement pas tant que ça confiance
en elle. De fille pour qui, tout compte fait, Hollywood n’était pas vraiment l'endroit idéal. Il
paraît que quelques jours avant sa disparition, Brittany avait formulé le vœu
de quitter Los Angeles pour revenir à New York, la ville dans laquelle elle
avait passé son enfance, et d’arrêter le cinéma pour faire du théâtre. Cinq ans
après, je me dis que ce n’était pas forcément une mauvaise idée – en revanche, ça venait indéniablement un
peu tard.
Retrouvez le reste du dossier consacré à Brittany Murphy en cliquant sur cette page, accédez ici à l'article précédent, et là à l'article suivant.
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