mercredi 24 juin 2015

La Loi de Murphy 2 : Mort d'une starlette



Brittany Murphy, pas certaine que la vie en vaille la peine.



Le corps de Brittany Murphy a été retrouvé inanimé par sa mère dans sa salle de bain, au matin du 20 décembre 2009. Conduite immédiatement aux urgences, l’actrice y est morte deux heures plus tard, sans qu’il ait été possible de la ranimer. Si la nouvelle de son décès, rapidement rendue publique, a provoqué une émotion sincère à Hollywood, elle n’a pas surpris outre-mesure les commentateurs, tant d’une part l’actrice semblait artistiquement morte depuis plusieurs années, et tant, d’autre part, les rumeurs d’addiction à la cocaïne, de dépression et d’anorexie allaient bon train depuis plusieurs années déjà.

Brittany Murphy vivait avec sa mère et son époux dans une luxueuse propriété de Los Angeles qu’elle avait rachetée à Britney Spears quelques années auparavant. C’est là, dans un ménage à trois forcément malsain, qu’elle a passé ses derniers mois. D’un côté, Sharon Murphy, sa mère, qui l’a élevée seule (le papa, Angelo Bertolotti, ayant passé l’entièreté de l’enfance de sa fille derrière les barreaux), qui a tout accepté pour que sa fille puisse faire carrière, quittant avec elle New York pour Los Angeles au début des années 90 pour favoriser son éclosion. De  l’autre, Simon Monjack, son mari, escroc à la petite semaine et scénariste raté, dans lequel Brittany, en bonne sous-Marilyn qu’elle était, a sûrement vu le parfait sous-Arthur Miller pour lui écrire, guidé par l'amour, ses plus grands rôles.

Car s’il y a un soupçon de Norma Jean Baker dans la carrière de Brittany Murphy (son talent comique, son hypersensualité), il y a des tonnes et des tonnes de Marilyn Monroe dans sa mort. Cinq ans et demi plus tard, les causes n’en sont toujours pas claires, et petit à petit, on se résigne à ce qu’elles ne le soient jamais. Le rapport d’autopsie, publié deux jours après le décès, évoque une pneumonie, une anémie et un abus de médicaments, coupant court aux rumeurs d’overdose. Il se murmure également que si elle avait été conduite ne serait-ce que vingt-quatre heures plus tôt à l’hôpital, elle aurait pu être sauvée, mais sa peur des paparazzis (par lesquels elle s’estimait harcelée) et la volonté de son entourage (en l’occurrence sa mère) de ne pas la contrarier, auraient empêché ce salutaire transfert d’avoir lieu.

Toutes les spéculations restaient donc ouvertes jusqu’à ce que, six mois plus tard, éclate un nouveau coup de théâtre : le veuf de Brittany, Simon Monjack, était à son tour retrouvé mort, dans la même salle de bain, et apparemment des mêmes causes (pneumonie, anémie, surconsommation de médicaments). Une nouvelle enquête permit alors d’ajouter une hypothèse supplémentaire à ces décès : la forte présence de moisissures (eh oui...) dans la maison des Murphy-Monjack, qui auraient intoxiqué le couple jusqu’à s’avérer fatales.


La stèle de la défunte.

D’autres possibilités, plus farfelues (quoique…) circulent, et parmi elles, celles d’un double assassinat politique. Bien qu’on ne lui ait connu, contrairement à Marilyn, aucune accointance avec le pouvoir, ni qu’elle se soit jamais publiquement livrée à des activités de dissidences, Brittany et son mari vivaient depuis de longs mois, semble-t-il, dans la peur constante d’être surveillés par les services secrets américains. En cause : le soutien qu’ils avaient affiché aux lanceurs d’alertes (Wikileaks en était alors à ses balbutiements).

En 2013, nouveau rebondissement : le père de Brittany, Angelo Bertolotti, rend publics les résultats d’une enquête indépendante qu’il a lui-même commandée après avoir dû batailler pour obtenir des cheveux, des tissus et du sang de sa fille. Les conclusions du laboratoire (auquel il a été demandé de rechercher également les métaux lourds et les toxines, ce que n’avaient pas fait les services de médecine légale de Los Angeles) sont lourdes : exposition à des métaux lourds à des niveaux largement supérieurs à ceux recommandés par l’OMS, vraisemblablement administrée par un tiers et avec une intention criminelle probable. En d’autres termes, empoisonnement à la mort-aux-rats ou à l’insecticide, ce que semblent accréditer les symptômes ressentis par l’actrice et son mari durant les mois qui ont précédé sa mort, à savoir étourdissements, crampes, toux, pneumonie, tachycardie, tremblements, problèmes intestinaux, cutanés, neurologiques et respiratoires.

Sans la désigner ouvertement, Angelo Bertolotti met ainsi en cause son ex-femme, Sharon Murphy. Qui d’autre vivait aux côtés du couple ? Qui d’autre aurait pu les empoisonner doucement, à petit feu ? Evidemment, celle-ci fait tout pour discréditer les conclusions de l’enquête, et de façon tout aussi prévisible, l’affaire tourne à un écharpement des parents par médias interposés, spectacle aussi inévitable que pathétique, le père accusant la mère d’avoir vendu au prix fort tous les biens de sa fille, jusqu’à son passeport, et celle-ci répliquant en pointant du doigt la place toute relative que Bertolotti occupait dans la vie de Brittany et suspectant à haute voix une envie de gloriole facile chez son ancien compagnon.


L'affiche de Deadline, l'un de ses derniers films.



Mais derrière la possible solution criminelle, il y a les derniers jours de l’actrice, recluse dans sa maison qu’elle venait de faire équiper du même système de sécurité que les agences bancaires américaines, virée quelques semaines plus tôt du tournage d’un film car apparemment devenue ingérable, bannie de la pharmacie la plus proche de chez elle car y achetant parfois jusqu’à trente-deux médicaments différents, évincée du film Happy Feet 2 alors que sa prestation dans le premier avait été justement saluée… Il y a aussi ses derniers films, tristement prémonitoires. En 2007, The Dead Girl (en français : La Morte), dans lequel elle interprète évidemment le rôle-titre, celui de Krista, une jeune femme retrouvée morte et dont il faut attendre la fin du film pour connaître les circonstances du décès. En 2009, quelques mois avant sa mort, Deadline (Dernier délai), dont l’affiche la présente, hébétée, dans une baignoire, comme une vision de sa triste fin - même si, contrairement à ce qu'ont annoncé plusieurs médias français de façon erronée, c'est dans sa salle de bain et non dans sa baignoire que Brittany a été retrouvée, une erreur de traduction étant vraisemblablement en cause, bathroom ayant été confondu avec bathtub.

Une autre prémonition, plus ancienne, fait elle aussi surface : le choix de l’actrice, dès le début des années 90, de faire carrière sous le nom de sa mère, Murphy, plutôt que sous son véritable nom à elle, Brittany Anne Bertolotti. Murphy, comme la célèbre loi de Murphy qui stipule que « tout ce qui est susceptible de mal tourner tournera nécessairement mal », ou, en d’autres termes, que « s’il existe au moins deux façons de faire quelque chose, et qu’au moins l’une de ceux deux façons peut entraîner une catastrophe, il se trouvera forcément quelqu’un pour emprunter cette voie ».  Cette loi, que l’on doit à l’ingénieur en aérospatiale Edward Aloysius Murphy Jr (aucun lien), a entraîné un dérivé célèbre, celui de la tartine beurrée, qui stipule qu’une tartine beurrée chutant à terre tombera systématiquement du côté beurré. En choisissant de s’appeler Brittany Murphy, l’apprentie comédienne prenait un risque inconsidéré : s’il y a au moins deux façons de conduire sa carrière et qu’au moins l’une de ces deux façons peut entraîner une catastrophe, il se trouvera forcément quelqu’un pour emprunter cette voie, c’est-à-dire que tout ce qui est susceptible de faire rater une carrière avant d’entraîner la mort fera rater la carrière et entraînera la mort. Se placer délibérément sous cette épée de Damoclès n'était pas forcément l'idée la plus brillante que puisse avoir une actrice débutante.


Encore vivante et déjà la corde au cou...



Encore derrière ces signes avant-coureurs et autres superstitions, il y a surtout le gigantesque suicide professionnel qu’a constitué sa carrière post-2006 (c’est-à-dire, curieusement, depuis sa rencontre avec Simon Monjack, qui l’aurait beaucoup entretenue dans un repli sur elle-même et une crainte du monde extérieur injustifiés). Et il y a son naturel, de fille drôle, blagueuse, souvent légère et un peu dilettante, de fille qui ne se prenait pas au sérieux, de fille qui n’avait finalement pas tant que ça confiance en elle. De fille pour qui, tout compte fait, Hollywood n’était pas vraiment l'endroit idéal. Il paraît que quelques jours avant sa disparition, Brittany avait formulé le vœu de quitter Los Angeles pour revenir à New York, la ville dans laquelle elle avait passé son enfance, et d’arrêter le cinéma pour faire du théâtre. Cinq ans après, je me dis que ce n’était pas forcément une mauvaise idée – en revanche, ça venait indéniablement un peu tard. 



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