L'Allemand Mario Götze, buteur décisif, avec sa petite amie et les enfants de son coéquipier Jérome Boateng, quelques minutes après la victoire des siens en finale contre l'Argentine. |
Les instants les plus mythiques offerts par la Coupe du
Monde depuis 1998 avaient fait l’objet d’un dossier, juste avant le début du
Mondial 2014. Un an après le tournoi, le temps est venu de revenir sur les
quelques moments de cette vingtième édition qui méritent vraiment de passer à
la postérité. Un retour en trois coups.
1)
Le coup de sang de Suarez
Il arrive que certains joueurs entretiennent un rapport
particulier, pour ne pas dire privilégié avec la Coupe du Monde, qu’ils la
marquent de leur empreinte à chacune de leurs apparitions. Le plus illustre d’entre eux est sans doute l’Argentin Diego Maradona, non-sélectionné à peine
pubère mais déjà furibard en 1978, savaté selon toutes les règles de l’art et
finalement expulsé en 1982, vainqueur de la compétition quasiment à lui tout
seul en 1986, héros tragique de l’opéra napolitain Italie – Argentine en 1990
et exclu pour dopage en 1994. Un peu plus de vingt ans après lui, le fantasque
Uruguayen Luis Suarez semble marcher sur ses pas.
Lors du Mondial sud-africain de 2010, sa première
participation à l’épreuve, il avait brillé à la pointe de l’attaque de la
Celeste, associé à un Diego Forlan élu meilleur joueur du tournoi, et
contribuant avec talent (trois buts et deux passes décisives) au beau parcours
des siens, demi-finalistes surprise de l’épreuve. Mais c’est surtout sa main,
entrée depuis dans la légende de la compétition (et première de mon top 11 des meilleurs moments récents offerts par la Coupe du Monde), qui avait été
médiatisée. Quatre ans plus tard, à l’entame du Mondial brésilien, Suarez a
changé de statut : de jeune avant-centre prometteur évoluant à l’Ajax Amsterdam,
il s’est mué en fer de lance de l’attaque de Liverpool, a été sacré meilleur
buteur européen de la saison et est attendu au tournant, pressenti pour être
l’une des grandes stars de cette édition.
Suarez fou de joie après son second but face à l'Angleterre. |
Néanmoins, son équipe, l’Uruguay, n’a pas été gâtée au
tirage au sort et a écopé d’un groupe particulièrement relevé, avec le
Costa Rica, l’Angleterre et surtout l’Italie, vice-championne d’Europe en
titre. Pour ne rien arranger, Suarez, mal remis d’une blessure, ne peut prendre
part au premier match des siens et assiste, impuissant, à la déroute de la
Celeste face à un surprenant Costa Rica vainqueur trois buts à un. Cinq jours
plus tard, les Uruguayens n’ont déjà plus le droit à l’erreur pour leur second
match face à l’Angleterre, qui a été battue elle aussi pour son premier match,
face à l’Italie : le perdant de la rencontre sera éliminé de la
compétition. Le sélectionneur uruguayen, Oscar Tabarez, joue son va-tout et
décide d’aligner Suarez d’entrée de jeu, malgré son état de forme incertain.
L’histoire lui donne raison : grâce à un doublé de son buteur vedette, la
Celeste s’impose 2 – 1 et revient dans la course pour la qualification. Tout se
jouera lors du troisième et dernier match, face à l’Italie.
Lorsque débute la rencontre décisive, l’atmosphère est lourde
d’une pression presque palpable. Plus qu’à un match de poule, c’est à un vrai
seizième de finale que les deux formations participent : le vainqueur se
qualifiera pour les huitièmes, le perdant sera éliminé. C’est le moment que va
choisir Luis Suarez pour littéralement péter les plombs, en direct devant 40000
spectateurs et les télés du monde entier. Sur un ballon aérien apparemment
anodin, en fin de deuxième mi-temps et alors que le score est toujours de zéro
zéro, l’attaquent uruguayen, se désintéressant totalement du jeu, se retourne
vers le défenseur chargé de le marquer, l’Italien Giorgio Chiellini, et le mord
à l’épaule.
Suarez a beau faire semblant d’être tombé et de s’être fait
mal à la gencive (dans ce qui est sans doute l’une des tentatives de simulation
les plus pathétiques de l’histoire), la trace de morsure sur l’épaule de
Chiellini est éloquente, et le ralenti, accablant, confirme l’intentionnalité
du geste de l’Uruguayen. Mais l’arbitre n’a rien vu, et une minute plus tard,
l’Uruguay ouvre le score, résiste jusqu’au bout, et se qualifie. Mais la seule
question qui est sur toutes les lèvres est alors celle-ci : pourquoi une
telle folie de la part de Suarez ? La réponse est aussi triste que
drôle : parce qu’il n’a pas pu se retenir.
Chiellini tente une quenelle pendant que Suarez compte ses incisives. |
En effet, rayon morsures, l’Uruguayen est un dangereux récidiviste. C’est ainsi la troisième fois, déjà, qu’il s’en prend de la sorte
à un adversaire. Ses deux précédents essais, l’un alors qu’il portait la
tunique de l’Ajax, l’autre pendant un Liverpool – Chelsea qui sentait le
soufre, lui avaient valu auparavant, outre les tendres surnoms de Vampire et de
Cannibale, une belle flopée de suspension (par ailleurs, outre ses buts
totalement dingues, il s’était également fait remarquer en traitant Patrice
Evra de « Noir de merde »).
Juste après le match, Internet s’embrase, multipliant les détournements du
geste de l’Uruguayen et appelant à une juste sanction.
Face à ce cas à peu près unique de footballeur
anthropophage, la FIFA n’a pas souhaité transiger : Luis Suarez, exclu
manu militari du Mondial, écope de neuf matches de suspension en sélection
nationale ainsi que de quatre mois d’interdiction de toute activité liée au
football (il profitera de cette période d’inactivité pour signer à Barcelone
pour la modique somme de 85 millions, et un an plus tard, il a remporté le
championnat et la coupe d’Espagne ainsi que la Ligue des Champions). De son
côté, l’équipe d’Uruguay, orpheline de son meilleur joueur, se fait sèchement
éliminer par la Colombie en huitième de finale. On les attend avec impatience
pour 2018.
2)
Le coup de poker de Louis Van Gaal et Tim Krul
Nous sommes en quart-de-finale de Coupe du Monde. Plus
précisément, dans les dernières minutes de la prolongation d’un quart-de-finale
de Coupe du Monde. Les Pays-Bas, éternel favori malheureux, affrontent le
Costa-Rica, équipe surprise de la compétition. Normalement, le suspense devrait
être éventé depuis longtemps, normalement, le match devrait même être terminé
depuis près d’une demi-heure : finaliste de l’édition précédente, auteur
pendant les poules d’une spectaculaire démonstration face au tenant du titre
espagnol (5 – 1 pour les Bataves) et alignant, sous la houlette du tacticien
Louis Van Gaal, un certain nombre de joueurs aux noms aussi ronflants que
Wesley Sneijder, Robin Van Persie ou Arjen Robben, la Hollande était censée ne
faire qu’une bouchée du petit poucet costaricien.
Mais d’un bout à l’autre de la partie, si la défense du
Costa-Rica a souvent été au supplice, elle a tenu bon, et son gardien, Keylor Navas,
a réalisé de véritables prouesse pour garder son but inviolé. A la surprise
générale et malgré de nombreuses tentatives de l’attaque néerlandaise, le score
était toujours de 0 – 0 quand l’arbitre a sifflé la fin du temps règlementaire.
Il a donc fallu passer par les prolongations pour décider d’un vainqueur. Et
même là, c’est en train de ne pas suffire : les Hollandais dominent,
incontestablement, mais il est toujours un pied, un genou, un torse costaricien
pour stopper les offensives de Robben et de ses partenaires, et compte tenu de la vitesse à laquelle
le temps se met à défiler, il semble à chaque instant plus certain que les deux
équipes vont devoir se départager au moyen de la terrible épreuve des
tirs au but.
Louis Van Gaal entouré par ses disciples. |
Sur le banc hollandais, un homme réfléchit. C’est Louis Van
Gaal. Louis Van Gaal n’est pas n’importe qui. C’est un génie tactique,
vainqueur en 1995 de la Ligue des Champions avec un Ajax de gamins, au nez et à
la barbe du grand Milan AC. C’est lui aussi, qui a remis sur les rails le
Bayern de Munich, à la fin des années 2000. C’est encore lui qui a conduit les
anonymes d’Alkmaar au sacre en championnat néerlandais. Problème : si Van
Gaal est un stratège reconnu de tous, il traîne également la réputation d’être
un fou ingérable. Depuis de ses deux passages sur le banc du Barça, il peut se
targuer d’être l’homme qui est passé le plus près de faire littéralement
imploser le club catalan. La légende raconte que lors d’un discours
particulièrement incisif qu’il avait tenu à ses joueurs avant un match, emporté
par sa fougue, il avait baissé son pantalon et exhibé ses parties à ses
joueurs. Depuis 2012, il est sélectionneur des Pays-Bas. Après une belle phase
de qualification, le début de Mondial de ses joueurs a été excellent, et
largement à mettre à son actif. Il a de plus imposé un style inimitable :
sa cravate est orange, assortie au maillot de la sélection, et ses adjoints, au
lieu de faire ce que font leurs confrères des autres sélections (c’est-à-dire
filer des bouteilles d’eau aux joueurs, donner des consignes aux remplaçants
qui s’échauffent ou gueuler sur l’arbitre), passent leur temps assis à côté de
lui, à prendre des notes. Car pour Louis Van Gaal, ce ne sont pas ses adjoints.
Ce sont ses élèves. Nul doute qu’ils auront apprécié le dernier coup du Maître.
Car en réfléchissant, Van Gaal a bien compris ce qui allait
se passer. Non, aucun but ne serait plus marqué, ses joueurs commençant à être
aussi fatigués que leurs adversaires, et trop peu de temps restant à jouer. Ce
serait donc les tirs au but, un exercice qui a rarement souri aux Hollandais
par le passé. Et cette fois-ci, ce serait pire : déjà en plein doute,
déstabilisés par la résistance inattendue de leur adversaire, les Oranjes
allaient de surcroît se présenter pour tirer face à un Keylor Navas en pleine
confiance, qui disposait d’un avantage psychologique sur à peu près tous les
tireurs potentiels. Ce serait donc une boucherie, et une énième déception
néerlandaise en Coupe du Monde.
Mais Louis Van Gaal n’a pas dit son dernier mot. Alors qu’il
ne reste qu’un peu plus d’une minute, il appelle l’un des remplaçants en train
de s’échauffer. Surprise : il s’agit du troisième gardien, Tim Krul, qui
s’approche, et enlève son survêtement, comme s’il s’apprêtait à entrer en jeu.
La surprise devient stupeur quand effectivement, le gardien hollandais, Jasper
Cillessen, quitte ses partenaires et que Krul entre sur le terrain. Louis Van
Gaal vient de changer de gardien juste avant la séance de tirs-aux-buts,
coup tactique parfois évoqué sur le ton
de la blague, mais jamais réalisé à ce niveau. Les commentateurs de la planète entière, sous le choc, ne savent pas s’ils doivent rire ou pleurer, les joueurs sont médusés.
Quelques secondes plus tard, l’arbitre siffle la fin de la
rencontre. L’heure tant redoutée est arrivée, mais cette fois-ci, la peur a
changé de camp. Ce ne sont plus les Hollandais qui sont effrayés à l’idée
d’affronter un gardien qui les a écœurés d’un bout à l’autre de la rencontre,
ce sont les Costariciens qui, tout à coup, redoutent d’aller affronter
l’inconnu qui vient de prendre place dans le but oranje. Car Tim Krul est un
beau bébé : 1m93 pour 85kg, mal rasé, il évolue pendant l’année dans le
club de Newcastle, c’est un habitué des bas-fonds un peu glauques du championnat
anglais. Il va profiter de l’occasion pour dévoiler à la planète ses talents de
showman : dès le début de la séance de tirs-aux-buts, il va intimider les
joueurs costariciens, leur parle, les déconcentre, vient les toiser. Son
attitude est à ce point inhabituelle que l’arbitre le sanctionne d’un carton jaune,
ce qui est rarissime en de telles circonstances.
Adieu, monde Krul. |
Mais le harcèlement psychologique paye : à chaque tir
d’un joueur du Costa-Rica, Tim Krul plonge du bon côté. Mieux, pendant que ses
partenaires Van Persie, Robben, Sneijder et Kuyt réussissent leurs penalties, il
parvient à bloquer une tentative adverse. Et lorsque Michael Umaña se présente
face à lui pour un tir au but qui peut être décisif, il choisit à nouveau le bon
côté, et réussit à arrêter la frappe. Les Pays-Bas sont qualifiés pour la
demi-finale. Tim Krul vient de connaître son quart d’heure warholien, il est le
héros du match, lui qui n’est même pas réputé si bon stoppeur de penalties que
ça. Mais celui dont tout le monde parle, c’est Louis Van Gaal. L’entraîneur
hollandais vient officiellement de devenir le premier sélectionneur à se
qualifier pour une demi-finale de Coupe du Monde au bluff, en procédant à ce
qui est sans doute le remplacement le plus spectaculaire de l’histoire de la
compétition.
3)
Le coup de tonnerre du Mineirazo
Le 8 juillet 2014, à Belo Horizonte, devant les 58000
spectateurs de l’Estadio Mineirão, le Brésil affrontait l’Allemagne en
demi-finale de la Coupe du Monde. Entre deux des équipes les plus titrées de
l’Histoire (cinq sacres mondiaux pour le Brésil, trois pour l’Allemagne), l’enjeu
était simple : une place en finale. Mais pour les Brésiliens, il y avait
un peu plus. En effet, c’est à domicile que la Seleçao a disputé le Mondial
2014, et ce dans un climat assez compliqué.
D’un côté, il y avait un important mouvement populaire de
contestation, qui prenait principalement pour cible la présidente du pays,
Dilma Rousseff, et comme prétexte la tenue même de la compétition sur le sol
brésilien, l’organisation du Mondial étant unanimement trouvée beaucoup trop
coûteuse pour une société auriverde encore massivement victime de la pauvreté.
De l’autre côté, il y avait les fantômes du passé, et principalement de la
Coupe du Monde 1950 : en effet, si le Brésil détient le record de
victoires en Coupe du Monde, il n’a jamais réussi à l’emporter quand le tournoi
se disputait sur ses terres, et la précédente édition brésilienne, en 1950
donc, avait vu l’Uruguay coiffer au poteau l’organisateur brésilien, dans ce
que l’on a appelé le Maracanazo – une inattendue victoire par deux buts à un, devant
les 200000 (record historique d’affluence pour une rencontre de football)
spectateurs du mythique stade Maracana de Rio, avec la clé un deuxième sacre mondial pour les Uruguayens et un traumatisme durable pour les Brésiliens qui s'imaginaient déjà champions du monde avant ce dernier match.
Dans les tribunes de l'Estadio Mineirão... |
C’est donc avec une pression assez inimaginable que la
Seleçao avait débuté sa Coupe du
Monde, ce qui se traduisait par une reprise a
capella par les joueurs de l’hymne brésilien avant les matches (pour faire symbiose avec
leur peuple) et par de nombreuses et incessantes prières avant, pendant et
après les rencontres (pour faire symbiose avec Dieu). L’état émotionnel des joueurs
était tel qu’ils paraissaient toujours à deux doigts de fondre en larmes, et le
parcours stressant qui avait été le leur jusqu’à cette demi-finale n’avait rien
arrangé. En effet, le Brésil avait dû batailler ferme pour s’extraire d’une
poule pas évidente (Cameroun, Mexique, Croatie), avait bénéficié d’un miracle
pour passer le stade des huitièmes (à la dernière minute de la prolongation
contre le Chili, l’attaquant chilien Pinilla avait expédié une puissante frappe
sur la barre transversale et le Brésil s’était qualifié, cinq minutes plus
tard, grâce aux tirs aux buts), et si le quart de finale contre la Colombie
avait sans doute été le meilleur match de la Seleçao (qualification 2 – 1), ce
fut une authentique victoire à la Pyrrhus, les Brésiliens y laissant deux
de leurs meilleurs joueurs, le défenseur Thiago Silva, suspendu, et l’attaquant
Neymar, seule véritable star offensive de l’équipe, qu’un choc avec un milieu
colombien avait blessé assez sérieusement.
Neymar et Thiago Silva auraient-ils pu suffire pour inverser
la donne face aux Allemands ? On ne le saura jamais. Néanmoins, on peut
imaginer qu’avec eux, l’addition aurait été moins lourde. Car cette demi-finale
face à l’Allemagne va rapidement tourner au jeu de massacre, avec dans le rôle
de la victime, une équipe du Brésil totalement déboussolée et dans celui du bourreau, une équipe d'Allemagne fidèle à sa réputation de favorite du tournoi. Dès la onzième
minute, c’est le jeune attaquant bavarois Thomas Müller qui va trouver
l’ouverture et inscrire le premier but du match. Désarçonnés par ce but précoce,
les Brésiliens vont alors tout faire pour revenir au score le plus rapidement
possible. Mal leur en prendra : le tsunami qui va suivre n’a tout simplement aucun
précédent dans l’histoire de la Coupe du Monde.
Dès la 23ème minute, les Allemands trouvent à
nouveau le chemin des filets, par l’intermédiaire du vétéran Miroslav Klose.
Avec deux buts de handicap, l’affaire devient sérieusement préoccupante pour
les Brésiliens, sans compter que ce but est une petite humiliation en
soi : il s’agit du seizième but marqué par Klose en Coupe du Monde (cinq
en 2002, cinq en 2006, quatre en 2010 et deux en 2014), ce qui en fait le
nouveau recordman de l’histoire de l’épreuve, au nez et à la barbe des quinze
buts marqués par le Brésilien Ronaldo (quatre en 1998, huit en 2002 et trois en
2006), et offre, au bout de moins de vingt-cinq minutes, une première victoire
symbolique à la Mannschaft.
Mais si l'affaire s'annonce mal engagée, personne n'imagine encore que l'impensable va se produire : les
Brésiliens vont spectaculairement sombrer en l’espace d’à peine plus de cinq
minutes, au point de pratiquement disparaître de la pelouse. Moins de soixante secondes après le but de Klose, profitant de l’apathie
de la défense auriverde, visiblement
sonnée, les Allemands vont inscrire un nouveau but, par l’intermédiaire de Toni
Kroos, qui va encore doubler la mise à peine deux minutes plus tard, quelques instants
avant que Sami Khedira ne marque à son tour. En à peine plus de cinq minutes,
le score passe de 1 – 0 pour les Allemands, à 5 – 0, et ce alors que le match
n’a commencé que depuis une demi-heure.
Le moyen le plus facile pour les Brésiliens de trouver le chemin des filets au cours de cette demi-finale. |
La fébrilité des joueurs brésiliens, déjà largement perceptible depuis le début du tournoi, éclate au grand jour. Eux qui espéraient se qualifier pour la finale
devant leur public se retrouvent humiliés en place publique. Même les Allemands
sentent qu’ils sont en train de faire quelque chose de moche et décident de
lever un peu le pied, tandis que les télés du monde entier, plutôt que de montrer
le jeu, préfèrent compiler les plans des supporters brésiliens, abasourdis et
en larmes dans les tribunes. En deuxième mi-temps, la Seleçao tentera bien de
réagir pour, à défaut de remporter le match, récupérer un peu de l’estime de
ses supporters, mais rien n’y fera, et l’Allemagne marquera encore deux
nouveaux buts et il faudra attendre la dernière minute de la partie pour que le
jeune Oscar, dans l’indifférence la plus totale, réussisse enfin à sauver
l’honneur pour les siens.
Le score final est donc de sept buts à un pour l’Allemagne,
soit l’écart le plus important jamais vu entre deux équipes en demi-finale de
Coupe du Monde, mais également la défaite la plus lourde jamais subie par le
Brésil, la plus large déroute pour un pays organisateur de Coupe du Monde et la
première défaite des Brésiliens en match officiel à domicile depuis 1975.
L’onde de choc est immense, évidemment. Les Allemands se retrouvent favoris
numéro un pour la victoire finale, avant même de connaître leur adversaire
(Pays-Bas et Argentine doivent s’affronter le lendemain dans l’autre
demi-finale). Les Brésiliens, eux, n’ont plus que leurs yeux pour pleurer, et
se répandent en excuses vis-à-vis de leurs compatriotes, à l’image d’un David Luiz, capitaine d’un soir de la Selaçao, les yeux embués et la voix remuée de
sanglots, incapable de quoi que ce soit d’autre que de répéter, hagard, au
micro qu’il voulait « juste donner du bonheur au peuple brésilien ».
Si la défaite de 1950 face à l’Uruguay, grand traumatisme
footballistique national s’il en est, avait rapidement acquis le surnom de
Maracanazo (en référence au stade du Maracana, le « zo » ou
« ço » signifiant « choc »), cette nouvelle déroute ne
tarde pas à se forger l'appellation de Mineirazo, signe de sa place à part dans
l’histoire du football brésilien – place, vraisemblablement, très
inconfortable, pour ne pas dire maudite. Après un nouveau revers sec lors du
match pour la troisième place face aux Pays-Bas (3 – 0), les Brésiliens partent
en vacances, la tête de basse, tandis que leur sélectionneur, Luis Felipe
Scolari, est renvoyé. Il leur faudra, à tous, de longs mois avant de se remettre du traumatisme.
Tu as le don de choisir les photos : que de frissons en revoyant la joie indescriptible de Suarez contre l'Angleterre !
RépondreSupprimerEt même si j'étais ravi de la prestation allemande en demi-finale, étrange, un an après, les photos des supporters auriverde dépités m'attristent beaucoup. Cette gamine, mais aussi le papi moustachu (il avait eu un article sur lui dans SF à sa mort je crois, il y a quelques mois) qui serrait une réplique du trophée dans ses bras, les yeux larmoyants, c'était quelque chose.
Ah, moi j'étais plutôt pour le Brésil, mais sans plus. J'espérais avant tout assister à un beau match de football, et je dois avouer que ces attentes ont été vites déçues, tant le niveau moyen du match et son suspense étaient nuls. En revanche, l'explosion en vol de l'équipe du Brésil est un épisode d'anthologie, un coup de poing qui résonne longtemps. Pour l'anecdote, j'ai regardé le match avec un copain colombien, il a eu le malheur d'arriver avec une demi-heure du match et donc de rater les cinq premiers buts, ça ne l'a pas empêché de passer toute la soirée hébété. Le score dépasse le match, c'est rarissime !
Supprimer