samedi 1 août 2015

Onze moments mythiques de Coupe du Monde : Bonus 2014

L'Allemand Mario Götze, buteur décisif, avec sa petite amie et les enfants de son coéquipier Jérome Boateng, quelques minutes après la victoire des siens en finale contre l'Argentine.


Les instants les plus mythiques offerts par la Coupe du Monde depuis 1998 avaient fait l’objet d’un dossier, juste avant le début du Mondial 2014. Un an après le tournoi, le temps est venu de revenir sur les quelques moments de cette vingtième édition qui méritent vraiment de passer à la postérité. Un retour en trois coups.


1)      Le coup de sang de Suarez

Il arrive que certains joueurs entretiennent un rapport particulier, pour ne pas dire privilégié avec la Coupe du Monde, qu’ils la marquent de leur empreinte à chacune de leurs apparitions. Le plus illustre d’entre eux est sans doute l’Argentin Diego Maradona, non-sélectionné à peine pubère mais déjà furibard en 1978, savaté selon toutes les règles de l’art et finalement expulsé en 1982, vainqueur de la compétition quasiment à lui tout seul en 1986, héros tragique de l’opéra napolitain Italie – Argentine en 1990 et exclu pour dopage en 1994. Un peu plus de vingt ans après lui, le fantasque Uruguayen Luis Suarez semble marcher sur ses pas.

Lors du Mondial sud-africain de 2010, sa première participation à l’épreuve, il avait brillé à la pointe de l’attaque de la Celeste, associé à un Diego Forlan élu meilleur joueur du tournoi, et contribuant avec talent (trois buts et deux passes décisives) au beau parcours des siens, demi-finalistes surprise de l’épreuve. Mais c’est surtout sa main, entrée depuis dans la légende de la compétition (et première de mon top 11 des meilleurs moments récents offerts par la Coupe du Monde), qui avait été médiatisée. Quatre ans plus tard, à l’entame du Mondial brésilien, Suarez a changé de statut : de jeune avant-centre prometteur évoluant à l’Ajax Amsterdam, il s’est mué en fer de lance de l’attaque de Liverpool, a été sacré meilleur buteur européen de la saison et est attendu au tournant, pressenti pour être l’une des grandes stars de cette édition.

Suarez fou de joie après son second but face à l'Angleterre.
Néanmoins, son équipe, l’Uruguay, n’a pas été gâtée au tirage au sort et a écopé d’un groupe particulièrement relevé, avec le Costa Rica, l’Angleterre et surtout l’Italie, vice-championne d’Europe en titre. Pour ne rien arranger, Suarez, mal remis d’une blessure, ne peut prendre part au premier match des siens et assiste, impuissant, à la déroute de la Celeste face à un surprenant Costa Rica vainqueur trois buts à un. Cinq jours plus tard, les Uruguayens n’ont déjà plus le droit à l’erreur pour leur second match face à l’Angleterre, qui a été battue elle aussi pour son premier match, face à l’Italie : le perdant de la rencontre sera éliminé de la compétition. Le sélectionneur uruguayen, Oscar Tabarez, joue son va-tout et décide d’aligner Suarez d’entrée de jeu, malgré son état de forme incertain. L’histoire lui donne raison : grâce à un doublé de son buteur vedette, la Celeste s’impose 2 – 1 et revient dans la course pour la qualification. Tout se jouera lors du troisième et dernier match, face à l’Italie.

Lorsque débute la rencontre décisive, l’atmosphère est lourde d’une pression presque palpable. Plus qu’à un match de poule, c’est à un vrai seizième de finale que les deux formations participent : le vainqueur se qualifiera pour les huitièmes, le perdant sera éliminé. C’est le moment que va choisir Luis Suarez pour littéralement péter les plombs, en direct devant 40000 spectateurs et les télés du monde entier. Sur un ballon aérien apparemment anodin, en fin de deuxième mi-temps et alors que le score est toujours de zéro zéro, l’attaquent uruguayen, se désintéressant totalement du jeu, se retourne vers le défenseur chargé de le marquer, l’Italien Giorgio Chiellini, et le mord à l’épaule.

Suarez a beau faire semblant d’être tombé et de s’être fait mal à la gencive (dans ce qui est sans doute l’une des tentatives de simulation les plus pathétiques de l’histoire), la trace de morsure sur l’épaule de Chiellini est éloquente, et le ralenti, accablant, confirme l’intentionnalité du geste de l’Uruguayen. Mais l’arbitre n’a rien vu, et une minute plus tard, l’Uruguay ouvre le score, résiste jusqu’au bout, et se qualifie. Mais la seule question qui est sur toutes les lèvres est alors celle-ci : pourquoi une telle folie de la part de Suarez ? La réponse est aussi triste que drôle : parce qu’il n’a pas pu se retenir.

Chiellini tente une quenelle pendant que Suarez compte ses incisives.
En effet, rayon morsures, l’Uruguayen est un dangereux récidiviste. C’est ainsi la troisième fois, déjà, qu’il s’en prend de la sorte à un adversaire. Ses deux précédents essais, l’un alors qu’il portait la tunique de l’Ajax, l’autre pendant un Liverpool – Chelsea qui sentait le soufre, lui avaient valu auparavant, outre les tendres surnoms de Vampire et de Cannibale, une belle flopée de suspension (par ailleurs, outre ses buts totalement dingues, il s’était également fait remarquer en traitant Patrice Evra de « Noir de merde »). Juste après le match, Internet s’embrase, multipliant les détournements du geste de l’Uruguayen et appelant à une juste sanction.

Face à ce cas à peu près unique de footballeur anthropophage, la FIFA n’a pas souhaité transiger : Luis Suarez, exclu manu militari du Mondial, écope de neuf matches de suspension en sélection nationale ainsi que de quatre mois d’interdiction de toute activité liée au football (il profitera de cette période d’inactivité pour signer à Barcelone pour la modique somme de 85 millions, et un an plus tard, il a remporté le championnat et la coupe d’Espagne ainsi que la Ligue des Champions). De son côté, l’équipe d’Uruguay, orpheline de son meilleur joueur, se fait sèchement éliminer par la Colombie en huitième de finale. On les attend avec impatience pour 2018.


2)      Le coup de poker de Louis Van Gaal et Tim Krul

Nous sommes en quart-de-finale de Coupe du Monde. Plus précisément, dans les dernières minutes de la prolongation d’un quart-de-finale de Coupe du Monde. Les Pays-Bas, éternel favori malheureux, affrontent le Costa-Rica, équipe surprise de la compétition. Normalement, le suspense devrait être éventé depuis longtemps, normalement, le match devrait même être terminé depuis près d’une demi-heure : finaliste de l’édition précédente, auteur pendant les poules d’une spectaculaire démonstration face au tenant du titre espagnol (5 – 1 pour les Bataves) et alignant, sous la houlette du tacticien Louis Van Gaal, un certain nombre de joueurs aux noms aussi ronflants que Wesley Sneijder, Robin Van Persie ou Arjen Robben, la Hollande était censée ne faire qu’une bouchée du petit poucet costaricien.

Mais d’un bout à l’autre de la partie, si la défense du Costa-Rica a souvent été au supplice, elle a tenu bon, et son gardien, Keylor Navas, a réalisé de véritables prouesse pour garder son but inviolé. A la surprise générale et malgré de nombreuses tentatives de l’attaque néerlandaise, le score était toujours de 0 – 0 quand l’arbitre a sifflé la fin du temps règlementaire. Il a donc fallu passer par les prolongations pour décider d’un vainqueur. Et même là, c’est en train de ne pas suffire : les Hollandais dominent, incontestablement, mais il est toujours un pied, un genou, un torse costaricien pour stopper les offensives de Robben et de ses partenaires, et compte tenu de la vitesse à laquelle le temps se met à défiler, il semble à chaque instant plus certain que les deux équipes vont devoir se départager au moyen de la terrible épreuve des tirs au but.

Louis Van Gaal entouré par ses disciples.
Sur le banc hollandais, un homme réfléchit. C’est Louis Van Gaal. Louis Van Gaal n’est pas n’importe qui. C’est un génie tactique, vainqueur en 1995 de la Ligue des Champions avec un Ajax de gamins, au nez et à la barbe du grand Milan AC. C’est lui aussi, qui a remis sur les rails le Bayern de Munich, à la fin des années 2000. C’est encore lui qui a conduit les anonymes d’Alkmaar au sacre en championnat néerlandais. Problème : si Van Gaal est un stratège reconnu de tous, il traîne également la réputation d’être un fou ingérable. Depuis de ses deux passages sur le banc du Barça, il peut se targuer d’être l’homme qui est passé le plus près de faire littéralement imploser le club catalan. La légende raconte que lors d’un discours particulièrement incisif qu’il avait tenu à ses joueurs avant un match, emporté par sa fougue, il avait baissé son pantalon et exhibé ses parties à ses joueurs. Depuis 2012, il est sélectionneur des Pays-Bas. Après une belle phase de qualification, le début de Mondial de ses joueurs a été excellent, et largement à mettre à son actif. Il a de plus imposé un style inimitable : sa cravate est orange, assortie au maillot de la sélection, et ses adjoints, au lieu de faire ce que font leurs confrères des autres sélections (c’est-à-dire filer des bouteilles d’eau aux joueurs, donner des consignes aux remplaçants qui s’échauffent ou gueuler sur l’arbitre), passent leur temps assis à côté de lui, à prendre des notes. Car pour Louis Van Gaal, ce ne sont pas ses adjoints. Ce sont ses élèves. Nul doute qu’ils auront apprécié le dernier coup du Maître.

Car en réfléchissant, Van Gaal a bien compris ce qui allait se passer. Non, aucun but ne serait plus marqué, ses joueurs commençant à être aussi fatigués que leurs adversaires, et trop peu de temps restant à jouer. Ce serait donc les tirs au but, un exercice qui a rarement souri aux Hollandais par le passé. Et cette fois-ci, ce serait pire : déjà en plein doute, déstabilisés par la résistance inattendue de leur adversaire, les Oranjes allaient de surcroît se présenter pour tirer face à un Keylor Navas en pleine confiance, qui disposait d’un avantage psychologique sur à peu près tous les tireurs potentiels. Ce serait donc une boucherie, et une énième déception néerlandaise en Coupe du Monde.

Mais Louis Van Gaal n’a pas dit son dernier mot. Alors qu’il ne reste qu’un peu plus d’une minute, il appelle l’un des remplaçants en train de s’échauffer. Surprise : il s’agit du troisième gardien, Tim Krul, qui s’approche, et enlève son survêtement, comme s’il s’apprêtait à entrer en jeu. La surprise devient stupeur quand effectivement, le gardien hollandais, Jasper Cillessen, quitte ses partenaires et que Krul entre sur le terrain. Louis Van Gaal vient de changer de gardien juste avant la séance de tirs-aux-buts, coup  tactique parfois évoqué sur le ton de la blague, mais jamais réalisé à ce niveau. Les commentateurs de la planète entière, sous le choc, ne savent pas s’ils doivent rire ou pleurer, les joueurs sont médusés.

Quelques secondes plus tard, l’arbitre siffle la fin de la rencontre. L’heure tant redoutée est arrivée, mais cette fois-ci, la peur a changé de camp. Ce ne sont plus les Hollandais qui sont effrayés à l’idée d’affronter un gardien qui les a écœurés d’un bout à l’autre de la rencontre, ce sont les Costariciens qui, tout à coup, redoutent d’aller affronter l’inconnu qui vient de prendre place dans le but oranje. Car Tim Krul est un beau bébé : 1m93 pour 85kg, mal rasé, il évolue pendant l’année dans le club de Newcastle, c’est un habitué des bas-fonds un peu glauques du championnat anglais. Il va profiter de l’occasion pour dévoiler à la planète ses talents de showman : dès le début de la séance de tirs-aux-buts, il va intimider les joueurs costariciens, leur parle, les déconcentre, vient les toiser. Son attitude est à ce point inhabituelle que l’arbitre le sanctionne d’un carton jaune, ce qui est rarissime en de telles circonstances.

Adieu, monde Krul.
Mais le harcèlement psychologique paye : à chaque tir d’un joueur du Costa-Rica, Tim Krul plonge du bon côté. Mieux, pendant que ses partenaires Van Persie, Robben, Sneijder et Kuyt réussissent leurs penalties, il parvient à bloquer une tentative adverse. Et lorsque Michael Umaña se présente face à lui pour un tir au but qui peut être décisif, il choisit à nouveau le bon côté, et réussit à arrêter la frappe. Les Pays-Bas sont qualifiés pour la demi-finale. Tim Krul vient de connaître son quart d’heure warholien, il est le héros du match, lui qui n’est même pas réputé si bon stoppeur de penalties que ça. Mais celui dont tout le monde parle, c’est Louis Van Gaal. L’entraîneur hollandais vient officiellement de devenir le premier sélectionneur à se qualifier pour une demi-finale de Coupe du Monde au bluff, en procédant à ce qui est sans doute le remplacement le plus spectaculaire de l’histoire de la compétition.


3)      Le coup de tonnerre du Mineirazo

Le 8 juillet 2014, à Belo Horizonte, devant les 58000 spectateurs de l’Estadio Mineirão, le Brésil affrontait l’Allemagne en demi-finale de la Coupe du Monde. Entre deux des équipes les plus titrées de l’Histoire (cinq sacres mondiaux pour le Brésil, trois pour l’Allemagne), l’enjeu était simple : une place en finale. Mais pour les Brésiliens, il y avait un peu plus. En effet, c’est à domicile que la Seleçao a disputé le Mondial 2014, et ce dans un climat assez compliqué.

D’un côté, il y avait un important mouvement populaire de contestation, qui prenait principalement pour cible la présidente du pays, Dilma Rousseff, et comme prétexte la tenue même de la compétition sur le sol brésilien, l’organisation du Mondial étant unanimement trouvée beaucoup trop coûteuse pour une société auriverde encore massivement victime de la pauvreté. De l’autre côté, il y avait les fantômes du passé, et principalement de la Coupe du Monde 1950 : en effet, si le Brésil détient le record de victoires en Coupe du Monde, il n’a jamais réussi à l’emporter quand le tournoi se disputait sur ses terres, et la précédente édition brésilienne, en 1950 donc, avait vu l’Uruguay coiffer au poteau l’organisateur brésilien, dans ce que l’on a appelé le Maracanazo – une inattendue victoire par deux buts à un, devant les 200000 (record historique d’affluence pour une rencontre de football) spectateurs du mythique stade Maracana de Rio, avec  la clé un deuxième sacre mondial pour les Uruguayens et un traumatisme durable pour les Brésiliens qui s'imaginaient déjà champions du monde avant ce dernier match.

Dans les tribunes de l'Estadio Mineirão...
C’est donc avec une pression assez inimaginable que la Seleçao avait débuté sa Coupe du Monde, ce qui se traduisait par une reprise a capella par les joueurs de l’hymne brésilien avant les matches (pour faire symbiose avec leur peuple) et par de nombreuses et incessantes prières avant, pendant et après les rencontres (pour faire symbiose avec Dieu). L’état émotionnel des joueurs était tel qu’ils paraissaient toujours à deux doigts de fondre en larmes, et le parcours stressant qui avait été le leur jusqu’à cette demi-finale n’avait rien arrangé. En effet, le Brésil avait dû batailler ferme pour s’extraire d’une poule pas évidente (Cameroun, Mexique, Croatie), avait bénéficié d’un miracle pour passer le stade des huitièmes (à la dernière minute de la prolongation contre le Chili, l’attaquant chilien Pinilla avait expédié une puissante frappe sur la barre transversale et le Brésil s’était qualifié, cinq minutes plus tard, grâce aux tirs aux buts), et si le quart de finale contre la Colombie avait sans doute été le meilleur match de la Seleçao (qualification 2 – 1), ce fut une authentique victoire à la Pyrrhus, les Brésiliens y laissant deux de leurs meilleurs joueurs, le défenseur Thiago Silva, suspendu, et l’attaquant Neymar, seule véritable star offensive de l’équipe, qu’un choc avec un milieu colombien avait blessé assez sérieusement.

Neymar et Thiago Silva auraient-ils pu suffire pour inverser la donne face aux Allemands ? On ne le saura jamais. Néanmoins, on peut imaginer qu’avec eux, l’addition aurait été moins lourde. Car cette demi-finale face à l’Allemagne va rapidement tourner au jeu de massacre, avec dans le rôle de la victime, une équipe du Brésil totalement déboussolée et dans celui du bourreau, une équipe d'Allemagne fidèle à sa réputation de favorite du tournoi. Dès la onzième minute, c’est le jeune attaquant bavarois Thomas Müller qui va trouver l’ouverture et inscrire le premier but du match. Désarçonnés par ce but précoce, les Brésiliens vont alors tout faire pour revenir au score le plus rapidement possible. Mal leur en prendra : le tsunami qui va suivre n’a tout simplement aucun précédent dans l’histoire de la Coupe du Monde.

Dès la 23ème minute, les Allemands trouvent à nouveau le chemin des filets, par l’intermédiaire du vétéran Miroslav Klose. Avec deux buts de handicap, l’affaire devient sérieusement préoccupante pour les Brésiliens, sans compter que ce but est une petite humiliation en soi : il s’agit du seizième but marqué par Klose en Coupe du Monde (cinq en 2002, cinq en 2006, quatre en 2010 et deux en 2014), ce qui en fait le nouveau recordman de l’histoire de l’épreuve, au nez et à la barbe des quinze buts marqués par le Brésilien Ronaldo (quatre en 1998, huit en 2002 et trois en 2006), et offre, au bout de moins de vingt-cinq minutes, une première victoire symbolique à la Mannschaft.

Mais si l'affaire s'annonce mal engagée, personne n'imagine encore que l'impensable va se produire : les Brésiliens vont spectaculairement sombrer en l’espace d’à peine plus de cinq minutes, au point de pratiquement disparaître de la pelouse. Moins de soixante secondes après le but de Klose, profitant de l’apathie de la défense auriverde, visiblement sonnée, les Allemands vont inscrire un nouveau but, par l’intermédiaire de Toni Kroos, qui va encore doubler la mise à peine deux minutes plus tard, quelques instants avant que Sami Khedira ne marque à son tour. En à peine plus de cinq minutes, le score passe de 1 – 0 pour les Allemands, à 5 – 0, et ce alors que le match n’a commencé que depuis une demi-heure.

Le moyen le plus facile pour les Brésiliens de trouver le chemin des filets au cours de cette demi-finale.
La fébrilité des joueurs brésiliens, déjà largement perceptible depuis le début du tournoi, éclate au grand jour. Eux qui espéraient se qualifier pour la finale devant leur public se retrouvent humiliés en place publique. Même les Allemands sentent qu’ils sont en train de faire quelque chose de moche et décident de lever un peu le pied, tandis que les télés du monde entier, plutôt que de montrer le jeu, préfèrent compiler les plans des supporters brésiliens, abasourdis et en larmes dans les tribunes. En deuxième mi-temps, la Seleçao tentera bien de réagir pour, à défaut de remporter le match, récupérer un peu de l’estime de ses supporters, mais rien n’y fera, et l’Allemagne marquera encore deux nouveaux buts et il faudra attendre la dernière minute de la partie pour que le jeune Oscar, dans l’indifférence la plus totale, réussisse enfin à sauver l’honneur pour les siens.

Le score final est donc de sept buts à un pour l’Allemagne, soit l’écart le plus important jamais vu entre deux équipes en demi-finale de Coupe du Monde, mais également la défaite la plus lourde jamais subie par le Brésil, la plus large déroute pour un pays organisateur de Coupe du Monde et la première défaite des Brésiliens en match officiel à domicile depuis 1975. L’onde de choc est immense, évidemment. Les Allemands se retrouvent favoris numéro un pour la victoire finale, avant même de connaître leur adversaire (Pays-Bas et Argentine doivent s’affronter le lendemain dans l’autre demi-finale). Les Brésiliens, eux, n’ont plus que leurs yeux pour pleurer, et se répandent en excuses vis-à-vis de leurs compatriotes, à l’image d’un David Luiz, capitaine d’un soir de la Selaçao, les yeux embués et la voix remuée de sanglots, incapable de quoi que ce soit d’autre que de répéter, hagard, au micro qu’il voulait « juste donner du bonheur au peuple brésilien ».

Si la défaite de 1950 face à l’Uruguay, grand traumatisme footballistique national s’il en est, avait rapidement acquis le surnom de Maracanazo (en référence au stade du Maracana, le « zo » ou « ço » signifiant « choc »), cette nouvelle déroute ne tarde pas à se forger l'appellation de Mineirazo, signe de sa place à part dans l’histoire du football brésilien – place, vraisemblablement, très inconfortable, pour ne pas dire maudite. Après un nouveau revers sec lors du match pour la troisième place face aux Pays-Bas (3 – 0), les Brésiliens partent en vacances, la tête de basse, tandis que leur sélectionneur, Luis Felipe Scolari, est renvoyé. Il leur faudra, à tous, de longs mois avant de se remettre du traumatisme


2 commentaires:

  1. Tu as le don de choisir les photos : que de frissons en revoyant la joie indescriptible de Suarez contre l'Angleterre !
    Et même si j'étais ravi de la prestation allemande en demi-finale, étrange, un an après, les photos des supporters auriverde dépités m'attristent beaucoup. Cette gamine, mais aussi le papi moustachu (il avait eu un article sur lui dans SF à sa mort je crois, il y a quelques mois) qui serrait une réplique du trophée dans ses bras, les yeux larmoyants, c'était quelque chose.

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    1. Ah, moi j'étais plutôt pour le Brésil, mais sans plus. J'espérais avant tout assister à un beau match de football, et je dois avouer que ces attentes ont été vites déçues, tant le niveau moyen du match et son suspense étaient nuls. En revanche, l'explosion en vol de l'équipe du Brésil est un épisode d'anthologie, un coup de poing qui résonne longtemps. Pour l'anecdote, j'ai regardé le match avec un copain colombien, il a eu le malheur d'arriver avec une demi-heure du match et donc de rater les cinq premiers buts, ça ne l'a pas empêché de passer toute la soirée hébété. Le score dépasse le match, c'est rarissime !

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