Même les Italiens se sentent parfois lésés par l'arbitrage. |
Dans une nouvelle peu connue de Dino Buzzati (que l’on
retrouve dans le recueil du K),
chaque semaine, le lundi à minuit, l’homme le plus puissant de la planète
décède : d’abord le chef de l’Union Soviétique, puis le Président
américain, puis le vice-président, puis le chef de l’Afrique occidentale, et à
partir du moment où tous les puissants ont compris en quoi consistait la
Justice divine (car tout se fait sous l’impulsion d’un Dieu en colère contre
nous), chacun abandonne sa charge sans être remplacé, personne n’osant plus
détenir plus de pouvoir que les autres de peur d’être châtié, ce qui créé un
ordre nouveau.
La Coupe du monde 2002, coorganisée par le Japon et la Corée
du Sud, en fut une sorte d’adaptation footballistique : dès le premier
tour, la France, tenante du titre et championne d’Europe, était éliminée, sans
marquer le moindre but. Dans la foulée, la redoutable Argentine (articulée
autour de Veron, Batistuta, Crespo ou Zanetti, elle avait littéralement survolé
son groupe de qualification) subissait le même sort, puis le Portugal de Figo,
ballon d’or 2000 et Joueur FIFA de l’année 2001, et enfin le Cameroun, double
champion d’Afrique en titre et champion olympique.
Au stade des huitièmes de finale, l’Italie, vice-championne
d’Europe et menée par des joueurs du calibre de Vieri, Maldini, Del Piero, Cannavaro et Totti, peut se dire que la voie est
libre. Le dix-huit juin, à Daejon, elle rencontre la Corée du Sud, qui joue
certes à domicile et est certes entraînée par Guus Hiddink, mais reste novice à
ce niveau et ne compte aucun joueur de classe mondiale. C’est à ce moment
qu’intervient Byron Moreno. L’arbitre équatorien, star dans son pays où il multiplie les participations à des émissions de télé, mais inconnu au niveau mondial, va entrer
dans l’Histoire de la Coupe du Monde en accordant un penalty généreux au pays
organisateur avant d’expulser litigieusement Francesco Totti puis de refuser un
but en or valable à Damiano Tommasi. La Corée du Sud se qualifiera finalement
2-1, sur un but marqué par le seul Coréen jouant dans le championnat italien (Ahn
Jung-wan, remplaçant à Pérouse et viré dès le lendemain de la rencontre par son
fantasque président, Luciano Gaucci, l'homme qui avait voulu faire jouer des femmes et l'un de fils de Kadhafi dans son équipe), et toute la Botte se déchainera contre
l’arbitrage de Byron Moreno, lequel, frimeur, se déclarera très satisfait de sa
prestation et rejettera la faute sur les ratés de l’attaque de la Squadra
Azzura, avant de se moquer du tempérament « mauvais perdant » des
Italiens.
Lord Byron. |
La Corée du Sud, équipe surprise de la compétition,
éliminera ensuite l’Espagne en quarts de finale avant de buter sur l’Allemagne
en demies. La surprenante résistante physique de ses joueurs (le défenseur
français Willy Sagnol, qui les avait affronté un an auparavant, puis quinze
jours avant le début du mondial aurait noté, songeur : « leurs cuisses ont doublé de volume »)
et l’arbitrage favorable rencontré durant la compétition feront germer l’idée
d’une coupe du monde pourrie, destinée à avantager le pays organisateur pour
mieux y promouvoir le football (avec un certain succès, à en croire les sommes
auxquelles se négocient, aujourd’hui, le tournées des grands clubs européens en
Asie). Byron Moreno, lui, s’empêtrera dans une sombre histoire de corruption,
lors d’un match de championnat équatorien où il favorisera (en octroyant DOUZE minutes de temps additionnel) l’équipe de Quito, ville où il briguait un siège du conseil municipal. Suspendu vingt matches, il signera son retour
en expulsant trois joueurs d’une équipe qu’il n’aimait pas, avant, sous le
scandale provoqué par ses décisions, de prendre sa retraite.
L'heure du carton. |
Ce ne sera pas la fin de l’aventure, puisque Moreno, d’abord
en proie à de graves soucis personnels, a fini, en septembre 2010,
par se faire arrêter, au terminal de l’aéroport JFK de New York, avec un peu
plus de six kilos d’héroïne sur lui cachés sous ses vêtements. Il sera condamné
à deux ans de prison. En apprenant la nouvelle, Gianluigi Buffon, déjà gardien de la Squadra Azzura lors de l'épique huitième de finale, déclara : "en 2002, c'est dans le corps qu'il les avait, les six kilos de drogue". Et Buzzati ? Dans sa nouvelle, il n’épargne qu’un
seul puissant : De Gaulle, décrit comme un nonagénaire gâteux s’accrochant
à la France comme un vieillard à sa canne (la nouvelle, devenue uchronique à
titre posthume, est sensée se passer en 1980), et ce afin d’offrir une leçon
d’humilité à ce Don Quichotte moderne. Le football, lui, en a sauvé deux :
le Brésil, et l’Allemagne, qui avaient été inhabituellement à la peine en
qualification, avaient enfin appris la modestie et ont fini par se hisser en
finale. Le reste du tableau laisse songeur : Corée du Sud et Turquie en
demi-finales, Etats-Unis et Sénégal en quarts. Et le sentiment d’une coupe du
monde à part.
Les principaux faits d'arbitrage du match :
Cette réplique de Gianluigi :-)
RépondreSupprimerQuand je pense qu'on rabâche toujours sur la faiblesse de l'édition 90, franchement, je ne l'échange jamais contre celle de 2002...et cette réaction n'est pas due à la prestation française.
Sinon, fin 2001, France, Portugal & Argentine étaient au sommet, et Brésil & Allemagne au bord du gouffre. Comme quoi.
2002 a pour moi été sauvé par la belle prestation de l'équipe turque, pour laquelle j'ai toujours eu une inexplicable sympathie (je trouve de surcroit que c'est eux qui ont l'hymne le plus classe). Mais c'est vraie que cette Coupe du Monde était vraiment bizarre, ce qui était accentué par le décalage horaire très inhabituel (si tu étais déjà à Tahiti, ton ressenti à ce sujet doit être très différent, c'est vrai).
SupprimerAh oui, très belle équipe turque, avec son petit magicien Bastürk ou le feu follet Hasan Sas !
SupprimerPour le décalage horaire c'était chiant, on a eu France-Sénégal à 1h du mat, se lever en pleine nuit c'est déjà pas ça, mais en plus pour trois matches aussi dégueus...cauchemar ! Remarque j'y ai pris goût car cela fait quatre ans que je me lève pour les matches de Liverpool^^
En 2002 j'ai dit stop après les quarts, vu que j'étais pour les Sénégalais, les Anglais, les Espagnols (à l'époque j'aimais leur équipe, avec leur milieu composé du trio de Valence et du classieux Valeron) et les Américains (L'Allemagne était très pauvre entre 1998 et 2004.). Ma patience a des limites quand même !